12.

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Cela n'est pas bon. Pas bon du tout. Lorsque je suis entré dans la chambre, je l'ai senti, sa présence... Celle de leur roi fondateur. Il était là, comme il l'a toujours été près de la tombe de sa sœur. Cette fois, sa présence était forte, et je pense qu'il tentait de guérir la princesse d'Inimia, me confirmant ainsi sa perte de mémoire.

Je me dois de trouver une solution pour l'empêcher de se rappeler, elle me servira grandement. Je ne peux pas me permettre de perdre une aussi précieuse arme.

- Votre Altesse, Sa Majesté vous attend.

La porte s'ouvre, et j'entre dans le bureau de père. Il ne me prête pas attention, comme à son habitude.

- Que veux-tu aussi tôt le matin ? Me demande-t-il, légèrement en colère.

- La princesse d'Inimia, lui répondis-je, elle est avec moi.

Immédiatement, il relève ses yeux sur moi, soudainement intéressé. Le regard vide et indifférent, j'attendais sa réaction avant d'ajouter quoi que ce soit d'autre.

- L'aînée ?

- La cadette. Della Avalorn.

Il se lève de sa chaise, et s'approche de moi. Je n'arrive pas à cerner ce qu'il pense réellement, il ne laisse rien transparaître.

- Bien. Envoie son corps à Inimia, désormais. Me dit-il, fièrement. J'espère bien qu'elle a souffert.

- Elle est en vie, votre Majesté. Lui dis-je d'un ton neutre.

Il fronce les sourcils, confus.

- Pour quelles raisons ?

Je le fixe dans les yeux, m'apprêtant à lui annoncer la nouvelle. En réalité, peu importe ce qu'il dira, j'ai déjà pris ma décision.

- Elle a perdue la mémoire, répondis-je, alors je lui ai fais croire qu'on est fiancé.

Ses yeux s'écarquillent. Il semblait se retenir de lever sa main, me remettant les idées en place. Et avec mon air sérieux, il ne pouvait pas penser que je me moquais de lui.

- Incapable, dit-il en grinçant des dents, posant sa main sur l'étui de son épée. Où est-elle ? Que j'en finisse moi-même.

Je pose ma main sur la sienne, le regardant dans les yeux avec un air de défi. Il a l'air aussi surpris que moi de mon geste innatendu.

- Tant qu'elle n'aura pas retrouvé sa mémoire, elle est ma fiancée. Dis-je froidement. Le mois prochain, notre mariage sera organisé. Vous avez laissé cette affaire entre mes mains, alors qu'il en reste ainsi. N'interfèrez pas.

Je retire ma main et recule de quelques pas. Il fulmine. Cette situation m'apporte une double satisfaction... pouvoir jouer de la famille d'Inimia, et contrarier mon père. Le faire sentir qu'il n'est plus en contrôle.

- Je te donne la moitié de l'année... six mois... me prévient-il. Si le travail n'est pas fait, je le ferais moi-même.

- D'ici six mois, nous aurons la main sur Inimia. Rétorqué-je.

Il me regarde dubitatif, mais il n'a d'autres choix que de me croire ; je suis son seul héritier après tout. Et autant qu'il me déteste, autant il sait que je suis prêt à tout pour arriver à mes fins. Je le tiens de lui, après tout.

- J'aurais simplement besoin d'un de vos meilleurs hommes. Lui dis-je. Son roi tourne autour d'elle, probablement pour la forcer à se rappeler. Nous devons empêcher cela.

- Bien. Je vais le congédier. Mais sache que ce sera ma dernière faveur. Me prévient-il.

Je hoche la tête, avant de l'incliner légèrement pour m'en aller. Je sors de son bureau, faisant un sourire en coin. C'est réglé. Je ne vais pas dans la chambre de la princesse, je décide de descendre jusqu'au sous-sol du palais. Je prends une torche, allume son feu et descends les étroits escaliers.

Dans une pièce bien gardé se trouve le corps de la Grande Reine. Je peux sentir à nouveau la présence de son frère, une présence qui erre dans le palais, cherchant un moyen d'amener le corps de la reine à lui.

- N'en avez-vous pas assez d'errer ? Dis-je à personne. Ce corps restera à jamais ici, partez, reposez loin de nous.

Le vent se fait plus violent. Malheureusement, les balles et les épées ne touchent pas les esprits... Sinon, je m'en serais déjà débarrassé. Comme à chaque fois, il me fait entendre des bruits de rire d'enfants. Un belle mélodie, je dois le dire... Mais je ne l'avoue pas. J'agis comme si cela me dérangeait, car je sais bien quelle réaction il veut de moi. Qu'il me manipule jusqu'à avoir ma pitié.

- Je suis venu vous avertir ; ne vous approchez pas de Della. Elle est ma fiancée, désormais. Il vaut mieux pour tout le monde qu'elle reste telle qu'elle est, la mémoire perdue. Lui dis-je. Peut-être que si vous n'interférez pas, vous pourrez enfin retrouver votre sœur... Peut-être.

Évidemment, mensonge.

Il n'est pas dupe. Un membre de la famille royale d'Althea n'est pas à croire. Nous mentons comme nous respirons. En sommes-nous fier ? Probablement. C'est ce qui nous a permis d'être là où nous sommes aujourd'hui.

Je m'approche alors de la tombe de la Grande Reine. Elle est dans une tombe en verre, elle semble dormir, les bras sur la poitrine. Sa robe blanche la rend si radieuse, et les fleurs autour d'elle accentue sa pureté. Je ne comprends pas ce qu'Inimia veut de plus. Nous prenons soin de leur ancêtre, bien plus qu'elle ne l'aurait été chez eux.

Des ingrats.

- Grande Reine, je vous apporte une bonne nouvelle. Lui dis-je. Vous n'êtes plus la seule Avalorn à Althea, désormais. Une des descendantes de votre frère est ici. Son nom est Della.

Les rires d'enfants cessent, et laissent place à des pleurs. Des pleurs d'une femme. C'est si perturbant. Ces bruits ne cessent pas, et pourtant son visage reste impassible. Comme si elle s'était jurée de nous hanter. Chaque soir, je l'entendais pleurer lorsque j'étais enfant jusqu'à ce que mon père fasse construire une barrière entre elle et nous. Les pleurs ont continués, je ne les entendais plus.

Mais nous ne sommes pas le soir.

- Grâce à elle, le retour de l'ancien royaume est proche... et j'en serais le dirigeant. Les Avalorn ne seront plus qu'alors un mauvais cauchemar.

Les pleurs s'accentuent. N'ayant plus la patience de les entendre, je reprends les escaliers pour remonter dans l'enceinte du palais. Il va falloir que je me décide de ce que je vais faire avec la princesse...

L'ombre écarlateWhere stories live. Discover now