Les flammes de Nyoto

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Malgré toute sa science du combat, Nyoto ne parvenait pas à passer le mur des chaînes tournoyantes. Le coup de génie de Michel, cette attaque avec une statue bénie, changea la situation. Ils étaient à trois contre un désormais. Tôt ou tard, son adversaire devrait détourner son attention. Malgré tout, un tourbillon mortel l'environnait. Le plus léger contact pouvait être fatal.

Il avait bien sûr une possibilité.

Le monstre se concentrait toujours sur Michel, attendant sa réponse. Alors il mordit sa propre main, avala un peu de son sang, et cracha vers son adversaire une langue de feu qui l'engloutit en entier. Sa victime jeta à Nyoto un regard surpris et curieusement amusé. Une épaisse fumée s'éleva dans les airs. Les vêtements de l'homme brûlaient, mais ils n'entendaient aucun hurlement de souffrance. Alors Nyoto comprit à qui ils avaient affaire.

Il avait été formé pour affronter cet être. Pourtant, il n'était pas prêt. Quand il avait imaginé cette rencontre, il avait toujours prévu avoir l'avantage de la surprise. Quelle naïveté ! Maintenant, il y était. Mal préparé, mal épaulé. Au moins, il venait de se nourrir.

L'ennemi le regarda avec un intérêt soutenu. Après ce souffle de feu, il ne détournerait plus son attention du sorcier noir.

Paradoxalement, Nyoto était repoussé par le brasier qu'il avait lui-même allumé. Parfois, un bout de tissus enflammé s'envolait, emporté par le mouvement ascendant de l'air chaud ou par la brise fraîche de septembre. Grimaldi recula, signifiant à Nyoto que le moment était peut-être venu de battre en retraite.

« Ce n'est pas un vampire, dit Nyoto. C'est un démon. Un démon dans le corps d'un mortel. »

À cet instant, le combustible manqua. La peau du démon était noire de cendres, éclairée par endroits d'une braise mourante, mais aucune trace de brûlure.

« Pas si mal. À mon tour maintenant ! »

La lueur fantomatique qui émanait des chaîne changea de teinte, passant du bleuté à un ocre resplendissant. Les maillons, presqu'invisible jusqu'à ce moment, prirent la consistance du fer chauffé au rouge. La chaleur qui s'en dégageait troublait l'air, au point que l'image entière du démon semblait onduler dans la pénombre.

Les premières attaques des chaînes foudroyantes se portèrent vers Nyoto, qui parvint à les esquiver avec l'agilité d'un chat. Leur mouvement incessant décrivait dans l'air une véritable boule de feu. Michel et Grimaldi tournaient tout autour du terrible adversaire, attendant une occasion sans vraiment l'espérer. Nyoto leur était reconnaissant de ne pas filer, comme le bon sens le recommandait.

Le démon avançait vers lui, pressé d'en finir. Nyoto recula jusqu'à la statue sous le couvert de la forêt. Les chaînes, même sous leur apparence solide, continuaient de traverser les troncs et les feuilles. En cette saison, la forêt était humide, mais de petits brasiers s'allumaient tout de même par endroits. Le démon en était conscient et il s'en éloignait. Sa nature était insensible aux flammes infernales soufflées par Nyoto, mais un incendie de forêt finirait par en venir à bout. Nyoto se plaça dos au vent. Les flammes qui s'allumaient à chaque mouvement refluaient vers le démon.

« Excellent. J'avais peur que ce soit trop facile. »

Il éteignit ses flammes avec un sourire.

La disparition du feu rendit son courage à Grimaldi, qui frappa de son couteau le dos nu de son adversaire, avec une force qui aurait transpercé un madrier. La lame ne causa pas plus de dommage que s'il avait heurté une pierre. Seule apparut la marque timide d'une minuscule coupure, aussitôt guérie ; l'ennemi n'avait pas même ralenti ses attaques. Une chaîne traversa le bras de Grimaldi. Elle ne laissa aucune trace, mais immédiatement il sentit son membre se refroidir, se roidir, comme s'il l'avait plongé dans l'eau de la rivière. Le démon continuait d'avancer sur Nyoto, qui dut bientôt reculer jusqu'à l'abrupte pente descendante. Grimaldi donna alors à son adversaire un solide coup de pied derrière le genou qui l'envoya rouler en contrebas dans un fracas de branches rompues. Les mains cherchèrent une prise, mais ne purent saisir que la cheville de Nyoto. Ce dernier, déjà déséquilibré, dévala la pente à son tour.

Myriam et le Cercle de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant