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Je reconnais la femme. Dame Luzia Elan, de la famille Elan. Cependant, elle ne me connaît pas, ni de noms, ni de visages. Nous étions censés nous rencontrer, cependant cela ne s'est pas fait pour des raisons évidentes.

Je me demande ce qu'elle fait ici, à Althea. Et je me demande si cette histoire de tunnels souterrains est vraie. Si c'est le cas, comme je suis fière de mes soldats, de mes résistants, de mon peuple...

- Bien, dans ce cas, je devrais m'en aller. Dit Sardor en se levant. Si vous avez d'autres questions, n'hésitez pas à me solliciter, votre Altesse.

Je hoche la tête, puis il s'en va. Je me retrouve alors seule avec Azref. Je recule, mon dos se colle au sofa, mes bras et jambes croisés. Mon regard ne quitte pas le sien, alors qu'il tente de paraître normal. Cela m'arrache un sourire, je sais très bien ce que je fais.

- Cette mission... ne te sera pas difficile, n'est-ce pas ? Me demande-t-il.

- Tu ne me connais toujours pas, répondis-je, le sourire en coin, je suis joueuse. Je n'échoue et ne recule jamais devant un défi.

Il racle sa gorge, puis fais légèrement un signe de tête. Il évite mon regard, je le vois bien. Puisque je n'ai pas encore d'alliés, je vais devoir m'en créer. Et quel meilleur allié que le prince d'Althea ? Un allié qui n'en saura jamais rien. Je dois l'avoir dans la poche.

Et pour cela, rien de plus simple ; qu'il ait une simple, petite et innocente pensée sur moi. Une toute petite suffit. Une fois dans sa tête, je ne la quitterais pas.

Je m'approche de lui, continuant à le fixer dans les yeux.

- Je me suis toujours demandé... pour quelles raisons ton œil est blanc ? Lui demandé-je. Ton père aussi l'a.

- Il n'est pas blanc, mais argenté. Tout comme tes cheveux, me répond-il. Si l'on croit les légendes, c'est une malédiction.

- Malédiction ?

Il acquiesce. Il est vrai que son œil a la même couleur que mes cheveux. Nous voilà un point commun. Cependant, la signification est si différente.

- Personnellement, je penserais à la génétique. Je ne crois pas qu'une malédiction pourrait survivre plus de deux cents ans.

- Si cela est une malédiction, pour quelles raisons ? Le questionné-je.

- Je ne sais pas.

Il le sait. Et il sait également que ce n'est pas dû à la génétique. La Grande Reine a maudit cette famille jusqu'au dernier membre, tant qu'elle règne sur nos terres.

- Probablement car nous avons repris ce qui nous appartenait, ajoute-t-il.

- Althea, complété-je.

- C'est cela. Une sorcière a maudite ma famille, après notre indépendance. Bien heureusement, cela ne nous affecte pas si ce n'est que nous sommes reconnus par tous.

Je prends une mèche de cheveux dans mes mains, et fais mine de réfléchir.

- Penses-tu que nous étions là les premiers ? Lui demandé-je. Ou avons-nous simplement pris la terre, car nous avons gagnés la guerre ?

- Les deux. Ils ont commencés une guerre qu'ils n'étaient pas certains de gagner, ils ont perdus. Me répond-il. Et puis, nous avons toujours été là... nous avons simplement repris ce qui nous appartenait, et avons rendus service à l'humanité en même temps, en mettant fin à un règne tyrannique.

Je garde le regard intrigué. Bien-sûr que nous avions commencés la guerre... son ancêtre le chevalier a assassiné la Grande Reine, et a volé nos terres. Qui, avec un esprit saint, resterait les bras croisés après cela ?

- Je vois. Dis-je doucement.

Soudain, il se lève de sa place et s'assoit à mes côtés. Ses yeux brillent, je peux y voir le reflet des flammes de la bougie. Il me fixe avec une telle intensité que le silence enveloppe la pièce.

- Enfin, tu en as assez lu dans nos livres, je suppose, nous en reparlerons plus tard, dit-il.

- De quoi voudrais-tu que nous parlions alors ?

- Je ne sais pas. De n'importe quoi, à vrai dire. De la vie. De tout. Dit-il en haussant les épaules. À quand remonte la dernière fois que tu as eu une conversation ouverte avec quelqu'un ?

Je ris légèrement. Le pire, c'est qu'il a l'air sérieux. Très sérieux.

- Je sais que c'est difficile à croire, ce n'est pas ce que je souhaite de toi. Laisse cela aux personnes ordinaires, cela ne nous convient pas.

- Me détestes-tu toujours autant ? Demande-t-il. Je tente de faire un effort avec toi.

- Je te déteste toujours, et il en sera toujours ainsi.

Je me penche légèrement vers l'avant, ce qui me rapproche davantage de lui... et je trace sur son torse avec mon doigt.

- Ton âme est pleine de ténèbres, elle n'est qu'une ombre noire. Comment ne pas te haïr ? Tu es un égoïste, un lâche, un hypocrite, un homme cruel.

Il met sa main sur la mienne sur son torse, la tenant fermement pour que je ne puisse pas la bouger, et approche encore plus son visage.

- Tu sembles en avoir gros sur le cœur, chère femme, dit-il d'une voix rauque. Poursuis, la liste ne doit probablement pas s'arrêter là.

Je ne recule pas. Cette proximité ne m'effraie pas, elle me ravit même plutôt. Il s'affaiblit beaucoup plus rapidement que je ne le pensais.

- Tu as raison. Cela ne s'arrête pas là. Dis-je d'une petite voix. Tu es un psycopathe, un assassin, un menteur, tu es le diable en personne.

- C'est tout ?

- Tu es aussi...

Il saisit mon poignet dans sa main, l'éloignant de son torse, tout en me regardant dans les yeux.

- Un mari courageux, loyal et dévoué. Un beau mari aussi.

- Tu te flattes trop, dis-je en roulant des yeux.

Il caresse lentement mon poignet avec son pouce, d'une manière douce et presque bienveillante. Chacun de ses touchés me remplient d'un dégoût indescriptible. Je dois continuer à jouer le joue, le seduire peut-être, et résister à cette violente envie qui m'anime.

- Je dois te dire une chose, je possède tous les défauts et toutes les qualités. Cependant, c'est la personne face à moi qui décide de quel visage je pourrais lui dévoiler.

- ... Intéressant. Dans ce cas, qu'ai-je décider ?

Il approche alors davantage son visage du mien, me permettant de sentir son souffle chaud.

- De jouer, de me défier... Murmure-t-il. Cependant, si tu me pousses trop, je n'aurais d'autres choix que de te montrer mon mauvais côté. Fais attention, princesse, ce serait dommage que le loup perde sa proie avant d'avoir joué avec elle...

Un sourire en coin se dessine sur mon visage.

- Faudrait-il que le loup ne soit pas trop surpris, d'abord... parfois la proie est le véritable prédateur.

L'ombre écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant