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Le matin est finalement arrivé. Après lui avoir administré le traitement que j'ai apporté d'Inimia, je laisse ma mère endormie sur son lit. Je referme la porte derrière moi, faisant face aux servantes qui l'assistent.

- Elle a pris ses médicaments et elle dort à présent, les avertis-je. Ne la quittez pas des yeux et veillez à ce que la porte reste fermée.

- Oui, votre Altesse, disent-elles en s'inclinant.

Après un dernier regard lancé à la chambre de ma mère, je m'en vais. Je m'en vais, cependant mon esprit est rempli d'inquiétude. Je n'aime pas l'idée de laisser ma mère seule dans sa chambre, j'aimerais pouvoir l'emmener avec moi, dans le palais principal. 

Et pour la première fois, je me surprends à penser à une autre personne en dehors d'elle et de moi-même. Cette pensée est perturbante, presque dérangeante, comme si elle remettait en question ma loyauté envers ma mère.

Je secoue la tête pour chasser ces pensées trompeuses alors que je continue ma marche à travers les couloirs du palais. Je passe par le jardin royal afin de pénétrer dans le palais principal, mais durant ma marche, j'entends un ronronnement. Je tourne ma tête vers le côte et cesse tout mouvement.

Une silhouette se dessine, sa présence gracieuse. Une robe bleue argentée, ressemblant à la lune embrassant le bleu profond du ciel nocturne. Les manches larges drapent délicatement ses bras, lui ajoutant une touche d'élégance.

Alors qu'elle est agenouillée près du chaton, sa robe traine le long du sol, lui donnant un air d'innocence, accentuant sa grâce naturelle. Je ne vois pas face à moi une quelconque femme, mais la princesse d'Inimia. Je ne saurais l'expliquer... Mais c'est l'énergie, l'aura qu'elle dégage. Je reste figé, captivé par cette vision, comme si le temps lui-même avait décidé de suspendre son cours.

Cette femme était fiancée avant moi, elle avait une autre personne dans sa vie... et je n'ai cessé d'y penser depuis mon retour. Aussi médiocre était-il, elle lui appartenait. Elle était sa promise. Bien même avant que je ne puisse mettre un nom, un visage sur l'ennemie qui faisait trembler mes mercenaires.

Inconsciemment, mon regard se fige sur elle, caché derrière un arbre. Cependant, ce moment est interrompu par l'arrivé d'un serviteur. J'ai l'impression de m'être réveillé d'un sortilège.

Le serviteur lui tend une gamelle, elle la prend joyeusement. Le serviteur porte le chaton dans ses bras et continue à parler à Della. Mes poings se serrent, voyant qu'elle ne le repoussait pas.

Je m'avance. Je n'ai pas pu m'en empêcher. Mes pas se font de plus proche, jusqu'à ce que je me tienne près d'elle.

- Della.

Le serviteur s'incline immédiatement, et Della se tourne vers moi, surprise. Elle tourne la tête vers le serviteur, lui demandant d'emmener le chaton dans sa chambre et de laisser ses servantes le nourrir. Le serviteur acquiesce et s'en va, nous laissant tous les deux seuls dans ce jardin.

- Tu parles aux hommes seule, maintenant, remarqué-je.

- Je peux parler à qui je veux, me répond-elle. Et que cela peut-il bien te faire ?

Je m'approche d'un pas, baissant la tête afin de la regarder dans les yeux.

- Tu sembles l'oublier, je suis ton mari. Rétorqué-je. 

Elle soutient mon regard avec défi et un sourire en coin se dessine sur ses lèvres. Malgré son air de défi, sa froideur est toujours aussi présente.

- Mon mari ? Dans ce cas, en tant que ta femme, je pense avoir le droit de te demander que faisais-tu hier soir ? J'ai entendu dire que tu étais dans une autre partie du palais.

- Je travaillais.

- Ne me prends pas pour une imbécile, cette partie du palais est secrète, c'est-à-dire qu'il s'y trouve quelque chose... ou quelqu'un, dont je ne suis pas censée être au courant, me dit-elle froidement. As-tu une maîtresse ?

Je lâche un sourire en coin, amusé, me rapprochant d'autant plus et mes yeux plongeant dans les siens.

- Et si c'était le cas, que ferais-tu, Della ?

- Que voudrais-tu que je fasse ? Me demande-t-elle. Te supplier à genoux de ne plus la revoir ?

- Ce ne serait pas une si mauvais idée... Sussuré-je.

Ses longs cheveux argentés bougeaient légèrement sous l'effet du vent, tombant en cascade sur son dos et ses épaules. Une envie soudaine de laisser ma main se perdre dans ces boucles me saisit, mais je savais qu'elle briserait cette main.

- Dommage pour toi, je ne suis pas le genre à supplier, murmure-t-elle.

- Je n'en serais pas si sûr, Della, la taquiné-je. 

Cette fois, c'est elle qui se rapproche de moi légèrement. Je crois que cela me plaît... ce nouveau côté, cette nouvelle dynamique entre nous. La haine est toujours présente, mais elle est étroitement mêlée à autre chose... Le désir de voir l'autre craquer. Mais n'est-ce pas là une autre facette de la haine ?

- Pour quelles raisons ne m'appelles-tu jamais par mon nom ? lui demandé-je, ayant constaté ce fait récemment.

- Veux-tu que je le fasse ? me demande-t-elle en retour.

J'acquiesce. Je suis curieux de savoir comment elle le dira. Le dira-t-elle d'une manière douce ? D'un ton froid ? Elle a dû appeler son ancien fiancé par son nom de nombreuses fois auparavant. Je me demande comment elle le disait.

- Tu vas devoir me supplier, dit-elle en faisant un pas en arrière.

Elle commence à s'éloigner de moi, me laissant figé avec un stupide sourire narquois sur le visage. Cette femme... Je n'ai pas pu m'empêcher de tendre la main vers elle, et de l'arrêter en l'attrapant par le poignet.

- Ce n'était pas vrai, je n'ai pas de maîtresse, dis-je sérieusement en la regardant intensément dans les yeux. Je n'ai jamais eu de femme dans mon lit auparavant.

Et sur son visage, un sourire se dessine. Ce n'était pas un sourire heureux ou soulagé, mais plutôt un sourire vicieux.

- J'ose espérer que tu ne souhaites pas que je sois la première, dans ce cas. Fais ce que tu veux mon cher, il serait malheureux pour toi de mourir sans connaître le touché d'une femme.

- Tu seras la première, princesse, rétorqué-je. Mais ce sera différent de ce que tu imagines, tu te jetteras dans mes bras.

Son sourire grandit, comme un enfant qui voit un jeu et sait pertinemment qu'il n'y a qu'un seul gagnant, lui.

- Nous verrons bien, mon prince...

L'ombre écarlateWhere stories live. Discover now