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Je me regarde dans le miroir, le regard froid. Pitoyable. Les servantes s'activent du mieux qu'elles peuvent pour que tout soit parfait. Elles referment les boutons de ma robe blanche, font mon maquillage et brossent mes cheveux. Je n'arrête pas de regarder mon reflet. Ces deux semaines sont passées plus vite que je ne l'aurais voulu. Dans quelques minutes, je serai une femme mariée. Cela devient de plus en plus réel...

Je garde la tête haute et je souris en sentant la présence du Grand Roi près de moi.

Pendant deux semaines, j'ai réussi à garder mon calme lorsque le roi et Azref parlaient de mon peuple. Je priais pour eux la nuit, et les traitais comme des ennemis le lendemain matin. J'ai l'impression de n'être qu'une hypocrite, mais il n'y a rien d'autre que je puisse faire. Azref a fini par croire que je me fichais éperdument de ces "terroristes", que je croyais à ses mensonges.

- Malgré tout, vous êtes une belle femme, ma dame... chuchote la servante.

Malgré le fait que vous soyez notre ennemie, elle avait envie de dire. Je me tourne vers elle et la regarde dans les yeux. Je n'y sens aucune haine, aucune colère, juste le vide. Ses mains expriment de l'hostilité, mais en dehors de cela, rien.

- Quel est ton nom ? Lui demandé-je.

Une lueur de surprise s'allume dans ses yeux, lueur qui s'éteint aussitôt.

- Bilsan, ma dame.

- Quel beau nom, dis-je doucement.

Elle garde la tête baissée pendant qu'elle arrange ma robe, puis mon voile. Une fois terminée, elle, et les autres servantes s'éloignent, la tête inclinée. La porte s'ouvre, me faisant comprendre que c'est l'heure. Je prends une grande inspiration, puis m'avance, suivant les gardes.

La salle de réception s'ouvre devant moi, baignée dans la lueur dorée des chandeliers. Elle était somptueuse, décorée avec des fleurs exotiques et des tissus luxueux. Les invités étaient déjà installés, leurs regards scrutateurs se tournant vers moi lorsque je suis entrée.

Je me sens marcher comme tenant une arme, avec mes cheveux argentés tombant en cascade sur mes épaules et dans mon dos. Cette salle se transforme en champ de batailles, toutes ces personnes me scrutant du regard deviennent des soldats prêts à attaquer, Azref sur l'autel devient leur commandant, et moi... Je suis la brebis solitaire. Enfin... une brebis déguisée, cachant son vrai visage, celui du loup terrible et sans merci.

Des hoquets de surprise. Des murmures. Des marmonnements. Je ne pouvais entendre que cela venant de la foule. Ils savent qui je suis, désormais. Si l'un d'entre eux le fait circuler, mon père saura que je suis en vie. Et s'il le sait, il lancera une guerre pour me sauver... Que pensait Azref ? Ne voulait-il pas cacher mon identité pendant un certain temps ?

Je ne devrais pas m'inquiéter. Il est possible qu'il s'agisse de personnes en qui il a confiance, oui... Sinon, je ne vois aucune véritable raison pour qu'il dévoile mon identité avant d'entamer quoi que ce soit contre moi et mon royaume.

J'arrive au pied de l'autel, des fleurs à la main. Je ne souris pas, je ne montre aucun signe de joie. Lui non plus. Je fais face à l'officier de mariage.

- Nous sommes réunis aujourd'hui pour célébrer l'amour et l'union de son Altesse royal le prince héritier Azref et dame Della. C'est un honneur d'être ici en tant qu'officiant de cette cérémonie spéciale...

Il commence alors à parler, lisant ses mots répétitifs comme s'il ne les avait pas appris au fil des années. Des mots qui n'ont plus de sens.

Il n'y a pas d'amour, pourtant il radote et radote sur le lien amoureux que je partage avec mon futur mari. Un mari que je déteste.

- Partagez vos vœux, désormais.

Je regarde Azref, il prend mes mains dans les siennes et l'officier quitte l'autel. Azref prend un fil rouge et me regarde dans les yeux. Je me souviens de ce qui m'a été dit quelques jours auparavant, c'est une tradition d'Althéa lors de l'échange des vœux. Les mariés prononcent leurs vœux en secret, pour que personne ne les entende, mais à chaque vœu, ils encerclent l'annulaire d'un fil rouge.

- Della, je jure d'être un époux fidèle, je jure de mettre fin à tous tes tourments, je jure de venger ton père, je promets de faire disparaître tous les diables vivants... Que notre mariage soit fructueux.

Il a entouré mon doigt avec le fil rouge. Je prends l'autre extrémité du fil, et fait de même que lui.

- Et je jure d'être une épouse fidèle, et pourtant je jure de ne te donner que cela. Je jure de te haïr jusqu'à ce que mon cœur en brûle, je jure de ne jamais te faire oublier le jour où tu m'as rencontrée, cruel prince.

Un silence s'installe, puis un sourire satisfait s'étire sur le visage d'Azref. Les invités applaudissent après que j'aie enroulé le fil rouge autour de son doigt, ignorant réellement ce qui a été dit. Azref me lançait un sourire narquois, et je garde une expression neutre, qui ne change pas.

L'officier s'approche à nouveau, un ciseau à la main. Il se place entre Azref et moi, le sourire aux lèvres, nous regardant chacun à notre tour.

- Que Dieu bénisse votre mariage et qu'Il puisse honorer vos vœux. Je vous déclare, au nom de Dieu, mari et femme.

Il honorera effectivement mes vœux.

Sur ce, l'officier coupe le fil rouge, symbolisant la fin de la cérémonie. Ou... pas encore.

- Vous pouvez embrasser la mariée.

Azref s'approche rapidement et pose ses lèvres sur les miennes avant même que je ne réalise ce qui se passe. Je ne peux pas considérer cela comme un baiser. Il s'est éloigné si vite, voulant également que la tâche soit accomplie au plus vite.

Toutefois, cela a été suffisant pour me donner envie de me laver la bouche maintes fois, et de le gifler jusqu'à ce que sa joue soit en sang. Il baisse les yeux et ne me regarde pas dans les yeux. Tout ce que je pouvais sentir, c'était une présence oppressante, qui me tenait, comme si elle m'étreignait si fort qu'elle était sur le point de me briser les os.

Et la cérémonie s'est terminée, avec ma liberté aussi.

L'ombre écarlateWhere stories live. Discover now