Myriam et le Cercle de fer

By PhilippeRoy

10.5K 1.5K 556

«Chez nous, nous n'aimons pas beaucoup le terme "vampire". Nous préférons nous appeler "les Bergers".» C'es... More

Livre I
Michel le fou
Au Café Jean-Sol Partre
«Tu n'as rien à craindre de moi»
Vade Retro
Un matin difficile
L'Inquisiteur viendra bientôt
«Tu ne vieilliras plus jamais»
Le Sacrifice
L'Aide des ténèbres
Le Cerbère
Azincourt
Le Prince Rodrigue
«Tu souffriras plus que quiconque»
Mani
Le Test
La transcription
Le Repas des Pénitents
L'ichor se tarit
«Tue-les tous, sauf Michel»
Le labyrinthe
Le plan
Les Temps nouveaux
Face à face
Le Manoir d'Albert Levinston
La bibliothèque de Levinston
La Zone
Le Réveil de Levinston
Le Monastère de Saint-Benoît
Grimaldi
Nyoto
Grimaldi
Les flammes de Nyoto
Le Défi
L'Enquête d'Hélène
Sol Invictus
La Guerre des ogres
Un Pacte dans les ténèbres
Le Château d'Ilona
La Reine Cassandra
Cassandra
Seul face à la nuit
La Laine et l'Eucalyptus
Résolution
Le Portier du Vade Retro
VIP
Mauvaise Nouvelle
Il doit pleuvoir à des funérailles
Condoléances
L'Hypothèse de Levinston
Moins on les voit...
La Seconde Vue
La Famille de Michel
Le Faux Soleil
Livre II : La Nuit
Le Maître de Greenberg
La Fête des morts
C'est pour ce soir
L'Ichor du Pinacle
Nous sommes dans une horloge
De la vie à la mort
Premiers pas dans la nuit
Le Rêve du cerbère
La Loi des Bergers
Des cendres au vent
Le Miroir de chair
Ni ombre ni reflet
«Tu n'as rien à faire; que me regarder»
On s'habitue à tout, tu sais
Le Miroir brisé
Le Juge et l'Inspecteur
La rivière seule nous entend
L'Obsession
Je serai patiente
L'Inconnu d'Ásgard
Le Jeu de Levinston
Le Bar de granit noir
Le Reflet de Myriam
Livre III : l'Aube
La Sentence
Voyage vers l'exil
L'Invité
Livre III : L'Aube
La Capitale
Savoir, pouvoir, expérience
Le Pacte
Magister dixit
L'Araignée espagnole
Le Cercle de Fer
Les Veines d'acier
La Proposition
Le Libraire
Les Pénitents
L'Air d'avril
La Moisson de papier
Il mettra leur âme dans une boîte
L'Angoisse des Bergers
Cadavres et menaces
Le Paiement
«Je suis l'un de ces anges que l'on voit à la télé.»
Paralysée
«Il a mon cœur»
Ne viendras-tu pas cette nuit?
Leur sang m'appartient
«Je suis le chemin, la vérité et la vie»
« Aimes-tu la poésie? »
La Caverne
« Tu ne me sers à rien »
Du Sang dans l'eau
«C'étaient des amis à moi»
Avant l'aube
La Belle et le Sorcier
À l'Opéra Aquilinie
Venus des profondeurs
Le Masque de cire
La Corde de sang
Au Pied de la falaise
L'Espoir entre des mains noires
L'Aveu
Lorsque le prince ouvrit la main...
Les gargouilles ne prononcèrent pas un mot de réconfort
Ne résiste pas
Épilogue

Les gens comme nous

39 10 0
By PhilippeRoy

Michel Grandbois avait laissé passer deux tramways avant de se décider à monter. Aucun, pourtant, n'était bondé ; ils étaient simplement trop neufs. L'Apocalypse avait eu le tort d'arriver partout à la fois. Il avait fallu prendre des mesures drastiques, les ressources ayant rapidement manqué. Aussi, sur les lignes, les voitures neuves côtoyaient des antiquités, que l'on était allé chercher jusque dans les musées. C'est dans ces dernières que Michel se sentait le mieux. Il croyait y entendre les chuchotements des gens qui les avaient empruntés jadis, en des temps moins moroses. Il avait besoin de cette courte rêverie.

Quelques jours de repos lui avaient suffi à reprendre ses esprits. Depuis longtemps, ses yeux intérieurs lui avaient imposé le spectacle de tant d'horreur. Cette fois, la possibilité d'agir avait rendu l'épreuve plus supportable. Il ignorait ce qu'il en serait de ses amies. Auraient-elles pour toujours peur du noir?

Il n'était pas encore tout à fait midi, et le wagon était peu encombré. Michel remarqua un homme qui lisait un journal. Il lui avait semblé l'avoir aperçu dans la rue. Depuis deux jours, il avait toujours l'impression d'être suivi.

Les grincements des roues sur les rails et l'odeur du métal écorché agissaient sur Michel comme une drogue. Il était à moitié assoupi lorsqu'il vit la maison jaune de Daniel. La brise de septembre, heureuse de le retrouver, souleva le pan de son manteau alors qu'il déposa le pied sur le trottoir ; ce soir, il lui faudrait un temps fou pour défaire les nœuds de ses cheveux. Il ne s'en souciait guère. Sur le palier, Maria l'attendait.

Elle lui sourit, de ce sourire un peu trop large qui s'illuminait chaque fois qu'elle le voyait, depuis longtemps déjà. Depuis Saint-Sébastien. C'était une femme à la beauté particulière, au visage anguleux où deux immenses yeux noirs avaient été collés par un artiste à la main heureuse. Le maquillage, qui soulignait à grands traits ses paupières et sa bouche si grande, amplifiait chaque mimique, comme dans un film expressionniste. C'était une beauté unique, une sorte de prototype créé pour inspirer aux hommes un désir plus tranquille, une adoration plus silencieuse. D'allure fragile, elle semblait toujours prête à se rompre, aussi Michel la serra avec beaucoup de délicatesse quand il lui embrassa les joues. Elle portait une étrange odeur d'eucalyptus et de laine, qu'il avait appris à reconnaître et qui le réconfortait. Lorsqu'il s'apprêta à entrer, elle le retint par le bras.

« Il ne va pas bien, dit-elle. J'aimerais que tu lui parles. »

Grandbois baissa les yeux. « Je ne peux pas grand-chose, mais je vais essayer. »

Depuis sa sortie de Saint-Sébastien, Maria habitait chez Daniel. Elle n'avait pas eu la chance d'avoir des parents aussi compréhensifs que ceux de Michel ; les siens priaient pour qu'on ne la laisse jamais quitter l'hôpital. Ils avaient accepté un temps de la garder avec eux, mais la peur ne quittait jamais longtemps leurs yeux. Peur d'elle et des phénomènes qu'elle engendrait, mais peur aussi des juges, de l'Inquisition qui ne détournait jamais le regard, et peur des voisins vifs à dénoncer. Michel n'y comprenait rien ; avoir une fille comme Maria et la considérer comme un monstre dépassait son entendement.

Daniel, qui avait aussi fait un long séjour à Saint-Sébastien, avait pris la place que ces gens étaient trop lâches pour occuper. La porte, qui avait besoin d'un coup de rabot, résista un instant avant de le laisser entrer.

Dans la cuisine, Daniel le gratifia d'un large salut, sans toutefois se lever. Sur la table face à lui, la bouteille de whisky était bien visible, droite comme un condamné.

« Viens t'asseoir, je t'en prie. »

La voix éraillée du vieil homme laissait penser qu'il n'en était pas à son premier verre. Ses épaules étaient voutées à en toucher la table. Alors qu'il retournait à sa boisson, on ne voyait plus que le sommet de son crâne dégarni, devenu rouge par la force des libations. Grandbois partageait l'angoisse de Maria : à ce train, l'alcool ne mettrait plus de temps à emporter leur ami. Michel tira à lui l'une des chaises. Avant de s'asseoir, il retira de sa poche l'enveloppe qui débordait de couronnes froissées.

« Ils t'ont payé », constata Daniel.

Michel se contenta de hocher la tête en comptant les billets. « Mille couronnes.

— Ils gardent toujours de l'argent au frais pour les grandes occasions. Ils le saisissent sur les criminels, et ce sont les gens comme nous qui en héritent. Hâte-toi de te débarrasser de ces billets, et ne te concentre pas trop sur eux. Tu n'aimerais pas ce que tu verrais. »

Grandbois s'installa à table. Par des gestes nerveux, il sépara la liasse au tiers.

« Voilà trois cents couronnes. Trente pour cent. Ça va ?

— Qu'est-ce que c'est que ça ?

— Une commission. C'est toi qui m'as trouvé ce travail.

— Garde cet argent. Tu m'as rendu un grand service en y allant à ma place. »

Grandbois hésita un moment, puis il remit les trois cents couronnes dans sa poche, veillant à ne pas les mêler aux autres. Il savait comme il était difficile de supporter ce pouvoir. Un jour, Daniel avait découvert que l'alcool l'en soulageait ; Michel ne pouvait que souhaiter être plus solide que lui, quand il atteindrait son âge.

« Veux-tu un verre ?

— Non merci. Il est encore trop tôt. »

Daniel se resservit, sans commenter la remarque de Michel.

« Tu as de la chance : il m'a fallu trois boulots pour qu'ils consentent à me payer. Alors, j'imagine que tu l'as trouvé...

— Tu n'as pas lu les journaux?

— Je ne lis plus les journaux depuis longtemps.

— J'ai dit à la police où les retrouver. Mais l'Inquisition est arrivée avant eux. Ils devaient avoir un informateur au poste.

— C'est probable. »

Même sans statut officiel, l'Inquisition était partout, désormais. Michel frémit. Les bancs de sa faculté accueillaient depuis un bout de temps déjà les anciens policiers. L'essentiel des écoles était contrôlé par l'Église Unie, ce qui restait des hôpitaux publics basculerait bientôt. Visiblement, les policiers eux-mêmes commençaient à douter de leur propre utilité. Et le pire, c'est que l'Inquisition livrait la marchandise. Les malades incurables guérissaient, les coupables disparaissaient dans la nuit et la confiance revenait. Comme si Dieu lui-même se chargeait de l'administration.

« J'ai été convoqué. »

Le verre de Daniel, fait extraordinaire, resta suspendu quelque part entre la table et sa bouche. Près de Michel, Maria se figea aussi.

« L'Inquisition rencontre souvent les étudiants de théologie. Ils recrutent. L'inquisiteur que j'ai rencontré chez le vampire me connaissait.

— Ils savent pour ton pouvoir ? »

Michel fit signe que non. « Je ne crois pas. Ils ont accès à mon dossier, bien sûr, mais ce qui appartient à Saint-Sébastien reste à Saint-Sébastien.

— Tu es grand, fort, intelligent. Normal qu'ils s'intéressent à toi. » Daniel avait parlé d'une voix tremblante, comme pour se rassurer. Mais, tout de même lucide, il ajouta : « Ton père est un défroqué, non ?

— Ça n'a aucune importance. »

Daniel souleva un sourcil, signe d'un acquiescement prudent, avant de vider son verre d'un trait.

« C'est pour quand ?

— Ce soir.

— Tu n'as pas à t'en faire. Mais ils vont te parler de Saint-Sébastien, c'est sûr. Tu dois y être préparé.

