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Après que la princesse est retournée dans sa chambre, suivie de servantes, je suis retourné dans mon bureau avec Sardor. Nous avons tant de choses à nous dire. Il vérifie que personne n'est à l'extérieur du bureau, puis verrouille la porte.

- La princesse d'Inimia ? Me demande-t-il en se tournant vers moi.

- La couleur de ses cheveux ne laisse aucun doute. Lui répondis-je.

Il s'assoit face à moi, peu ravi de cette réponse.

- Que cherchez-vous à faire ? Me questionne-t-il. Comment pouvez-vous être aussi imprudent ?

- Elle a perdu la mémoire. Un médecin l'a confirmé.

- Perdu la mémoire ? Prince Azref, avec tout le respect que je vous dois, je ne comprends pas comment vous pouvez lui faire confiance ainsi. Dit-il. Ne pensez-vous pas un instant que tout cela n'est peut-être qu'un jeu ?

Je hoche la tête, je ne suis en rien stupide. Je sais qui est cette femme, et de quoi sa perfide famille est capable. Je ne suis pas sans défense face à elle.

- Tu t'inquiètes trop, Sardor, comme si tu ne me connaissais pas... Elle marche avec une épée sur le cou. Je suis prêt à mettre fin à sa vie à tout moment. Si je la garde en vie, c'est pour mes propres intérêts.

- Ne pensez-vous pas que son père serait déjà à sa recherche, si elle avait vraiment perdu la mémoire ? J'aurais parié qu'une armée serait déjà sur place, sur le point de partir en guerre pour elle... mais rien.

- J'ai pris mes précautions pour que cela n'arrive pas...

Le roi et ses soldats arrivent sur la scène de crime, là où se trouvent les gardes de sa fille, tous décédés. Le roi, en père avant tout, saute de son cheval, au risque d'être pris pour cible par quiconque dans les parages, et s'approche des corps. Il remarque une chose : les manteaux des gardes sont alignés et la plupart d'entre eux sont entièrement brûlés.

- Que s'est-il passé ici... ? Murmure-t-il à lui-même.

- Cela ressemble à une sorte de barrière, votre Majesté. Remarque l'un des hommes.

Un homme était allongé près de ces manteaux, et il ne portait pas l'uniforme des gardes.

- Il est arrivé à l'endroit où sa fille était censée se trouver, et il a découvert les cadavres de ses gardes. Bien sûr, sa première pensée a sans doute été de penser que nous avions provoqué cela... Expliqué-je à Sardor. Mais dans toute leur intelligence, l'un des hommes qui a attaqué la princesse a pris feu dans les flammes qu'elle a allumées. Son corps gît toujours là.

Le roi regarde le corps à moitié brûlé de l'homme. Il est mort. Il s'agenouille devant lui, essayant de chercher une preuve, un signe qu'il est d'Althea. Il ne trouve que le symbole d'une petite milice, une rose écarlate entourée de chaînes brisées, et c'est tout ce qu'il avait besoin de voir.

- La milice du Nouvel Ordre, dit-il à ses hommes, ce sont eux qui ont attaqué ma fille.

Ses gardes étaient plus que vigilants après ce qu'il avait dit, cette milice était bien connue et leur dirigeant avait été condamné pour trahison juste après le couronnement du roi, des années auparavant. Ils méprisaient la monarchie, affirmant que c'était à cause d'elle qu'ils avaient perdu leurs terres, et qu'elle ne se souciait guère de la vie des civils.

Ils attaquaient généralement les militaires royaux, mais lorsque les civils avaient juré fidélité à Inimia et à la famille royale, ils ont également été victimes de leurs horribles attaques.

- C'est ma fille qui a fait cela, elle a allumé des flammes pour sauver sa vie, et elle a survécu. Dit le roi, connaissant les capacités de sa propre fille, sa force. Mais il n'était sûrement pas le seul...

- Son père ne peut pas faire le lien entre sa disparition et nous, de quelque manière que ce soit. Quand ils sont allés à la cabine, ils ont trouvé son diadème, ils peuvent penser qu'elle est morte, qu'elle a été torturée, enlevée ou que sais-je encore, mais ils ne peuvent pas faire le lien avec nous. Ajouté-je. 

Sardor me regarde les sourcils froncés.

- Donc le roi ne sait rien sur le sort de sa fille ? Me demande-t-il. Mais... Avec sa chevelure, si qui que ce soit l'a vu dans la rue, il pourrait prévenir son père.

- Il ne sait rien, et ne saura rien jusqu'à ce qu'elle apparaisse devant lui comme l'ange de la mort. Dis-je en souriant. Quant à ses cheveux, personne ne les a vu, autre que le personnel du palais. Si jamais nous sortons du palais, elle les couvrira.

Sardor reste silencieux un instant, regardant dans le vide. Je sais déjà qu'il n'y a aucune faille dans mes plans, tout est clair, net et précis. J'ai pensé à tout.

- Attendez... dit-il soudain, cela veut-il dire qu'elle va tuer toute sa famille elle-même ? Sa propre famille ?

- C'est exactement ce que je voulais dire. Mais pour cela, je dois gagner sa confiance pour qu'elle me croie sur parole, qu'elle ne doute jamais de moi, d'où notre mariage. Lui répondis-je. Qu'est-ce que c'est que cet expression ? C'est trop cruel pour toi, Sardor ?

Il me regarde avec un visage sérieux, puis sans crier gare, il éclate de rire. Il rit tellement, comme s'il avait passé toute la nuit à boire, et qu'il s'était retrouvé ivre mort.

- C'est... C'est la meilleure chose que je n'ai jamais entendu, mon ami ! Dit-il en séchant ses larmes de rire. Vous feriez mieux de me garder en vie d'ici là, je ne peux pas rater cela.

Je ris légèrement, je savais que c'était un plan qu'il apprécierait. Cet homme est du genre à se réjouir de la guerre, quoi qu'il puisse voir, il n'en sera jamais traumatisé. Il peut discuter indifféremment des scènes horribles de la guerre avec n'importe qui, n'importe quand, comme s'il s'agissait de contes pour enfants.

Un véritable psychopathe.

- Je le ferai, lui assuré-je, je ne te décevrai pas.

L'ombre écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant