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Les armes d'Althea viennent d'arriver. Duc Valerius les examine, et voyant le sourire qu'il a aux lèvres, je comprends que tout va comme nous le voulions.

- Il comptait bombarder à nouveau des territoires, me dit-il. Sans ce que nous avons, ils ne pourront rien faire.

- Dieu merci.

Il se tourne ensuite vers moi, son sourire s'étant effacée, alors que nous étions tous les deux seuls. Il s'approche lentement, et je savais à nouveau ce qu'il voulait.

- Nous pouvons les bombarder sur-le-champ, mais je ne le veux pas, m'avoue-t-il.

- ... Pour quelles raisons ?

- Votre sœur... me répond-il. Je le sais, je le sens, elle est à Althea. Morte ou vivante. Et je ne veux pas prendre le risque de bombarder sans le vouloir l'emplacement où elle se trouve.

Je soupire, et m'assois sur une des caisses en bois. Je pense qu'il est temps de le lui dire, père m'en a donné l'autorisation.

- Della est en vie, l'informé-je.

- Je le sais, dit-il, les sourcils froncés. Même si personne ne le croit, je le sais.

- Non... j'en ai la certitude, elle m'a contactée. Elle est au palais d'Althea.

Ses yeux s'écarquillent. Il reste figé un instant, avant de lever le regard vers moi. Lui, qui ne s'est reposé un instant afin de la retrouver.

- Co... Comment ? V-Votre Altesse, nous devons agir ! Pourquoi ne l'avez-vous pas dis plus tôt ? En tant que son fiancé, je...

- Duc Valerius, ma sœur a rompu vos fiançailles, le coupé-je doucement. Le jour de sa disparition, elle a feint une perte de mémoire... et le prince d'Althea en a profité pour l'épouser.

Sa surprise ne cesse d'augmenter, et je peux voir dans ses yeux qu'il l'aimait réellement... je craignais que les hommes utilisaient ma sœur pour sa beauté inégalée, je pensais que le Duc en était un parmi d'autres... mais depuis sa disparition, il m'a prouvé le contraire.

Lors du retour de ma sœur, je lui permettrais de l'épouser les yeux fermés. Cependant, quelque chose en moi me dit que Della reviendra changée.

- Dieu sait ce qu'il lui fait subir, dit-il la voix tremblante. Comment sommes-nous censés rester les bras croisés ? Je vous en conjure, votre Altesse, nous devons faire quelque chose.

- Mon cœur se languit de ma sœur, cependant... je sais qu'elle n'est pas faible. Si nous intervenons avant qu'elle n'exécute son plan, je suis certaine qu'elle ne nous le pardonnera jamais. Elle sait ce qu'elle fait, ayez confiance en elle et priez pour son retour simplement.

Il s'assoit face à moi, désorienté. Ma chère petite sœur... elle manque à tous. Mon Dieu, que la séparation prenne fin bientôt.

- Elle détruira Althea de l'intérieur, et nous allons l'aider de l'extérieur... c'est notre seul moyen.

DELLA

Nous sommes partis. Aussi rapidement. Je ne savais pas qu'Azref mourrait d'envie de quitter le palais, bien que je puisse le comprendre. Faire une pause de temps en temps fait du bien, cependant dans notre cas, faire une pause c'est retarder la liberté, c'est causer la mort de quelques innocents qui auraient pu vivre.

- Nous sommes arrivés.

Azref descend de la calèche et m'aide à descendre. Le trajet était de trois heures, trois heures de silence... où j'ai décidé de m'endormir un peu afin d'éviter cette situation... gênante. Je pouvais sentir le regard d'Azref quelques fois, cependant.

Nous sommes arrivés face un château assez petit, isolé. Cet endroit me semble familier... Je ne m'y suis jamais rendue, cependant, j'ai l'impression de le connaitre.

- Le fondateur d'Althea aimait passer son temps là, avec son ex-femme, me dit Azref.

Encore une confirmation. La Grande Reine vit véritablement en moi, ses souvenirs sont véritablement devenus les miens. Je peux sentir chacun de ses sentiments. Son amour. Sa joie. Sa nostalgie de ces bons moments, avant qu'elle ne se fasse trahir. J'ai l'impression d'être elle.

Non.

Je suis elle.

- La reine dont parlent les livres ? Demandé-je. Celle qui l'a trahi ? L'a-t-il vraiment aimée ?

- Il l'aimait vraiment, si seulement elle l'aimait autant qu'il l'aimait. Inimia n'existerait pas, et tout le monde serait en paix, répond-il en soupirant.

J'oublie parfois à quel point les Althéens aiment falsifier et réécrire l'histoire. Le trahi devient le traître et le traître devient le trahi. Les innocents deviennent les criminels, et les criminels deviennent les victimes. Ils versent des larmes de crocodile et rappellent à tout le monde, à chaque seconde, que non, il n'y a pas d'autre victime qu'eux. Que non, le monde ne tourne qu'autour d'eux.

Que non, que Dieu nous en garde, ils ne peuvent pas avoir tort.

- Enfin, nous ne sommes pas là pour discuter de l'histoire, se reprend-il. Après vous, ma chère femme.

Je m'avance, et c'est comme si, à chaque pas, je voyais des images de ces deux amants, heureux et amoureux, dans ce même palais où je me retrouve avec mon némésis. Les murmures des murs semblent narrer cette histoire d'un langage dont seule moi comprend.

Le moment suivant, Azref m'a seulement fait visiter le château, les pièces, et tout ce que j'avais besoin de savoir. Il a l'air de bien connaître les lieux.

- Tu sembles familier avec ce château, remarqué-je.

- Je venais là quand je n'étais qu'un enfant, raconte-t-il avec nostalgie. Et je me suis plu, alors je suis revenu plusieurs fois.

- Il est vrai que cet endroit est très paisible...

- J'aime le comparer aux tombeaux des amoureux, dit-il, souriant légèrement. Le dernier souvenir heureux d'un couple.

Chaque pièce est rempli de souvenir de la Grande Reine, augmentant ma haine à chaque instant. Azref s'arrête et se tourne vers moi, je me trouve incapable de lire en lui, de savoir ce qu'il pense ou ce qu'il ressent.

- Et pour nous, notre premier souvenir heureux, je l'espère, dit-il en me fixant intensément.

Je reste figée un instant, ne m'attendant pas à ce qu'il dise cela. Mon cœur se met à battre à une vitesse folle, alors qu'il continuait de s'approcher.

- Je suis fatiguée, dis-je en reculant. Je vais me reposer un peu.

Et sans plus attendre, je m'enferme dans la première chambre puis prends une grande inspiration. Mince. Je me pensais prête à le laisser m'approcher, mais j'ai ridiculeusement fuis...

L'ombre écarlateWhere stories live. Discover now