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Fou de rage, le Roi frappe du poing sur la table lors du dîner. Un serviteur lui est venu, murmurant une mauvaise nouvelle à son oreille. Reynald n'a pas eu le temps de m'informer, mais je suppose que cela à voir avec les résistants.

Et voyant la colère noire du roi, je ne peux que supposer qu'ils ont réussis. Mes valeureux guerriers.

- Comment... comment est-ce possible ?! Hurle-t-il.

- Que se passe-t-il, votre Majesté ? Demande Azref.

Le roi tourne sa tête vers moi, le regard froid, presque meurtrier.

- Demande à ta femme, dit-il froidement. Les rebelles ont volés toutes les armes que le royaume d'Alkanza nous a envoyé.

Je retenais un sourire, fière de mes résistants.

- Toutes ?

Pris d'une rage incontrôlable et voyant ma non-réaction, le roi s'approche et se jette sur moi, posant sa main sur mon cou. Mon corps s'entrechoque violemment avec la table, brisant les assiettes.

Les verres brisés pénétrant mon dos, se combinant avec la main du roi qui me coupe l'oxygène, me fait souffrir. Cependant, je ne laisse rien transparaître. Ni une supplication, ni un hurlement de douleur, ni même une grimace. Je garde le regard fixé dans les yeux du roi.

Azref allait séparer son père de moi, cependant je ne le laisse pas faire. Je ne le lui laisse aucunement le temps. J'enroule mes jambes du mieux que je peux autour des jambes du roi. En l'attirant vers moi, ses genoux se plient le faisant presque tomber.

Il réussit à maintenir son équilibre, cependant ses mains n'étaient plus sur moi. Azref recule, les yeux écarquillés. Je ne laisse pas de répit au roi, j'enchaîne en repliant mes jambes contre moi et lui donnant un coup de pied dans le torse ce qui le fait reculer.

Je me relève de la table, haletante, et quelques bouts de verres tombent au sol.

- Comment oses-tu ?! S'écrie le roi.

- De ne pas m'être laissé faire ? Continué-je. Excusez-moi, mon roi, je vous laisse me tuer... pensez-vous réellement que c'est cela que je dirais ?

Je m'approche de lui, le visage aussi impassible que possible. Les serviteurs autour, et Azref restent étonnés de mon audace. Qui oserait défier le roi, après tout ?

- Je ne suis pas une de vos sales servantes, je suis l'épouse de votre fils et la princesse héritière de ce royaume. Comment osez-vous poser la main sur moi ?!

Non seulement je ressens une haine accumulée des années en étant témoin des horreurs qu'il a infligé à mon peuple... mais je ressens également toute la haine de la Grande Reine, ayant été trahie par l'ancêtre de ces monstres. Et également du Grand Roi, lui qui a témoigné l'exil forcé de notre peuple et leurs meurtres en pleine rue par les civils d'Althea.

- Je suis ton roi, obéis-moi ou meurs !

Je prends le couteau de la table et le pose sur mon cou, ne détournant jamais le regard.

- Je choisis la mort, dis-je d'un ton dur. Je n'ai qu'une seule personne à qui j'obéis.

Le Grand Roi.

- Mon époux.

Je tourne le regard rapidement vers Azref, incliné contre le mur, les bras croisés, nous regardant avec curiosité, le sourire en coin. Il semble satisfait de ce qu'il voit. J'aurais pensé qu'il défendrait son père.

- Que vous gardiez cela dans votre esprit, je n'obéirais jamais à un homme incapable de maîtriser sa colère, qui pense que le monde lui est une marionnette, qui ne sait ni respecter sa nation, ni même sa famille.

- PETITE SOTTE ! Dit-il en levant la main vers moi.

Je relâche le couteau que j'avais en main, le faisant tomber au sol et attrape sa main en l'air. Je ne pouvais réprimer cette envie soudaine et violente, au fur et à mesure qu'elle devenait une partie de moi-même.

- Il semblerait que vous n'ayez pas compris mes mots, dis-je froidement. Depuis mon arrivée dans le palais, j'ai supporté vos moqueries et rabaissement, mais je ne me laisserais plus faire.

Que c'est jouissif... de me mettre en position de force face à cet homme qui se pensait invincible et intouchable.

- Puisque les paroles ne fonctionnent pas sur vous, je vais parler une langue que vous comprenez... vous n'aurez mon respect qu'une fois que vous apprendrez à me respecter. Et vous n'aurez mon pardon qu'une fois à genoux devant moi. Et si cette main se lève à nouveau sur moi, je vous la briserai.

Je rejette sa main loin de moi puis m'éloigne de lui. Cependant, avant de m'en aller complètement, il s'adresse à Azref, toujours aussi furieux.

- Dis à ta femme de bien se tenir et de s'excuser, sinon je m'en chargerais.

Je lâche un léger rire moqueur, en avançant vers l'extérieur. J'aurais aimé lui planter ce couteau dans le cœur, cela aurait été tellement satisfant. Ma seule consolation est de savoir que cela arrivera un jour.

- Della, attends.

Azref s'avance rapidement et marche à mes côtés vers notre appartement.

- Tu n'as pas intervenu, lui dis-je.

- J'allais intervenir, se justifie-t-il. Cependant, avant cela, tu semblait bien t'en sortir. J'ai senti que mon intervention serait inutile.

- Tu as bien fait, dis-je en souriant légèrement. C'est peut-être ton père, et tu dois m'en vouloir, mais quelqu'un devait lui faire rappeler qu'il n'est pas intouchable.

Azref rit, loin d'être en colère, loin de douter de moi. Il doit sûrement penser que cette haine que j'aie est innée, en plus de l'accumulation des remarques désobligeantes de son père.

- Je serais le dernier à t'en vouloir pour cela, me répond-il. Tu as bien dû le remarquer que père et moi... ne sommes ni proches, ni nous ne nous supportons.

- Je m'en doutais. Appeler ton père "votre Majesté" était assez surprenant, aucun bon père ne voudrait créer autant de distance avec son fils.

Il acquiesce, et nous arrivons devant l'appartement. Bien. Au moins, le plus important est qu'il ne me soupçonne pas. Il semble aimer n'importe quelle attitude contre son père, sans se poser de questions.

Il n'a même pas posé d'autres questions sur les armes volées par les résistants.

- Prépare tes affaires, Della, c'est le moment propice pour s'en aller. Me répond-il. Fuyons tous ses problèmes.

Tout suit complètement mon plan. Je hoche la tête, sentant enfin que la fin d'Althea est proche. Très proche.

L'ombre écarlateWhere stories live. Discover now