L'ombre écarlate

69.

Je ne peux pas dormir une seule nuit sans revoir la Grande Reine et son amants. Souvent, ces rêves commencent d'une façon si belle et se terminent en bain de sang. Cela ne m'est jamais arrivé dans le palais... ce château semble détenir une symbolique particulière.

Comme Azref l'a dit, cet endroit est le tombeaux des amoureux.

Le jour venu, je regarde par la fenêtre. Je vois une forêt qui, aux premiers abords, n'a rien de particulier... cependant quelque chose en moi me pousse à m'y rendre.

Je m'habille rapidement et sors du château. Je n'ai pas vu Azref depuis mon réveil, il doit probablement se reposer seul puisqu'après tout, ce sont ses vacances.

La forêt se déploie devant moi, elle est si paisible, merveilleuse, presque comme une forêt enchantée. Le soleil tapait dessus et ses couleurs vives s'en dégageaient. Je m'avance, comme si cela m'était familier, mes jambes me guidant seules jusqu'à le plus bel espace de cet forêt. Un espace vide, entouré d'arbres, de plantes, de fleurs en tout genre. 

J'entendais le chant des oiseaux, appelant la nature à accompagner sa voix du friselis des feuilles des arbres, ou de l'eau de la rivière environnante.

Je ferme les yeux un instant, sentant la douce brise sur ma peau. Je me sens...

- Libre... murmuré-je. Je suis libre.

Les yeux fermés, je peux voir la Grande Reine danser avec son amant à ce même endroit. Elle riait et tournait autour d'elle en dansant, et je me retrouvais à faire de même, pieds nus, mais seule et sans amant à mes côtés.

- Je suis libre, dis-je en riant et en tournant sur moi-même.

Mes cheveux volent au vent, ma robe suit le mouvement de mon corps et je ne sens pas un poids aussi lourd sur mes épaules que d'habitude. J'aurais aimé que Freya soit là, j'aurais pris ses mains dans les miennes et nous aurions tourné sur nous-mêmes, l'air toujours aussi enfantin.

Je continue à tourner, la tête levée vers le ciel et les bras tendus dans l'air, tandis que des larmes perlent dans mes yeux. Ma maison me manque tellement. Ces nuits où je me faufilais dans la chambre de ma sœur et où nous passions la nuit à parler, à jouer et à tout faire, sauf dormir, me manquent.

Ces jours où mes froncements de sourcils se transformaient en sourire dès que je voyais ma sœur me manquent. Ces jours où je partais à la chasse avec mon père et où nous rions de Freya qui se cachait d'un papillon (elle a peur des papillons) me manquent.

La vengeance m'enchaîne, et je dois trouver les clés pour briser ces chaînes et retrouver ma famille, ma maison... La clé, c'est la liberté. Et ce n'est que par la liberté que je réussirai tout.

AZREF

J'ai tenté de m'éloigner, de rester un instant seul pour me remettre les idées en place. Être entourée de Della me met dans un état que je ne peux décrire. La façon dont elle a menacée père me devrait faire douter d'elle... mais je me retrouve satisfait de cette altercation.

Depuis son arrivée, je n'ai jamais vu son côté violent... elle n'hésitait jamais de montrer sa haine, mais au point d'être violente ?

Je recule et m'appuie sur ma chaise en souriant. Je relâche mon crayon, et passe mes mains sur mon visage. Elle a menacée père, elle a agressé le roi... je devrais lui en vouloir, la questionner... qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?

Je fixe les papiers devant moi pour un instant. Et l'instant d'après, je prends le papier, le froisse et le jette par terre. À chaque fois, je me retrouve à dessiner son portrait... mais je n'en suis jamais satisfais.

Alors je me lève, je sors du bureau et me dirige dans notre chambre pour la retrouver. Mon comportement n'est pas naturel, loin de là... je dois la voir. Je dois comprendre si réellement je mémorise chacun de ses mouvements, chaque détails, ou tout est de mon imagination.

- Elle n'est pas là... murmuré-je.

Je me tourne vers une des servantes dans le couloir, mon sang commençant à bouillir. Elle s'est peut-être enfuie. Non... la perspective qu'elle ait probablement retrouvée la mémoire me rend malade. Je n'ai pas encore finis avec elle.

- Où est ma femme ? Lui demandé-je froidement.

- Elle... elle est sortit dans la forêt, votre Altesse.

Je n'attends pas plus pour sortir du château. Je me dirige vers la forêt, et immédiatement lorsque je suis à l'intérieur, je me sens plus... calme. Ce château est rempli de la présence de la Grande Reine. Une présence qui m'a toujours perturbée.

Je m'avance à travers les arbres et les branches, guidée par une douce voix. Sa voix. Je m'arrête lorsque je la vois là, en plein milieu de la forêt, entourée d'une nature qui ne faisait qu'admirer sa beauté.

- Je suis libre !

Mes pupilles se dilatent, mon cœur bat si rapidement, et mes mains agrippent l'arbre face à moi pour me dissimuler derrière. Je me sentais fasciné par sa beauté et sa grâce, intrigué par son sourire et par la façon dont elle semblait illuminer toute la forêt. Elle dégage une étrange énergie que je n'arrive pas à cerner.

- ... Magnifique... Murmuré-je dans un souffle, incapable de détacher mes yeux d'elle.

Je ne pouvais m'empêcher de m'imaginer la sensation de danser avec elle... Comment serait-il d'effleurer ses cheveux d'argent, de caresser la soie délicate entre mes mains, serait-ce comme sentir l'eau glisser à travers mes doigts ?

Une averse soudaine déferle sur la forêt, gâchant le plaisir du moment et l'atmosphère paisible. J'en ai été surpris et légèrement frustré, voyant qu'elle s'était arrêtée de danser, regardant le ciel. En me déplaçant, j'ai fait un petit bruit, qui l'a fait regarder partout, avec méfiance.

- Qui est là ?

Je suis sorti de derrière l'arbre, et je me suis dirigé vers elle. Elle me regarde avec surprise, alors que nous commencions à devenir trempé par la pluie. Je n'arrive pas à détourner mon regard d'elle.

Je m'arrête à quelques pas d'elle, incapable de dire un mot, sentant mon cœur proche d'arrêter de battre.

Et toutes les pensées qui tournoyaient dans ma tête se sont dissipés à l'instant où mes yeux se sont posés sur les siens, me faisant oublier qui nous étions, sous cette pluie, au milieu de la nature.