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Je me réveille dans les bras d'Azref, après qu'il ne m'ait laissé aucun doute quant à ses réels sentiments. Le fait de penser que la seule personne qui m'a aimé en dehors de ma sœur et mon père est mon ennemi, l'homme que je finirais pas tuer... cette pensée me perturbe tant.

Plus simple de me dire qu'il ne m'aime pas réellement. Il ne connaît pas la véritable moi, celle que je suis censée avoir oubliée. S'il l'a connaissait, il la tuerait. Il ne l'embrasserait pas, ni ferait des choses intimes avec elle...

- Mon amour... souffle-t-il en me caressant les cheveux.

Je ne dis rien, je ne le regarde même pas. Je ferme les yeux simplement un instant pour me reprendre.

Ne dis pas cela, ne m'appelle pas ainsi, je ne suis pas tienne.

- M'aimes-tu véritablement ? Ou ressens-tu un sentiment approchant à mon égard ? Murmure-t-il, comme à lui-même.

Comme s'il n'attendait pas ma réponse. Je peux tout simuler, mais pas l'amour pour un malade d'amour. Tant qu'il se convaincra qu'il m'aime, il sera capable de savoir si je suis sincère ou non... C'est ce que je crois.

- Peut-être, peut-être pas... Je crains que l'amour ne m'ait aveuglé au point que la réalité semble se confondre avec les rêves, soupire-t-il. Au point que je ne vois pas que tu te sers de moi.

Il n'a pas bougé, moi non plus. Ma tête est restée posée sur son torse, tandis qu'il me serre contre lui. Je crains qu'il ne se perde trop dans ses réflexions, l'amenant à réaliser à quel point j'étais une menteuse, à quel point j'ai toujours eu l'intention de le trahir au plus haut point.

- Je n'ai cependant jamais ressenti un tel sentiment, dit-il d'une voix rauque. Je te laisserai probablement faire, même si tu te sers de moi, pourvu que je puisse t'avoir.

Mes yeux s'écarquillent alors que je lève la tête vers lui. Ses yeux étaient déjà posés sur moi, son regard doux et aimant. Il ne peut pas être sérieux. Il n'est pas aussi stupide. Et je me surprends à être en colère contre lui, bien que cela soit à mon avantage.

- Que m'as-tu fait, murmure-t-il, ses lèvres frôlant les miennes. Je ne veux m'inquiéter de rien quand je suis avec toi, je ne suis plus moi-même.

- Tu es devenu fou, dis-je sur le même ton.

Il pose ses lèvres sur les miennes, les bougeant lentement, se rendant compte également que cette fois-ci, c'est différent. Non seulement nos corps ne font plus qu'un, mais nos âmes aussi. Son âme touchait la mienne avec une intensité que je ne saurais décrire, presque comme si le monde entier m'appartenait en cet instant, comme si je devenais tout le mal qu'il avait, et qu'il était tout le bien que j'avais.

Puis finalement, il s'éloigne en souriant, me laissant à bout de souffle. Il prend la paume de ma main et la pose sur sa joue.

- J'aimerais dire que tu es mienne, mais nul ne peut conquérir ma femme, dit-il, les yeux brillants. Je dirai donc que je suis tien, maintenant et à jamais, ma bien-aimée.

Mon cœur palpite violemment dans ma poitrine, ne dis pas de telles choses... Ce n'est pas toi, Azref... Tu me détestes. Tu devrais me haïr. Combats-moi à égalité, et meurs d'une mort honorable !

Bats-toi ou tu seras tué, homme stupide !

Il reprend un baiser, avant de se lever. Rapidement, il enfile ses vêtements.

- Où vas-tu ? Lui demandé-je.

- Je n'ai pas vraiment l'intention de t'affamer, rit-il en me tendant la main.

Je la prends et me lève à mon tour. Nous nous dirigeons vers la salle de bain, où il me lave, prend soin de moi, et ses mains sont douces et tendres. Je sens ses yeux rivés sur mon dos, il a vu les cicatrices permanentes que Madame m'a laissées. Il est le premier à les avoir vues, et je sens que s'il savait qui est Madame et qu'elle est derrière tout ça, il la ferait payer lourdement.

Au bout d'un moment, nous sommes allés sur le balcon pour prendre le petit déjeuner.

- Qu'as-tu prévu avec le roi ? Lui demandé-je. Cela fait des jours qu'il n'est pas revenu.

- Je dois attendre encore quelques jours, lorsque cela fera un mois, je convoquerai le comité et je le considérerai comme ayant délaissé le trône, me répond-il.

- Tu deviendras donc roi ?

Il acquiesce. Azref est alors à quelques jours de passer du statut de prince à celui de roi. Il deviendra la plus haute autorité du royaume, il apprendra l'existence de ces camps, il continuera à opprimer mon peuple.

Il deviendra ce qu'il a toujours détesté... Althea s'est construite sur la cruauté, sur notre sang, il n'y a pas d'échappatoire.

Notre discussion s'est poursuivie pendant des heures, nous n'avons pas vu le temps passer. Je remarque juste qu'Azref va de mieux en mieux après la mort de sa mère, ou du moins il feint très bien. Puis il se lève enfin, affirmant qu'il a une réunion avec des ministres et des nobles. Les "rebelles" leur causent quelques soucis en cette période d'instabilité.

Je le raccompagne. Et dès qu'il a quitté l'appartement, Birsan est entrée à sa place. Elle avait le regard triste, mon chaton dans les bras.

- Votre Altesse... Je l'ai retrouvé dans le jardin, dit-elle à voix basse.

Je me lève d'un bond et m'approche d'elle. 

- Freya ?

Le chaton qu'Azref m'a offert. Elle reposait là, paisiblement entre les mains de Birsan, morte. Je la touche, tentant de la faire bouger, espérant qu'elle émette un quelconque son... mais rien. Mes yeux se remplissent de larmes.

- Que lui est-il arrivé ? Elle ne peut pas être... Elle n'a pas de sang, pas de bleus, rien sur elle... comment ?

- Je ne sais pas... dit Birsan, tristement. Je l'ai trouvée allongée entre les fleurs, les pattes sur le côté, comme si elle jouait avant... avant sa mort...

Je la prends et la serre dans mes bras, les larmes me montent aux yeux. Cette chatte aux cheveux de la même couleur que ceux de ma sœur, aux yeux bleus et perçants comme ma sœur, à la nature douce et gentille... Ma proche compagne. Freya.

Un sentiment de détresse m'envahit, mon cœur se pressant, semblant sur le point de se briser. Je ne peux pas pleurer. Je ne peux pas ressentir de tristesse. Un nœud se forme dans mon estomac et mon esprit s'assombrit. L'inquiétude me remplit, remplaçant toute tristesse.

- Et... Sire Reynald m'a envoyé une lettre, votre sœur est en route pour vous voir.

L'ombre écarlateWhere stories live. Discover now