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C'est assez bruyant, comme toujours. Les soldats qui crient et parlent entre eux, les balles qui volent à quelques kilomètres d'ici, le bruit des fusils et des épées qu'ils nettoient.

- Vous voilà, votre Altesse, dit le commandant de la division. Nous sommes heureux de vous revoir.

- Commandant Marco, comment allez-vous ? Lui demandé-je. Cela fait longtemps.

- Bien, Votre Altesse. Nous avons fait de notre mieux pour maintenir la discipline et l'efficacité durant votre absence.

Je parcours le camp du regard, observant les visages de mes soldats. Certains sont fatigués, épuisés par la guerre, cependant leur détermination reste inchangée. D'autres arborent des blessures de combat, des cicatrices qui témoignent de leur bravoure. Je ressens à nouveau ce lien particulier qui m'unit à eux, une connexion que je ne peux nier malgré la distance.

- Des nouvelles du front ? Lui demandé-je.

- Nous faisons de notre mieux, cependant la situation est difficile. Nos troupes sont bien organisées, malgré cela, les troupes d'Inimia semblent bien plus déterminées qu'auparavant. Nous avons perdu quelques hommes, mais nous tenons bon.

Je hoche la tête. Je suppose que cela à voir avec la disparition de Della. Bien que non confirmé, ils doivent sûrement nous suspecter. 

- Entrons dans la tente et discutons de tout en détail, lui dis-je.

Il acquiesce et nous nous dirigeons vers sa tente. Aussitôt à l'intérieur, le silence s'installe autour de nous. Le bruit extérieur est réduit, ce qui me permet de réfléchir librement.

- Votre Altesse, ou devrais-je dire, lieutenant-colonel, des félicitations s'imposent. Félicitations pour votre nouveau poste.

Je me contente de hocher la tête en guise de réponse. Père m'a nommé lieutenant-colonel, puisqu'il est colonel. C'est le grade le plus élevé au sein de l'armée. Je dirige l'ensemble de l'armée lorsque père ne le fait pas. Hier, après avoir quitté son bureau, il est revenu me voir et m'a confié ce poste. J'étais déjà impliqué dans l'armée, et à présent... je les dirige.

- Maintenant que nous sommes seuls, dites-moi la vérité sur le front. Nos soldats peinent-ils à combattre ? Lui demandé-je. Les armes ne sont-elles pas assez puissantes ?

- Je voudrais dire que c'est une bataille déjà gagnée, mais ce ne serait pas la vérité, soupire-t-il. Un escadron a été entièrement anéanti, sans aucun survivant. Je regrette de devoir le dire, mais Inimia gagne en puissance de jour en jour. Ils n'ont plus peur de mourir, ils donnent tout ce qu'ils ont.

- Commandant, nous ne perdrons pas face à ce maudit royaume, dis-je froidement. Peu importe ce que vous devez faire, que ce soit moral ou non, vous le ferez. Pour chaque soldat qu'ils ont tué, vous en éliminerez deux. Une vie à nous, deux vies à eux.

Le regard sérieux, je perçois l'acquiescement silencieux du commandant dans ses yeux. L'obscurité qui les habite témoigne de la pleine compréhension de mes paroles. Chaque nuance, chaque implication n'a rien perdu de son sens. Les combats qui nous attendent seront d'une grande brutalité, empli de sang et dépourvu de la moindre once de pitié. Les champs de bataille démontreront des combats si intenses que même les oiseaux dans le ciel viendront à croire que l'enfer lui-même s'est déchaîné sur terre.

Et même si nous perdons cette bataille, je ne serai pas déçu. Si Inimia gagne cette bataille, ils seront exaltés, excessivement confiants... et c'est alors qu'ils sentiront notre colère les frapper de plein fouet.

- Ce sont les documents de nos stratégies militaires ? Demandé-je au commandant, prenant une pile de papier en main.

- En effet, votre Altesse.

Je les regarde, même si j'en connais la majeure partie.

- Les stratégies de Sardor sont-elles dans cette pile ? M'interrogé-je.

- Oui, votre Altesse, ce sont les derniers documents.

Je laisse tout le reste et je garde celles de Sardor. Je les lis rapidement, voyant à quel point il est prudent et détaillé dans toutes ses stratégies.

- Vous suivrez surtout vos propres stratégies pour cette bataille, quelle qu'en soit l'issue, lui ordonne-je. Et pour les prochaines, vous suivrez celles de Sardor.

- Mais pourquoi ? Ne s'est-il pas installé au palais ? Que saurait-il de l'armée depuis son départ ?

- Ai-je l'air d'un idiot, Marco ? Dis-je, froidement.

Il écarquille les yeux, se lève et baisse immédiatement la tête.

- Co.. Comment oserais-je ? Dit-il, la voix tremblante. C'est juste que tout a changé pendant que...

- J'ai dit que vous alliez suivre les stratégies de Sardor. Dois-je vous rappeler qu'un commandant en second, un soldat, ne l'est pas uniquement sur le champ de bataille ? Son devoir se trouve certes au palais pour le moment, mais son intelligence est à notre service, ici, pour vaincre Inimia.

- Je.. Je suis désolé, votre Altesse. Ce n'est pas ce que je voulais dire. Nous obéirons à vos ordres.

J'acquiesce. C'est parce que je connais Sardor que je peux parler, il est aussi malhonnête que je le suis. Je me souviens de la première fois que je l'ai rencontré. Du haut de ses sept ans, il vendait les objets les plus atroces parmi les vrais, et les objets de valeur aux nobles pour qu'ils ne s'en aperçoivent pas.

Les nobles, tels qu'ils sont, se jalousaient les uns les autres et allaient acheter ses objets, qu'ils soient bons ou mauvais, ils ne s'en souciaient pas. Ils devaient posséder ces objets à la mode pour rendre les autres nobles envieux. Il a profité de leur stupidité.

Je l'ai vu faire, à chaque fois que j'allais au marché lorsque j'étais enfant, mais je n'ai jamais pris la peine de prévenir mes gardes. Ce n'était pas mes affaires... et ce n'est la faute de personne d'autre que des nobles. Ils ne veulent qu'étaler leurs richesses, je les trouve complètement stupides. 

Cependant, il s'est fait arrêter pour escroquerie plus tard, et je l'ai fait sortir de prison. Je l'ai gardé comme ami, à la fois pour avoir un compagnon et parce que je savais qu'il serait d'une grande utilité quand nous serions plus grands. Et j'ai bien fait. J'ai utilisé son cerveau à mon avantage.

- Maintenant que c'est réglé, allons voir les soldats, et je vérifierai nos armes. 

L'ombre écarlateWhere stories live. Discover now