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Deux semaines sont déjà passés depuis mon arrivée dans ce palais ; les deux pires semaines que j'ai pu vivre. Je peux voir l'agitation dans le palais pour les préparations de mon mariage. Ce n'est plus qu'une question de jours avant que je ne devienne une femme mariée.

Je n'aurais jamais imaginé devenir la femme du prince d'Althea. Ou de qui que ce soit, d'ailleurs. Seulement du Duc Valerius. Mais s'il y a bien une chose que mon mariage avec Duc Valerius et le prince avaient en commun, c'est qu'aucun des deux ne seraient faits par amour.

Se marier par amour n'est pas courant dans les familles royales, c'est souvent par intérêt... intérêt qui devient parfois de l'amour pour les plus chanceux, ou bien de l'adultère pour les autres.

Et je ne serai pas une chanceuse ou une des "autres", je serai une des rares, où cet intérêt se transformera en destruction et en chaos.

- Votre déjeuner, ma dame. Dit l'une des servantes en posant une assiette sur la petite table.

Je regarde l'assiette avec dégoût. Pendant ces deux semaines, le prince a fait en sorte que je ne passe aucun temps seule, me forçant à manger plus que je ne le pouvais, ayant des serviteurs dans ma chambre jour et nuit.

Sa façon à lui de me faire perdre la tête, de me contrarier au plus haut point.

- Tu peux partir, lui dis-je.

Mais elle ne bouge pas. Elle en a reçu l'ordre. Je déteste cet homme, je déteste cet homme, je le déteste !

De mauvaise grâce, j'avale les deux premières bouchées sous l'œil sévère de la servante. J'ai le vertige rien qu'en pensant aux prochaines bouchées que je dois avaler. En regardant l'assiette, elle me semble interminable. Je me sens étouffer. Je tiens fermement les côtés du sofa, sans pouvoir respirer confortablement.

- J'ai.. J'ai besoin d'un thé. J'ai l'impression que ma tension est faible...

La servante, comme je m'en doutais, a regardé les autres pour qu'ils puissent partir et m'apporter le café dont j'avais besoin. Ma respiration était de plus en plus rapide, mes ongles s'enfonçaient dans le sofa alors que tout mon corps frémissait. J'ai continué à agir ainsi pendant un moment, jusqu'à ce que je m'écroule sur le sofa, sans bouger, en respirant lentement et en fermant les yeux.

J'ai immédiatement senti quelques mouvements.

- Ma dame ? Dit la servante. Ma dame ? Bon sang !

Elle n'avait pas le droit de me toucher sans ma permission, alors elle ne l'a pas fait. Elle a continué à m'appeler plusieurs fois, avant de s'éloigner lentement. Elle avait l'air plus agacée qu'inquiète, à vrai dire.

Quand j'ai entendu la porte se refermer, j'ai ouvert mes yeux à moitié pour vérifier que je suis bien seule. Une fois certaine, je me lève rapidement du sofa avant que quiconque ne revienne, puis ferme la porte de ma chambre à clé.

- Bon vent, soufflé-je. Enfin seule.

Je lâche alors un énorme souffle, lâchant mes bras le long de mes côtés, puis m'avance sur le sofa sur lequel je m'affale. J'ai besoin d'être seule pour pouvoir penser. Lorsqu'elles sont avec moi, je ne fais que de penser à la présence ennuyante des servantes et de ma haine contre le prince.

Pour quelles raisons continué-je à l'appeler prince ? Il n'est pas un prince. Je me rends compte qu'il m'appelle par mon nom, et me tutoie. Pourtant, je ne fais pas ainsi. Et je sais bien que la dominance commence par la langue.

Il n'est pas un prince. Il n'est qu'un voleur de terres, un homme cruel, descendant d'un homme encore plus cruel. Je l'appellerais par son nom. Azref. Et je le tutoierais. Il ne mérite pas mon respect.

Lui, pensera que je tente de me rapprocher de lui, alors qu'à travers mes mots, je ne ferais que de le mépriser.

- Maman, qui sera mon mari ?

Ma mère me regarde en souriant.

- N'es-tu pas trop jeune pour penser à cela ? Me dit-elle avec amusement. Ou penses-tu déjà à quitter maman et papa ?

- Oh ! Non ! Dis-je en me jettant dans ses bras. Je veux rester avec toi et papa pour toujours !

Elle rit, en me serrant dans ses bras puis ses mains délicates caressent mes cheveux.

- Ton mari sera l'homme que tu aimes, me souffle-t-elle.

L'homme que j'aime.

J'en suis tellement loin, maman.

Serait-elle fière de m'avoir comme fille ? Je ne saurais répondre à cela. Elle n'aurait sûrement jamais imaginé que sa fille aurait été qualifié par le public comme meurtrière, séductrice, manipulatrice, arrogante. Pour autant, le public ne me déteste pas. Mais ils préfèrent largement ma sœur.

Ma mère aurait probablement préférée Freya aussi. Moi-même je préfère Freya. J'ai toujours voulu être comme elle, mais j'ai lamentablement échouée. Je savais qu'il n'y avait qu'un pas pour tomber dans l'échec, et pour que ma sœur ne me suit pas dans cette voie, je suis devenue la pire des deux pour que Freya n'en ressente pas le besoin.

J'espère que maman, d'où elle est, l'a compris. Je ne voulais pas être une terrible fille, mais je le suis devenue pour ma sœur. Uniquement pour elle.

Je tourne ma tête vers la grande fenêtre, voyant à nouveau la magnifique vue sur Althea. Bientôt, très bientôt, je deviendrais la princesse d'Althea. Puis la Reine d'Althea. Puis la conquérante d'Althéa et notre ancien royaume renaîtra de ses cendres.

Azref ne sait pas qu'en m'épousant, il me rend service. Je serais encore plus proche des terres qui m'appartiennent. Après deux cents ans, une Avalorn a enfin ces terres entre ses mains. Je ne les réclamerai pas officiellement au nom de mon mariage, mais qui se préoccupe réellement de l'officiel ?

Peuple d'Althea, véritable habitants de ces terres, que votre espoir alors que je prononce mes vœux de mariage. Vous serez tous sous mon aile, mais n'avez crainte en la voyant sombre.

Pour la victoire, un ange devait devenir un diable.

Fleuris, peuple de la Grande Reine. La gloire et la force seront en ton nom, ô peuple dont le cœur brûle des flammes de liberté.

L'ombre écarlateWhere stories live. Discover now