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Il est partit, fermant la porte à clé derrière lui. Je manque de détruire la chambre, me rappelant de mon humiliation. Comment ose-t-il ? Je serre la mâchoire, et les poings, la rage remplissant mon cœur de plus en plus.

Malgré tout, je peux dire fièrement que mon plan d'infiltration a fonctionné. Je suis à Althea. Au cœur même de toute cette guerre. Je vais réussir à y mettre fin, car nous l'avons bien compris... la destruction d'Althea ne viendra que de l'intérieur. L'extérieur ne peut que l'affaiblir.

Cependant, je dois d'abord me concentrer et me souvenir ce qui m'a amené jusqu'ici, ce qui m'a amené dans cette cabine, avec le prince. Cela ne peut pas être à cause du Duc Valerius, notre dîner s'est bien passé et il n'est pas un traître... probablement.

Je m'assois sur le lit, mes mains sur la tête, luttant pour rassembler les pièces éparpillées de ma mémoire. La nuit promet d'être longue, mais chaque instant est précieux.

La chambre est si vide. Pas de meubles, évidemment, mais vide de sentiments. Peut-être que c'est le but. Me faire sentir la moins chaleureuse possible. Ce qui m'a frappé c'est que cela ne se résume pas qu'à cette chambre, mais le palais entier. Il est énorme. Et quand je dis énorme, ce n'est même pas assez. Un bâtiment tout de noir, d'un style gothique.

Si la présence du roi et du prince ne montrent pas qu'ils sont les maîtres de ces lieux, leur palais le montre assez.

Grand Roi.

Le temps d'un instant, une image traverse mon esprit, avec des bribes de conversations. Je me sens étourdie.

Della.

Rien ne me semble clair. Je me tiens fortement au lit, ne voyant plus rien face à moi. Le sol a disparu. La chambre a disparu. J'ai disparu. Je ne vois rien, et ce rien me montre tout.

Della !

Une voix grave et autoritaire, mais douce d'un autre côté m'appelle. Mes lèvres sont scellés. Je sens mes mains trembler. Je baisse la tête, et je réussis à les voir, comparé aux restes. Elles sont couvertes de rouges, de sang ?

DELLA !

Je sursaute. Petit à petit, je retrouve mes repères. Je reconnais mon corps, je ressens ma présence. Je suis encore plus confuse. Que m'arrive-t-il ?

"Je continuerais à te protéger à ma manière, mais tu dois désormais te révéler au monde. Tu dois désormais montrer qui est la princesse Avalorn. Montre-leur que tu as toujours ma bénédiction, que je suis derrière toi."

Je respire profondément, rapidement. Je me tiens encore plus fortement au lit, le corps tremblant de toutes ses forces. Je cherche de l'air.

- Protégez-moi... Dis-je, inconsciemment. Protégez-moi !

L'air me revient. Mon corps cesse de trembler. Je pense. Je sens une présence familière, rassurante. Elle m'entoure de ses bras, me faisant comprendre qu'elle est là. Et cette présence prend forme. Un homme.

- ... Grand Roi ?

Et tout me revient. Mon retour au palais. Ma confrontation avec Madame. Ma conversation avec le Grand Roi... mon attaque. Tout me revient.

- Della Avalorn, me dit-il, venge-nous.

Puis il disparaît. Je respire rapidement, je me souviens. Je me souviens de chaque mot qu'il m'a dit, je me souviens de ma mission, je me souviens... et je ne peux me sentir que fière. J'y suis. J'ai commencé ma mission sans le savoir, un pas d'avance sur nos ennemis.

La porte s'ouvre soudainement, le prince d'Althea entre dans la chambre et me vois dans cet état - un état paniqué à première vu d'œil. Il s'avance à grand pas, et se poste face à moi.

- Qu'est-ce qui t'arrives ? Me demande-t-il.

Je tente de reprendre un état normal, bien que la fierté et la joie remplissaient mon cœur.

- T'incliner face à moi t'a-t-il fais aussi mal ?

Mon regard faussement perdu croise le sien, et je réprime un sourire.

- Non, depuis la première fois que je vous ai vu, je savais que quelque chose clochait, lui dis-je, choisissant mes mots avec attention. Vous êtes un homme... mauvais. Je ne peux pas avoir possiblement acceptée de vous épouser.

Il reste silencieux un instant, son regard ne quittant jamais le mien. Pour ne pas paraître intimidé, je me lève du lit et me met face à lui. Je ne suis pas inférieur à lui, et il doit le comprendre.

- Oh, ma chère, si seulement tu avais eu le choix. Aucun de nous n'a eu le choix. Tu étais le meilleur parti que nous pouvions trouver pour moi-même, dit-il en tentant d'être le plus méprisant possible. Si j'avais eu le choix, je n'aurais jamais opté pour une femme aussi minable.

Oh, quel maître du mensonge. Je lui lance un regard froid, ne laissant paraître aucune émotion. Je garde à l'esprit que je suis censée avoir perdue la mémoire.

- Me voilà rassurée, dis-je sans le lâcher du regard, je commençais à me demander ce qui n'allait pas chez moi.

- Tiens, moi qui te pensait être impressionnée d'être avec un prince, dit-il, un sourire en coin. Ne te rends-tu pas compte de ton privilège, Della ?

Entendre mon nom de sa bouche me paraît étrange. Mon corps entier se tend, je déteste cela. Je déteste qu'il puisse prononcer mon nom, je déteste qu'il puisse me voir, je le déteste. Je le haïs. Mon être bout de rage, et je n'ai qu'une envie ; le poignarder jusqu'à le vider de son sang.

- Je ne vois pas où est ce privilège. Dis-je froidement. Je vais me retrouver coincée dans un mariage que je n'ai jamais désirée, avec un homme qui ne deviendra jamais mon véritable mari.

- Tu apprendras à m'aimer, me répond-il. 

Son arrogance m'exaspère davantage, mais je garde un visage impassible. La perspective d'apprendre à l'aimer est aussi absurde que déplaisante. Cependant, je décide de jouer le jeu, de me glisser dans le personnage de la princesse amnésique et résignée.

- Pour que cela puisse arriver, il faudrait changer de comportement. Lui dis-je. Vous ne me donnez véritablement pas envie d'apprendre à vous aimer.

- Vraiment ? Que dois-je donc faire pour cela ? Me questionne-t-il.

Je m'accorde un moment de réflexion, comme si j'hésitais sincèrement à répondre. Puis, je plante mon regard dans le sien avec un semblant d'innocence.

- Montrez-moi une facette de vous que je puisse aimer. Soyez moins... arrogant, moins imposant. Après tout, le véritable amour naît dans la tendresse et le respect, n'est-ce pas ?

Ma réponse est délibérément formulée de manière à lui donner l'impression que j'accepte la possibilité d'apprendre à l'aimer, mais sous des conditions strictes. Je souhaite le pousser à ajuster son comportement tout en conservant l'illusion que je pourrais éventuellement développer des sentiments pour lui. C'est une danse délicate, mais pour le moment, je suis la maîtresse de bal.

Si je parviens à me faire entendre, à le convaincre de ma sincérité, je pourrais facilement l'affaiblir et l'utiliser à mon bon vouloir. Cependant, il ne me donne aucune réponse. Il fait quelques pas en arrière, sans me quitter du regard.

- Je vais informer le roi de ton retour, me prévient-il. Ne bouge pas de là.

Puis il s'en va de la chambre, me laissant à moi-même. Je prends une grande inspiration. Le roi d'Althea sera bientôt mis au courant de ma présence ici, et je dois me parer à toute éventualité. La première et la plus probable étant la mort...

L'ombre écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant