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Immédiatement, une dizaine de personnes viennent à ma rencontre. Ils s'inclinent, et je les reconnais. C'est le même groupe que la dernière fois.

- Votre Altesse, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation, me dit l'un d'entre eux.

Je fais un signe de tête, attendant de savoir quelles informations ont-ils pour moi. Deux hommes amènent une carte et la pose sur la table. Une carte d'Inimia et d'Althea.

- Nous avons reçus des informations d'une prochaine attaque à Inimia, me disent-ils. La princesse héritière contrôle l'armée, et nos soldats leur feront face... cependant, nous avons besoin de vos conseils et votre autorisation.

- Dites-moi tout.

- Le nombre d'armes que nous possédons à tripler, et nous possédons également les bombes d'Althea. Nos hommes sont en train d'en construire des milliers d'autres. Alors le jour de l'attaque, nous attaquerons leur territoire, et nos soldats attaqueront les soldats althéens.

Je regarde la carte avec les indications faites. Althea va attaquer du territoire qu'ils ont occupés, notre territoire. Un ancien village qu'ils ont rasés.

- ... Cependant, nous allons devoir bombarder la base militaire des soldats althéens afin de maximiser nos chances. Seulement, un seul problème se pose.

- Quel problème ?

- Des civils vivent là, les familles des soldats.

Je me fige le temps d'un instant. Ils ont occupés le territoire et ont installés leurs familles. Je me suis promise de ne jamais mettre fin à la vie d'un innocent, je me suis promise de ne jamais être comme eux.

"Priez avec moi, grand-père, dis-je d'une petite voix. Pour notre peuple. Et pour les Althéens. Je vais leur infliger un cauchemar et leur ôter la vie, aux soldats comme aux civils, je ne leur ferai aucune grâce. Je leur ferai vivre l'enfer, et c'est ma parole."

Mais afin de pouvoir les battre, je dois devenir comme eux.

- Faites ce que vous avez à faire, dis-je d'un ton ferme. Bombardez-les.

- Allons-nous tuer des innocents, votre Altesse ?

- Lorsque nous nous sommes engagés sur ce chemin, nous savions que pour atteindre la liberté nous devions faire des sacrifices. Résistants contre l'occupation, soldats de la liberté, je vous demande de sacrifier votre conscience.

Ils se regardent entre eux, avant de jurer obéissance. C'est une vie pour une vie. Cependant, peu importe le nombre de victimes que nous leur infligeront, cela n'égalera jamais le nombre de nos victimes, pas même proche.

Lors des prochaines minutes, nous avons revus et rectifiés quelques erreurs dans le plan. Ma sœur et Duc Valerius sont tous les deux derrière nos soldats, et je serais derrière nos résistants.

Soudainement, un terrible bruit se fait entendre. Des pas accélérés. Quelqu'un arrive vers nous en courant. Cependant, nous baissons tous notre garde lorsque nous voyons que ce n'est personne d'autre que le pâtissier.

- Votre Altesse, courrez ! S'écrie-t-il. Ils arrivent ! Ils ont découverts ce tunnel !

Mes yeux s'écarquillent. Je me ressaisie tout de suite, n'ayant pas le temps de paniquer. Je dois tous nous sortir de là. Je me tourne vers les résistants, qui commençaient déjà à ranger leurs affaires.

- Prenez tout ce qu'il y a ici, ils ne doivent trouver aucun document. Prenez tout, et fuyez.

- Et vous, votre Altesse ?

- Moi, je resterais. Je saurais les convaincre. Allez-y.

Je sentais qu'ils allaient refuser. Si nous partons tous, ils sauront qu'il y a d'autre issue. Si je reste, je n'aurais qu'à dire qu'ils sont partis avant que je n'arrive.

- C'est un ordre que je vous donne, dis-je d'un ton ferme. Ma vie n'est pas plus importante qu'Inimia ! Partez, et exécutez le plan.

Ils finissent par hocher et s'en aller. Tous, sauf le pâtissier.

- Et vous... ? Commencé-je. Partez avec eux !

- Non. Avec tout le respect que je vous dois, je vais vous désobéir. Si nous voulons qu'ils n'aillent pas après les résistants, nous devons leur donner quelqu'un...

Je secoue la tête. Il a une chance de fuir. Et s'ils veulent quelqu'un, je serais cette personne. Ils tenteront de me faire parler, mais je ne prononcerai pas un mot.

- Vous allez mourir ! Dis-je, un semblant de colère dans la voix. Partez avec les autres, vite !

- Ce combat requiert des sacrifices. Lorsque je les ai vu, je savais que j'allais mourir. Et j'ai accepté mon destin. Promettez-moi seulement une chose...

Je le regarde, désespéré. C'est ma faute. J'ai sûrement été suivis, et maintenant... cet homme va mourir par ma faute. Je peux mourir, mais je n'en ai pas le droit... je dois vivre, je dois accomplir cette mission.

- Pardonnez-moi, dis-je les larmes aux yeux. Je n'ai pas pu vous protéger...

- Votre Altesse, vous nous avez protégés. Sans vous, nous aurions tous péri. À présent, c'est à moi de vous rendre la pareille. À moi de vous protéger.

Mes yeux se remplissent de larmes, tandis qu'il s'agenouille devant moi. Suis-je faible à ce point ? Peut-être que je ne suis pas aussi forte que je le pensais. Si je l'étais... Tout cela serait-il arrivé ? Si je l'étais, Azref et son père seraient-ils encore en vie ?

- Votre Altesse, votre serviteur a été béni en vous servant, dit-il d'une voix fière. Mais si je puis me permettre de vous demander une faveur...

- Demandez ce que votre cœur désire.

- ... Mes filles vivent à Inimia, elles se portent bien, pourriez-vous... leur rendre visite un jour ? Et leur donner cela, dit-il, en me remettant un objet de famille. J'ai promis de le leur remettre à la fin de la guerre, mais...

Il s'efforçait de ne pas pleurer. Moi aussi. Avec des craquements dans la voix, j'ai promis, en prenant le bijou. Il pouvait être ouvert, il devait avoir conservé de petits souvenirs à l'intérieur. Je cachai le bijou avec moi, tandis qu'il me disait son nom, Cassian, et la ville où je trouverais ses filles.

Puis nous avons entendu un grand vacarme, les bruits se rapprochaient de nous. Nous savions que le moment fatal approchait.

- Accordez-moi votre bénédiction, descendante de notre Grand Roi.

- Je vous donne ma bénédiction, que votre nom demeure à jamais dans les mémoires, dis-je en essayant de contenir mes émotions. Vous vous êtes bien battus, et vous mourrez fiers...

Il m'adresse un léger sourire, alors que le tunnel a été rapidement envahi par les gardes royaux. Mon visage reprend cette expression dénuée d'émotion, alors que je regarde ces gens, mes ennemis, s'approcher de nous.

Pour Inimia.

L'ombre écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant