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La guerre dure depuis plusieurs jours déjà, malgré le fait que nous soyons entrés à Althea. Nous faisons deux pas en avant, et un pas en arrière. L'armée Althéenne s'est révélée déterminée à nous combattre, malgré leurs grosses pertes. Pourtant, leur détermination n'a pas empêché notre progression. Ce n'était qu'une tentative désespérée de défense, plutôt qu'une réussite d'offensive.

Cette bataille que nous menons, je sens que ce sera la dernière. La capitale n'est plus qu'à quelques pas, et mes soldats ont pris le contrôle de la frontière. Les royaumes alliés nous ont rejoint secrètement afin de ne pas créer de problèmes diplomatiques, cependant leur présence nous a renforcé.

La bataille s'intensifie, et je me retrouve face à un jeune soldat Althéen. Jeune, plus jeune que moi. Il doit être fraîchement devenu majeur, pauvre de lui.

Il se battait contre moi, avant de jeter son épée au sol.

- Je me rends, dit-il faiblement. Ne me tuez pas, je vous en supplie.

C'est là que je remarque rends la blessure qu'il a au torse. En suis-je la cause ? Il saigne. Énormément. Cependant, je n'en recule pas. Je garde l'épée en main, prête à mettre fin à sa vie.

Ni oubli, ni pardon.

- NON ! JE VOUS EN SUPPLIE, JE NE VEUX PAS MOURIR !

D'un seul coup brutal, j'enfonce l'épée dans sa chair puis la retire d'un mouvement fluide. Il ne meurt pas sur le coup. Il tente de ténor le coup, de chercher de l'air, en vain.

Je ne reste pas jusqu'à la fin. Je le laisse agoniser et passe à ma prochaine proie. Mes coups se font plus violents, jamais hésitants, jamais avec des remords. Et cela continue ainsi pendant plusieurs heures, les ennemis se montrant encore plus résistants.

Puis enfin...

- L'armée althéenne capitule ! Ils se sont retirés !

Je me tourne vers mes soldats. Au lieu d'immédiatement célébrer, ils m'ouvrent la voie afin que je m'avance vers la Capitale. Duc Valerius m'amène mon cheval, et je monte dessus, m'avançant lentement et prudemment. Nous quittons le champ de bataille, nous marchons à travers les maisons des habitants.

Je reconnais les nôtres, qui sortent de leurs foyers, nous accueillant avec joie. Et le reste sont cachés chez eux, leurs portes et fenêtres verrouillés.

- C'est elle, la princesse... L'ombre écarlate !

Je reconnais chacune de ces rues. Je m'avance vers le palais, là où tout a commencé, là où tout se termine également. Le palais est toujours aussi grandiose que la première fois où je l'ai vu. Je garde le regard levé sur ce grand bâtiment sombre dressé devant moi.

Je me tourne vers mes soldats, et suis surprise de voir qu'il n'y a pas que des soldats. Des civils sont tout autant présents, se tenant au côté des nôtres, le drapeau de notre royaume en main. C'est cela, ce que j'ai toujours rêvé de témoigner... Pourquoi donc ne puis-je éprouver un sentiment de satisfaction et de fierté ?

Soudainement, la masse de gens se baisse. Ils finissent tous agenouillés au sol, la tête baissée. Je ne trouve aucune satisfaction à cet acte, cependant je ne le montre pas. Je garde la tête haute, tous ayant compris qu'une nouvelle ère à commencer : nous avons atteint la liberté.

- LONGUE VIE A NOTRE REINE !

Mes yeux s'écarquillent. Reine ? Je me tourne vers Duc Valerius, lui aussi agenouillé. Je ne suis pas Reine. Mon père est roi... Moi, je suis seulement l'héritière. Je ne comprends pas... Plusieurs minutes sont passés, avant qu'ils ne se relèvent, toujours scandant cette phrase.

- Duc Valerius, vous devriez leur faire savoir que je ne suis pas encore reine, lui dis-je doucement.

- Mais vous l'êtes, votre Altesse... Vous êtes notre libératrice, notre sauveuse. Et Sa Majesté a fait la promesse de vous donner la couronne si vous êtes celle qui gagne la guerre. Et vous l'avez gagné. Vous vous êtes battus avec et pour nous.

Je hoche la tête. Puisque c'est une promesse de mon père, alors soit. Je descends de mon cheval et me dirige à pied à l'intérieur du palais.

- Où allez-vous, votre Altesse ? Me demande le Duc.

- Je vais récupérer le corps de la Grande Reine, lui répondis-je. Il est enfin temps qu'elle soit réuni avec son frère.

J'entre à l'intérieur, et je suis prise d'un étrange sentiment pesant. Mon regard se noircit à mesure que je m'avance. Les soldats m'ont devancé et ont vérifiés les alentours, au cas où il y aurait un soldat ennemi caché. Une fois qu'ils m'ont affirmés que tout est sécurisé, je leur demande de me laisser seule un instant.

Dubitatif, ils n'ont eu d'autre choix que d'obéir à cet ordre. Avant d'aller récupérer le corps de la Grande Reine, je me dirige vers mon ancien appartement. J'ouvre la porte avec lourdeur, tentant de garder l'esprit clair et sain. Mon regard se pose immédiatement à l'emplacement où j'ai poignardé Azref.

Je m'agenouille devant le tapis où son sang, désormais séché, se trouve. Je passe mes doigts dessus doucement, ma main tremblante.

- Je savais qu'il ne m'avait pas trahi, admet-il. Pourtant, c'était lui... ou toi. Et je t'ai choisi.

...

- Ai-je vraiment fait autant de mal à ma magnifique femme ? Me demande-t-il, doucement.

- Oui.

- Que je sois maudit, alors. Je mérite de mourir pour ce péché.

- Tu aurais dû te battre contre moi, soufflé-je. Je te déteste tellement, idiot !

Il n'est plus là pour m'entendre. Il n'est plus là pour me répondre. Je me lève du sol, mon état aussi déplorable que ce jour-là. Je m'approche des tiroirs, et retrouve ce portrait pour lequel il m'avait étranglé le premier soir de notre mariage. Les visages qui m'étaient inconnus à ce moment-là me semblent si familier. Sa mère, son père... et lui. Enfin, le portrait n'était plus intact.

Le cadre est cassé, le verre brisé, et quelques traces de sang sont visibles. Le portrait est déchiré, séparant Azref enfant avec sa mère, et le père. Je prends la partie avec Azref et sa mère, et repose le reste. Je continue à m'avancer dans la chambre, jusqu'à son bureau.

Sur son bureau se trouvait un carnet. Je le prends, pensant qu'il serait écrit des choses mais à la place, je vois des dessins. Des dessins de moi. Je tiens le carnet plus fortement, et serre la mâchoire.

- Idiot, idiot !

Je prends une grande inspiration, reprenant mes esprits. C'est fini. Il est mort. Il est parti. Il est mort... Alors pourquoi suis-je énervé contre lui pour cette raison ?

Je décide de quitter son bureau, de sortir dans les couloirs, et je tombe face à face avec le corps d'une femme. Un corps commençant à se décomposer. Le corps de...

- Birsan...

Du sang séché l'entourait, alors qu'elle portait toujours ma couronne et la cape qu'elle m'a prise. Je le sentais. J'aurais dû la prendre avec moi... Je soupire, en couvrant son corps avec la cape. Je dirais à mes soldats de la prendre avec nous, afin de l'enterrer dans son ancien village.

Je me dirige ensuite vers la tombe de la Grande Reine, gardant le contrôle de mes émotions. Je dois me résoudre à cela, je suis seule. Je resterai seule à jamais. Ma stupide personne avait besoin de comprendre dès le début que je serai toujours celle qui pleurera les autres. Je ne serai pas celle pour qui l'on pleure.

- Je suis là, Grande Reine. Il est enfin l'heure de retourner à la maison. Le royaume d'Althea n'est devenu qu'une légende, désormais. 

L'ombre écarlateحيث تعيش القصص. اكتشف الآن