— Je sais. »

Il ignorait ce qu'il leur raconterait. On pouvait parler de Saint-Sébastien, mais jamais de ce qui s'y produisait. Grandbois gardait l'œil fixé sur la bouteille, que Daniel avait déjà saisie par le corps pour l'agiter au-dessus de son verre. Au train où il buvait, Michel aurait depuis longtemps roulé sous la table. Il aurait peut-être eu besoin d'une rasade, pour se donner le courage de secouer Daniel. Il sentait sur son dos le regard désespéré de Maria. La vérité, c'est qu'ils étaient tous les deux impuissants. Une horloge vénérable sonna midi. Le bruit fit sursauter Daniel.

« Déjà midi ? »

Ses épaules tanguèrent alors qu'il se retournait pour regarder les aiguilles, bien superposées. S'il avait tenté de se lever, il se serait sans doute écroulé.

« Tu vas déjeuner avec nous ?

— Je vous remercie, mais non. J'ai mangé quelque chose au poste. Et j'ai cours. Il vaut mieux que je parte. »

Il se leva brusquement, pressé de fuir. Daniel n'esquissa pas un geste de protestation. Il avait d'ailleurs besoin de toute sa concentration pour boire sans renverser son whisky. Michel le salua ; Daniel était déjà ailleurs.

Maria suivit Grandbois sur le pas de la porte. Il la regarda, elle et son expression de reproche. « Je suis désolé.

— Je comprends. »

Et voilà. Malgré leur affection réciproque, malgré sa carrure d'athlète et l'image de force consolatrice qu'il voulait garder pour elle, il venait de lui prouver sa lâcheté et son impuissance.

« Je pourrais lui dire n'importe quoi, il aura oublié demain. » C'était peut-être vrai, cela restait une excuse. Elle n'était pas dupe, mais elle hocha gravement la tête.

À la vérité, ils savaient tous les deux ne pas pouvoir grand-chose. À tout le moins, ils pouvaient espérer que leur douleur ne durerait pas : leur ami ne pourrait continuer longtemps sur cette voie. Bientôt, quelque chose casserait, à l'intérieur de cette fragile mécanique humaine, et leur rendrait le Daniel des vieux jours, seulement un peu affaibli. Ou encore, il mourrait, tué par l'alcool. Quoi qu'il en soit, ce serait terminé.

Grandbois sortit de sa poche la liasse des trente pour cent. La donner à Daniel était une mauvaise idée ; entre les mains de Maria, elle ne servirait pas à acheter du poison. Elle refusa d'abord, par un fier réflexe, puis la saisit. Il n'avait pas besoin de cet argent, et il savait que la fuite en avant de Daniel risquait de laisser Maria sans ressources.

Elle le serra une dernière fois dans ses bras frêles et il l'embrassa sur le front, tout près de la naissance des cheveux. Il respira un bon coup, afin d'emporter avec lui le plus possible de cette odeur de laine et d'eucalyptus. Puis il la quitta. Au coin de la rue, le tramway venait d'apparaître.

Il courut pour le rattraper, grimpa d'un bond et marcha vers l'arrière en bousculant le moins possibles les passagers qui encombraient l'allée. Un homme faillit en perdre son journal. Quand Michel se retourna pour s'excuser, il eut un mouvement de recul. L'homme baissa les yeux rapidement et regarda par la fenêtre le paysage qui défilait.

Michel était presque certain d'avoir reconnu celui qui lui avait paru suspect à l'allée.

Continue Reading

You'll Also Like

1.7M 88.4K 46
Elle, Nicole Evans, 18 ans, est une adolescente parfaitement normal à quelques exceptions près, elle est d'une beauté ravageuse qui ne laisse pas ind...
1M 65.8K 46
[Tome 1 ] William Reed, la famille la plus puissante au monde cherche son âme sœur dans les deux espèces depuis maintenant quatre longues années il f...
21.7K 890 46
Olivia est une jeune adolescente de quinze ans, qui après avoir découvert les journaux intimes de sa mère quand elle était adolescente, va exposer au...
149K 13.6K 84
Que de polémiques sur ce film : 365 Days. Netflix que l'on accuse d'autoriser le visionnage sur sa plateforme. Et le livre n'est toujours pas encore...