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Après une longue conversation avec le Grand roi, je retourne dans ma chambre. Je dois prendre un moment pour moi, et réfléchir à tout ce qu'il vient de me dire. Je dois penser deux fois avant d'agir. Comment pourrais-je détruire le royaume d'Althea ? La guerre ne sert pas à grand chose, si ce n'est montrer que nous n'allons jamais nous soumettre et choisir la paix.

- Te voilà enfin.

Je lève la tête, et vois Madame. Désormais, lorsque je la regarde, je me rappelle de la colère et la haine du Grand Roi.

- Que faites-vous dans ma chambre ? Lui demandé-je.

- Que t'as dit le Grand roi ? Me questionne-t-elle. T'a-t-il dit d'enfin quitter cette famille, de sa honte de te voir la souiller ?

- Non, répondis-je froidement. Non, il n'a rien dit de tel.

Elle cesse d'utiliser son éventail, puis s'approche lentement.

- Alors qu'a-t-il dit ?

- Cela ne vous concerne pas. Dis-je d'un ton sec. Cela concerne ma famille, uniquement ma famille.

- Petite sotte ! Comment oses-tu me parler ainsi ?

Elle allait me gifler, mais j'attrape sa main dans l'air et la rejette. Je prends son éventail et le jette dans le feu de ma cheminée, tout en la regardant dans ses yeux confus.

- Toi... !

Elle tente encore une fois de me frapper, et je l'arrête encore. Je la tiens par le poignet, et à chaque instant, j'enfonce mes ongles dans sa peau encore un peu plus.

- J'ai été choisi par le Grand Roi, dis-je froidement, je suis sa descendante. Qui es-tu, toi, pour lever la main sur une Avalorn ?

Ses yeux s'écarquillent, au point où ses yeux sont à deux doigts de sortir de leur orbite. Elle me regarde, fulminante.

- À partir d'aujourd'hui, pour chaque coup que tu tentera, tu recevra un coup de fouet. Dis-je, menaçante. Tu sais quel état mon dos a, veux-tu réellement avoir le même résultat ?

- Je suis ta mère ! S'écrie-t-elle. Comment oses-tu ?

- Oh, pardon, pardon, maman. Dis-je d'un ton sarcastique. Laisse-moi me mettre à genoux pour que tu me pardonnes.

- Ce serait parfait, petite sotte.

Sans qu'elle ne s'y attende, je l'attrape par les cheveux et tire vers le bas. Je ne sais pas ce que le Grand Roi m'a fait, mais il m'a donné une poussée de confiance dont j'avais urgemment besoin. Il avait raison. Je ne pouvais pas laisser une personne comme elle m'humilier.

- Je vais te tuer, Della ! Hurle-t-elle. Ton père sera mis au courant, et il te tuera !

- Oooh, je t'en prie ma chère dame, j'aimerais te voir essayer.

Elle tente de se défaire de mon emprise, mais je ne lâche pas. Toutes ma colère et frustration accumulées durant toutes ces années ont finalement finis par exploser.

- Je suis la descendante du Grand Roi d'Inimia, comment as-tu pu penser avoir le droit de lever la main sur moi ? Dis-je, la rage montant en moi. Car j'étais une enfant sans défense ? Ou car tu te penses intouchable en étant la femme de mon père ?

Elle lâche des petits cris de douleurs, tentant de s'éloigner de moi.

- J'en ai eu assez. J'en ai assez de te laisser me brutaliser, rabaisser et humilier. Tu n'es personne. Personne. Une simple fille de baron, c'est tout ce que tu es. Tu m'entends ?

Je ne veux pas la lâcher. Maintenant que je l'ai entre les mains, je veux lui faire payer tout le mal qu'elle m'a fait subir. Je veux qu'elle me supplie de l'épargner.

- Je suis... la femme de ton père.

- Effectivement. La femme de mon père. Répété-je. L'histoire se rappellera de toi uniquement comme la seconde épouse de mon père. Et encore... si d'ici là, il ne t'aura pas divorcé. Car si demain il te divorce, qu'auras-tu ? Qu'auras-tu si ce n'est cette extrême arrogance ?

Elle ne répond pas. Elle sait que j'ai raison, qu'il suffit que d'un seul mot prononcé envers mon père, et elle sera à la porte du palais. Aussi confiante qu'elle est, elle a vendu toutes les propriétés de son père pour profiter du luxe de son titre. Des robes et bijoux extravagants à outrance. Et je la suspecte utiliser cet argent pour des choses illégales, qu'elle ne voudrait pas que mon père le trace.

Enfin, à contrecœur, je la lâche et elle s'éloigne immédiatement. Je la regarde d'un visage impassible. Je sais qu'elle réfléchit à si je suis sérieuse, à si elle devrait me faire payer pour mon irrespect. Mais je l'ai prévenu, je suis sérieuse. Et je ne le répéterai pas une seconde fois.

- Tu le paieras, dit-elle en s'en allant presque en courant.

Une fois sortie, je m'assois sur l'un des sièges en poussant un long soupir. Je sais qu'elle n'est pas aussi idiote pour tout raconter à mon père, mais un jour ou l'autre, il le saura. Il sera dévasté. Des années de violence se sont déroulées dans son dos, sans qu'il ne s'en doute. Peut-être est-ce dû à ses talents d'actrice. Ou peut-être que je suis une excellente menteuse.

- Della ?

La porte s'ouvre sur ma sœur, le visage blême. Elle marche vers moi à pas rapide, puis se met à genoux devant moi, ses mains sur mes jambes. Elle me regarde dans les yeux, mais je sens que ses mains tremblent. Je me redresse, inquiète.

- Que t'est-il arrivé ?

- Comment n'as-tu pu rien me dire ? Dit-elle les larmes aux yeux. Devais-je l'apprendre en écoutant à ta porte ?

Je recule sur le siège, gardant le silence. Je n'ose pas la regarder dans les yeux, mais elle ne me laisse pas tranquille. Elle prend mes mains dans les siennes, s'approchant d'avantage.

- Parle-moi, petite sœur. Depuis quand cela dure-t-il ? Me supplie-t-elle.

Face à Madame, j'ai pu me montrer forte. Mais devant ma sœur, c'est une autre histoire.

- Della, ma chérie, dis-moi, je t'en supplie. Depuis quand ?

- ... Depuis plus de quinze ans, dis-je faiblement, un an après le remariage de papa. Quelques jours après que Madame a découvert qu'elle ne pouvait pas avoir un enfant.

Un hoquet de surprise lui échappe alors qu'elle ramène ses mains à la bouche. Ma sœur a un si bon cœur, parfois je déteste ce côté d'elle car cela pourrait lui coûter la vie, mais c'est un côté que j'envie.

- Je suis désolée, dit-elle en pleurant. Je n'ai rien vu, je n'ai rien compris. Je suis tellement désolée !

- Ce n'est pas ta faute, dis-je en posant mes mains sur ses joues. Tu étais une enfant, toi aussi.

Elle se relève et me prend dans ses bras. Je sens mon épaule se mouiller, et son corps trembler. Je ne pensais pas que le savoir la mettrait dans cet état. Je me suis tellement habituée à la situation, que j'imagine les autres dire que ce n'est pas une si grande affaire... Je n'aurais jamais imaginé quelqu'un pleurer pour moi, peu importe à quel point la personne m'aime.

- Je ne la laisserais plus jamais t'approcher, me souffle-t-elle, plus jamais.

Et j'ai envie de la croire.

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