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Je suis restée assise sur le sol du balcon tout au long de la nuit, la tête appuyée contre le mur, à entendre ces explosions incessantes. Le Grand Roi n'est pas resté longtemps, Azref pouvait sentir sa présence.

Je dois revoir Reynald rapidement, afin de discuter de la situation actuelle. Nos soldats sont probablement en train d'évacuer les villes et villages proches d'Althéa, et les soldats althéens commencent probablement à envahir ces terres qui se vident.

- Votre Altesse ?

Je lève les yeux, apercevant Sardor. Je me lève, remettant ma robe en ordre, le regardant aussi vide d'émotion que possible. Il est surpris de me voir seule, dehors, dans la fraîcheur de ce début de printemps.

- Je voulais juste prendre des nouvelles de son Altesse, dit-il. Je m'excuse de vous avoir dérangé.

- Cette victoire a simplement prouvé à l'armée et au prince que les stratégies du Commandant étaient dépassées et avaient besoin d'être rénovées, dit le Grand Roi. Ces nouvelles armes, et les atrocités qui ont été commises... tout cela a été pensé par une seule personne, le commandant en second, Sardor. 

Azref et lui-même ont mentis, Sardor n'a jamais quitté son poste dans l'armée. Il n'est pas le conseiller d'Azref. Et savoir qu'il est responsable des bombardements de la nuit dernière me met dans une colère noire.

- Ce n'est rien, Sardor, dis-je, faisant un petit sourire. Le prince est dans la chambre, il va mieux mais a toujours besoin de repos.

Il hoche la tête mais ne bouge pas. Mon cœur brûle du désir de vengeance. Les images de ces gens mourants, mon peuple, les sons de leurs appels à l'aide, de leurs pleurs... Tout cela ne quitte pas mon esprit. Plus tard, dans l'histoire, cet événement sera étudié comme le premier cas d'utilisation de bombes.

Je ferai en sorte que cela soit inscrit, comme un long cauchemar, réalisé par les forces d'occupation althéennes. Un témoignage de leurs crimes perpétuels.

Et le nom éhonté de Sardor sera maudit.

- Plus de peur que de mal, dit-il en souriant, c'est un soulagement. Je vais donc prendre congé, votre Altesse. Je ne serai pas au palais avant la semaine prochaine. Avez-vous besoin de quelque chose avant cela ?

- Non, je n'ai besoin de rien, répondis-je.

Après ma réponse, il acquiesce et s'incline avant de s'en aller. La raison de son absence n'est autre que son devoir militaire, je le sais. En une seule nuit, ils ont réussis à nous voler des territoires en éliminant toute la population civile, et évidemment... le commandant en second doit s'assurer que tout se passe comme il le désire.

Je prends une grande inspiration et me dirige vers notre chambre. Azref était toujours allongé sur le lit, incapable de bouger.

- Sardor était là, le prévené-je. Il s'en va pour une semaine.

- Oh, te voilà, dit-il, tentant de se relever. Je me demandais où tu étais.

- Je dormais sur le sofa, dis-je froidement. Le médecin n'est-il pas venu te soigner ?

Il secoue la tête, je cache ma surprise. Le prince héritier étant blessé, je pensais que le médecin ne quitterait pas sa chambre.

- Enfin, plus précisément, je leur ai demandé de ne pas venir, ajoute-t-il. Ma femme s'occupera de moi, je lui ai dis.

- Tu n'aurais pas dû.

- Ne t'occuperas-tu pas de ton mari ? Me demande-t-il, affichant presque un sourire en coin.

- Non.

Il se met à grimacer en tentant de se redresser sur le lit, me jettant un coup d'œil de temps à autre.

- Je pourrais t'embrasser à nouveau accidentellement, dans ce cas. Dit-il. Qui sait ? La fièvre est toujours présente, mon état pourrait s'aggraver...

- Je t'interdis de me toucher à nouveau ! Rétorqué-je.

- Dans ce cas, aide-moi à guérir rapidement pour éviter cette situation. À moins que cela soit ton prétexte...

Je roule des yeux puis l'approche. Je pose le coussin derrière sa tête, et l'aide à se redresser. Il sourit comme un idiot, et je souris également intérieurement.

Il doit penser qu'il arrive à me contrôler.

Je lui change les bandages, étant donné que le docteur n'a pas pu le faire. Ses yeux me fixaient si intensément, je pouvais le sentir au point que ma peau en frémissait.

- Quelqu'un toque à la porte, me prévient-il.

Je sursaute légèrement, n'ayant pas fais attention. Je m'éloigne de lui et ouvre la porte. Ce sont les servantes, apportant la nourriture sur un plateau. N'ayant pas le droit d'entrer, elles me tendent le plateau et s'en vont.

Je retourne auprès d'Azref, lui me fixant toujours.

- Je suppose que tu peux te nourrir seul, dis-je d'un ton neutre.

- Malheureusement, je ne peux pas, me répond-il. Tu vas devoir m'aider.

Je soupire puis pose le plateau sur ses jambes, prends simplement le bol de soupe et le nourrit à la cuillère. Je me sens traître, tant d'innocents ont été tués par sa faute, lui et son père, et je suis là, prenant soin de lui.

Ce n'est que pour les apparences, je le sais, mais je ne peux pas me débarrasser de ce sentiment d'inconfort.

Ces images que le Grand Roi m'a montré me hante toujours.

Et même lorsqu'il y avait un moment de silence, j'entendais les pleurs désespérés de la Grande Reine, s'apitoyant sur le triste sort de son peuple.

Une fois que son plat est terminé, je me suis éloigné d'Azref. Je me suis prise un livre, et me suis mise à le lire sur le fauteuil de notre chambre. Et durant toute la journée, je n'ai pas quitté Azref.. jusqu'à ce qu'il s'endorme enfin.

Lorsque je me suis assuré qu'il est bel et bien endormi, je repose le livre et sors de la chambre discrètement. Sardor n'est pas là, Azref ne peut quitter la chambre... alors quelle meilleure opportunité ?

Je sors de l'appartement, et marche dans les couloirs silencieusement afin de ne pas me faire prendre. Hier, le Grand Roi m'a indiqué l'emplacement, alors je me suis avancée, suivant ses directions.

Discret et bien dissimulé de tout œil, se trouvait des escaliers menant au sous-sol du palais.

Menant à la tombe de la Grande Reine.

L'ombre écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant