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Le mariage a pris fin et le titre de princesse m'est revenu. Un titre auquel je suis habituée. Et plus que tout, je suis mariée à mon ennemi. Je n'arrive pas à y croire. Cela semble trop... surréaliste. Comme si c'était un cauchemar, et que j'allais bientôt me réveiller.

Puisque nous sommes désormais mariés, j'ai quitté mon ancienne chambre pour en partager une avec Azref. Mais il est resté dans son bureau, me laissant seule. J'en ai profitée pour fouiller la chambre et m'y familiariser. Je cherche toute arme potentielle, tout ce qui pourrait m'aider en cas de besoin.

Je fouille minutieusement, mais il n'y a rien qui puisse m'inquiéter. La seule chose intéressante que j'ai trouvée est un portrait. Je reconnais le roi, Azref au milieu, et une femme que je suppose être sa mère. Bien sûr... Comment se fait-il que je n'y ai pas déjà pensé ? Je n'ai encore jamais vu sa mère, serait-elle décédée ? Ce serait le seul point commun que nous ayons.

En le regardant, le portrait m'a été arraché des mains. Je lève les yeux pour trouver un Azref en colère. Il n'était pas censé être là. Ses yeux étaient rouges, il semblait être ivre. Le mariage s'est terminé il y a deux heures, est-il déjà ivre ?

- Comment oses-tu ?!

Il remet le portrait dans le tiroir, puis se tourne violemment vers moi. Je crois que c'est la première fois qu'il se permet de montrer sa haine envers moi d'une manière aussi libre. S'il était sobre, il serait simplement froid.

- Je regardais juste autour de moi, dis-je d'une voix monotone.

Il n'a pas parlé, il a mis sa main autour de mon cou et l'a serrée en me plaquant violemment contre le mur. Je n'ai pas réagi. Devrais-je me défendre ? Lui montrer de quoi je suis capable ? Je peux certainement le mettre à terre sans effort, et qui plus est dans son état d'ébriété.

Pourtant, je reste immobile. Je ne me bats pas. Il est trop tôt pour dévoiler mon potentiel. Je suis censée être innocente, incapable de faire le moindre mal. Tout ce que je peux faire, c'est le haïr avec mes mots, avec mes yeux, mais jamais avec mes mains. Je lui permets donc de me couper l'air, de l'empêcher d'atteindre mes poumons.

- Espèce d'Inim-.. de femme souillée ! Dit-il avec une telle rage.

Il me serre le cou encore plus fort. Je n'aurais jamais cru que l'alcool lui ferait perdre son sang-froid, qu'il montrerait ouvertement tout ce qu'il pense de moi. La haine qu'il éprouve pour moi ne sera jamais suffisante. Je ressens bien pire que cela. Sa haine me tuera, moi et ma famille, mais la mienne rendra sa vie misérable avant qu'il ne me supplie de mourir.

- Madame ! Madame ! J'ai trouvé des fleurs, regardez comme elles sont belles ! Dis-je en courant dans son appartement, en tenant le bouquet de fleurs.

Je me vois partir un peu plus. S'il ne me lâche pas, s'il est sur le point de me tuer, je vais devoir agir. Je voyais Azref comme un homme capable de contrôler ses émotions, mais il s'avère que ce n'est pas le cas.

- Tu ne sais... rien... rien... Dit-il, ses mains commençant à trembler. Je ne suis pas un tu... tueur...

Son œil s'assombrit, et son œil gris devient plus blanc, comme s'il se vidait de son âme. L'air devient de moins en moins accessible. Je ne le laisserai pas me tuer.

- AZREF !

- Je te hais ! Je te déteste ! Me crie-t-elle. Petite sorcière, comment oses-tu ?!

L'air pénètre violemment dans mes poumons lorsque quelqu'un pousse Azref. Sardor. Son conseiller. Je tombe sur le sol, toussant, respirant difficilement et portant mes mains à mon cou. Azref était au sol, retenu par Sardor, bien qu'il n'essayait pas de bouger. Sardor apporte de l'eau froide et en asperge le visage d'Azref, ce qui le rend moins ivre.

Pendant un instant, un seul... Je l'ai vue, Madame. Le jour où je jouais dans le jardin royal, et naturellement, comme tout enfant de cinq ans, je jouais et me suis salie dans la boue.

- Prince Azref, levez-vous, dit-il. Vous devez prendre une douche.

Azref acquiesce, comme s'il n'était pas conscient de ce qu'il venait de faire. Il s'en va, soutenu par Sardor. Je suis seule, maintenant. Je me suis mise à rire. Il est pathétique, un homme pitoyable. Je ris, de plus en plus, pathétique. Je le suis aussi. Pour ma mission, je me suis montrée faible. Je l'ai laissé... Je l'ai laissé faire.

Les larmes commencent à couler tandis que je riais. Je me couvre le visage avec mes mains, toujours en pleurant et en riant.

Le jour où elle a découvert qu'elle ne pouvait pas avoir d'enfants...

En jouant, ma petite robe était couverte de terre, mes chaussures aussi. Madame était noire de colère en voyant cela.

Pire encore, lorsqu'elle a vu les fleurs. C'était celles qu'elle avait ordonné de planter dans le jardin. Je ne savais pas que c'était les fleurs de Madame. Si je l'avais su, je ne les aurais pas prises.

Elle marchait, elle marchait dangereusement. Un instant, j'étais par terre, me demandant pourquoi elle me toisait ainsi, l'instant d'après, j'étais en l'air, contre le mur.

Elle a serré mon petit cou, comme si j'étais une poupée qu'elle pouvait torturer à sa guise. Elle m'a serré jusqu'à ce que je perde connaissance. Je me suis réveillée le lendemain, et je n'ai pas parlé, trop effrayée... tout le monde pensait que j'avais probablement glissé dans le jardin en jouant avec insouciance puis me suis cognée quelque part. Et la seule chose que je pouvais regarder, c'était les fleurs, piétinées.

- Mes fleurs, dis-je tristement.

Cela a été la première fois qu'elle a levé la main sur moi.

Je continue à rire, tout en séchant mes larmes. À nouveau. Cela ne s'arrête pas. Rien ne se termine jamais. La vie ne s'arrête jamais. Tout se répète...Mais comme c'est pathétique, comme c'est pathétique, comme c'est pathétique, comme c'est pathétique, comme la vie est pathétique de penser que je serais blessée deux fois par les mêmes actes... Je ne peux pas être blessée, plus maintenant.

- Pathétique... Pathétique Della... Dix-sept ans plus tard, et toujours dans le même bateau... pathétique.

L'ombre écarlateWhere stories live. Discover now