Ni ombre ni reflet

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Grimaldi et Grandbois quittèrent le Sanctuaire et sortirent dans la nuit froide. Une pluie fine avait commencé à tomber. Grimaldi tendit la paume.
« C'est bien.
— Quoi donc ?
— La pluie. Les sin umbra vont se tenir à l'intérieur. »
Ils marchèrent en silence vers la voiture de Grimaldi. Michel ne comprenait rien à ce que lui avait dit son pater, mais il était certain que l'explication viendrait en temps utile. Il n'eut pas à attendre longtemps.
« Les sin umbra. Je t'en ai parlé tout à l'heure. Les sans ombre. Ce sont des vampires qui n'ont ni ombre ni reflet. »
Comment Grimaldi, avec son esprit cartésien et ses connaissances scientifiques, arrivait-il à s'expliquer un tel phénomène ? Michel osa presque lui poser la question.
« Ils ont accès à des pouvoirs étranges, inaccessibles aux autres. Certains marchent sur les murs, d'autres peuvent se rendre invisibles. Certains se transforment même en brume. J'ai entendu parler de certains qui pouvaient se changer en flammes ou en eau vive, mais je crois que ce sont des contes que les vampires inventent pour se faire peur.
— Pourquoi me racontez-vous tout cela ? »
Michel eut peur d'avoir parlé trop brusquement. Il en avait assez des leçons, au moins pour cette nuit
« Les anarchistes qui nous ont attaqués étaient des sans ombre. C'est bon à savoir. Pour se méfier de leurs pouvoirs uniques, mais aussi pour connaître leurs faiblesses.
— Des faiblesses ? »
Voilà une leçon que Michel était prêt à recevoir. Cela ressemblait à une promesse d'action.
« Tout ce qui nous affecte les blesse au centuple. Nous craignons l'eau courante. Eux, une grosse averse suffit à les affaiblir. »
Michel hocha la tête. Bon à savoir, en effet.
Mine de rien, ils étaient arrivés à la voiture. Michel s'arrêta.
« Tu ne montes pas ? »
Michel ne répondit pas. Les paroles de Medina résonnaient encore en lui.
« Je ne retourne pas à la maison, précisa Grimaldi. J'ai plusieurs cachettes. Certaines n'ont pas été utilisées depuis des années. Ils ne nous y retrouveront pas.
— Je crois que je vais passer mon tour.
— Tu en es certain ? Très bien. Sois prudent.
— Ho ! Pour ça, soyez tranquille. »
Grimaldi allait monter.
« Attendez. Qu'est-ce que le prince a dit, en fin de compte ?
— Il désire que nous nous en occupions seuls.
— Il nous laisse tomber ?
— Je préfère considérer cela comme une nouvelle responsabilité. À propos...
— Oui ?
— Tes pouvoirs... Où en es-tu de ce côté ? Toujours rien ? »
Qu'y avait-il à répondre à cela ? Michel avait trop de nouvelles sensations pour chercher les traces de ses anciennes tares. La vision qui avait accompagné son éveil était une première. Si ses hallucinations et sa clairvoyance étaient liées, c'était peut-être un signe encourageant. Mais il préférait ne pas raconter sa crise à Grimaldi. D'autant qu'elle impliquait Myriam.
« En vérité, je ne sais pas par où commencer. La cité compte des milliers de bâtiments abandonnés.
— Pourtant, ils savent toujours où nous trouver. »
Grimaldi haussa les épaules. « Mon adresse est dans le bottin. C'est pour cela que je vais me réfugier dans une de mes cachettes d'urgence.
— Et Levinston ?
— Quoi, Levinston ?
— Il n'a pas des contacts dans la police ? Les journalistes ? Quelqu'un qui pourrait nous filer un tuyau ?
— Le domaine de Levinston, c'est la politique. Tu as plus de contacts dans la police que lui. »
Le père et le fils se regardèrent un long moment. Ils venaient d'avoir la même idée.
« Je vais donner un coup de fil, dit Michel. On verra bien. »
Grimaldi acquiesça. « Très bien. Sois prudent. »
La voiture disparut bientôt derrière le collège.
Oui, Michel allait donner un coup de fil à l'inspecteur Kafka.
Pourquoi pas ? Il avait deux enquêtes à mener, désormais. L'une sur les anarchistes, et l'autre sur ce qui liait Levinston à la mort de ses parents.
Alors qu'il était encore seul, quelqu'un le saisit par-derrière.

Myriam et le Cercle de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant