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La visite a continuée. Nous sommes entrés dans quelques maisons, et Dieu merci, personne n'a a été arrêté. Parfois, je pouvais voir dans les maisons des drapeaux qui dépassent et je m'assure de les cacher. Je gardais le visage impassible, mais je me sentais émue de voir des gens de mon peuple.

Au coucher du soleil, nous sommes revenus au palais. Je m'écroule sur le sofa, je retire ma couronne en soupirant d'épuisement. Azref s'assoit lui aussi sur un fauteuil, sans émotion. Je reste sur mes gardes, il devient de plus en plus imprévisible ces derniers jours.

- Pourquoi m'as-tu arrêté tout à l'heure ? Me demande-t-il. Tu sais que ces gens mentaient, n'est-ce pas ?

- Je me fiche de cela, lui dis-je, avec assurance. J'ai vu deux petites filles effrayées et cela m'a suffi. Dans une guerre, tout le monde peut être coupable, sauf les enfants. Les enfants sont des anges sans ailes qui vivent parmi nous, et nous sommes les diables qui les souillent.

Il n'est ni d'accord, ni ne réfute mes propos... Je crois que je me suis laissé emporter et que j'ai agi de façon imprudente. Azref pourrait avoir des doutes à mon sujet à présent, et je dois les lui ôter de la tête.

- Tu ne sais pas à quel point il est dangereux de laisser les partisans d'Inimia en liberté à Althea, dit-il. Enfants ou pas, la haine leur est enseignée dès la naissance. Leurs parents les excluent de nous, de sorte que leur haine envers ce qu'ils ne connaissent pas ne cesse de croître. Ils leur apprennent la langue de nos ennemis, et à prêter allégeance à une terre qu'ils n'ont jamais vue, à un ancien royaume mort.

- ... Écoute-toi, s'il te plaît, dis-je en soupirant. Les enfants méritent de grandir, de faire leurs propres choix et d'en assumer les conséquences. Tu ne peux pas ruiner l'avenir d'un enfant, sur la base de tes présomptions, sur la base d'un avenir encore inexistant.

Il ne dit rien. Je sais que lorsque la haine est aveuglante, il est difficile de faire abstraction et de trouver la raison, mais c'est pourtant indispensable. Ce n'est pas un choix. Sinon, cela causera notre propre perte. C'est aussi une leçon pour moi, un rappel. Je ne dois pas laisser la haine me contrôler et me faire agir comme un démon. De mes mains coule déjà le sang, que ne s'y ajoutent pas celui de ceux pour qui je ferai des cauchemars la nuit.

Azref se lève. Il n'a pas aimé cette conversation, il n'a pas aimé mes actions, et je vois à travers ses yeux que le doute envahit son esprit. Je me lève aussi, et je me répète : pour Inimia. Je dois lui faire oublier ces doutes. Je l'attrape donc par les bras, et le surprend.

Je passe mes bras autour de son cou, et je porte mes lèvres aux siennes. Azref semble surpris par mon geste, et ne bouge pas. Mais avant même qu'il ne puisse se rendre compte de ce qui est en train de se passer, je recule.

- Malgré que nous ayons des opinions différentes, merci de m'avoir écoutée, lui dis-je doucement.

Il pose ses mains sur ma taille, et m'attire à lui. Il ne me laisse pas fuir, ses lèvres rencontrent les miennes dans un baiser chargé de tensions. Il m'embrasse avec une telle force qu'il me fait reculer, ses mains sur ma taille étant la seule chose qui empêchait ma chute. Au bout de quelques secondes, j'étais déjà à bout de souffle. Je n'avais pas réalisé qu'il désirait autant m'embrasser.

Peut-être est-ce ainsi que je pourrai garder un léger contrôle sur lui. Et... ses baisers ne sont pas si mauvais que cela.

Sans jamais s'arrêter, il me porte dans ses bras, une main sous mes jambes et l'autre sous mon dos. Je le sens bouger, s'avancer. Cette fois, je ne cesse de me répéter, pas de fuite. Cette fois, j'assumerai jusqu'au bout.

Je dois détruire à Althea.

Je dois amener le corps de la Grande Reine à son frère.

Je dois retourner à la maison.

Je dois revoir Freya et papa.

Je dois faire payer Madame pour tous ses actes. 

Je le dois. Et si, pour cela, je dois partager le lit de mon ennemi, qui est également mon mari, qu'il en soit ainsi. Je le laisserai faire ce qu'il désire et je le ferai avec plaisir.

Je me vide la tête de mes pensées et je m'accroche à Azref, qui m'allonge sur le lit et se place au-dessus de moi. Ses baisers descendent le long de mon corps, puis dans mon cou, me faisant frissonner. Je devrais l'arrêter, le repousser, mais je n'y arrive pas. Je ne le veux pas.

- S'il te plaît, murmure-t-il, je t'en prie, dis-moi que tu ne le veux pas. Dis-le-moi, pour que nous puissions arrêter cette folie.

Je le regarde. C'est ma dernière chance pour l'arrêter. Dans ses yeux, des images violentes défilent. Des flammes. Mon cœur bat plus vite, un sentiment de malaise m'envahit. Papa. Freya. Maman. La Grande Reine. Jusqu'à quel point seront-ils dégoûtés par moi ?

- Ne seras-tu pas en colère ? Murmuré-je en retour.

Après mes paroles, il se lève et s'éloigne de moi. Il ne semble ni en colère, ni frustré. Il semble... normal ? Je dois le laisser faire, j'ai promis de sacrifier tout ce que j'ai au nom de la liberté. Je dois simplement rester allongée.

Non.

- J'aurais été en colère si tu m'avais laissé te toucher, alors que tu n'en avais clairement pas envie, dit-il, les sourcils froncés.

Je m'approche de lui, les émotions sont en ébullition. Et j'entoure son corps de mes bras. Je pensais qu'il me rejetterait, qu'il me repousserait, mais à ma grande surprise, ses bras s'enroulent autour de mon corps également, encore plus serrés que moi. Il enfouit sa tête dans mon cou et je ne peux m'empêcher de sourire.

Il ne m'en veut pas. Il ne me soupçonne pas. Il a peut-être même oublié l'incident. Je n'ai pas eu besoin d'aller bien loin.

Je t'ai eu, enfant du diable. Je sais désormais où t'atteindre. Et je te promets que je n'épargnerai pas ton coeur, même pour une seconde. J'ai enfin trouvé son chemin.

L'ombre écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant