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Azref est partit ce matin, et n'est pas revenu. J'ai entendue les servantes dire qu'il serait sortit du palais. Je n'ai aucune autre nouvelle, j'espère simplement que ce n'est pas en rapport avec mon peuple.

Enfin, je sors de ma chambre. En tant qu'épouse du prince héritier, j'en ai le droit désormais. Cependant, des servantes doivent me suivre où je vais, je ne dois jamais rester seule si ce n'est dans ma chambre.

Lorsque j'ai posé la question, Azref m'a simplement répondu que c'était pour ma "sécurité". Je pense plutôt que c'est pour que je ne découvre pas leur secret, et que je ne trouve pas le corps de la Grande Reine. C'est évident.

- Il fait frais, le soir. Entendis-je.

Je tourne la tête, Sardor est là. Nous nous retrouvons dans le jardin du palais. Il se rapproche de moi.

- Je suis surprise que tu ne sois pas avec Azref. Lui dis-je.

- Le prince n'a pas besoin de ma présence pour tout ses déplacements.

J'acquiesce. Son regard m'est toujours porteur de haine, mais il tente de moins le montrer, probablement car nous allons devoir bientôt travailler ensemble.

- Je pensais que vous n'oseriez jamais quitter votre chambre, après la nuit dernière, me dit-il.

- Alors tu ne me connais visiblement pas encore. Je ne cède pas facilement, il faut beaucoup plus que cela. Répondis-je.

- Beaucoup plus que la mort ? Demande-t-il, intrigué.

J'acquiesce. J'aimerais pouvoir lui dire ce que je souhaite, mais je dois me refréner. Il lui suffit amplement de savoir que nul ne peut facilement me mettre à genoux. Ais-je dit "facilement" ? En réalité, personne ne le peut. À moins que ce ne soit moi qui le veuille.

- Par ailleurs, en ce qui concerne ce que nous vous avons dit hier... Vous ne com7a;_6ptez pas nous trahir, n'est-ce pas ? Il faut que je vous fasse confiance, et pourtant j'ai bien du mal.

- J'ai eu le temps de réfléchir à tout cela, je ne vous trahirai jamais, sois-en certain, lui assuré-je. Il faudra me faire confiance sur ce coup-là.

- Ai-je vraiment le choix ? Soupire-t-il.

Oh, tu n'as pas le choix. Je fais un léger sourire amical, ce qui le rend encore plus confus. J'aurai ta confiance et celle de ton ami Azref. J'aurai la confiance de tout le monde, et c'est alors que la dague sera plus tranchante que jamais.

- Alors ? Ne vas-tu pas m'en dire plus sur cette mission ? Lui demandé-je. Je vais t'aider, mais il faudrait que je sache ce que je dois faire.

- Ce n'est pas à moi de le dire, dit-il. Azref vous dira tout le moment venu.

Je hoche la tête. Bien. Il ne me le dira pas de sitôt, je le sens. C'est tant mieux pour moi. J'aurais le temps de me trouver un fidèle allié, qui me servira de messager pour mon père. Mon père doit savoir que je suis en vie, que je vais bien et qu'il ne doit surtout venir à ma recherche.

Il comprendra que la mission que la Grand Roi m'a confié est plus importante que tout. Pour moi, du moins.

- Vous semblez vous ennuyer à marcher seule, me dit Sardor, permettez-moi de vous accompagner.

- Bien-sûr.

Puis nous marchons côte à côte dans le jardin royal, tout est si beau, si paradisiaque. Cette famille ne mérite rien de tel.

- Princesse, permettez-moi de vous demander... appelez cela curiosité ou que sais-je, mais j'aimerais savoir... quelle sensation cela fait-il de tout oublier ?

Je suis surprise de cette question, ne m'y attendant pas. Je tente de peser mes mots, d'y réfléchir avant de les prononcer.

- C'est une sensation étrange. Lui dis-je doucement. Tout semble si familier, et à la fois si étranger... j'ai parfois l'impression d'être dans un corps qui n'est pas le mien, de jouer le rôle d'une personne que tout le monde connaît mais que moi-même, je ne connais pas. J'ai l'impression de ne pas avoir vécu avant le moment où j'ai ouvert les yeux face à Azref.

Il reste silencieux un moment, comme s'il étudiait mes mots. 

- Si jamais vous étiez une mère, avec un fils, pensez-vous que vous le considériez toujours comme votre enfant... ? 

- Les sentiments ne disparaissent jamais, dis-je. Les mères, même sans souvenirs, aimeront leurs enfants quoi qu'il arrive. Même sans en connaître la raison.

Même si elles ne sont plus de ce monde.

- Merci, murmure-t-il en baissant les yeux.

Je pensais que sa question était une façon de me tester, mais elle me semble plutôt relever d'une curiosité personnelle. Il semble aller mal, pas comme à son habitude.

- Tu vas bien ? Lui demandé-je.

Il lève soudain la tête, souriant avec arrogance comme d'habitude, comme le fait toujours Azref. Il me regarde avec dédain, presque avec mépris. Je suis confuse, mais non surprise par ce changement soudain de sa part. Sardor, l'ancien second de l'armée, Dieu sait combien de crimes horribles il a commis contre mon peuple. Je ne peux pas l'oublier, chaque fois que je regarde son visage. Chaque fois que je vois ces mains qui doivent être trempées de sang.

- Il fait désormais plus froid, dis-je. Je vais retourner à l'intérieur.

- Princesse, m'interrompt-il, je ne vous fais pas confiance. Pas le moins du monde. Avec le temps, j'espère que vous me prouverez que j'ai tort, parce que si mes soupçons sont avérés...

Je le regarde froidement, puis c'est moi qui m'approche dangereusement de lui. Je n'aime pas ce ton menaçant.

- Si tes soupçons sont avérés... ? Répété-je. Continue ta phrase, je te prie.

Il me regarde, sans rien dire. Il ne peut pas, mais j'espère l'entendre de sa bouche.

- Laisse-moi te rappeler un point... Tu ne me fais pas confiance, cela te regarde. Cependant, tu garderas tes soupçons et tes menaces pour toi, je ne suis pas ton amie. Je reste courtoise envers toi, et si cela te perturbe, je commencerai à agir de manière rude pour te rappeler qui je suis. Me suis-je bien fait comprendre ?

Il se tait, mais ce silence me fournit la réponse que j'attendais. Je tourne les talons et entre dans le palais, sans me soucier de ce qu'il dit ou pense derrière moi. Qu'ils voient, entendent, que la princesse d'Inimia n'est pas inférieure à eux. Je suis certes dans le territoire des lions, pour autant, je suis aussi impitoyable qu'une lionne.

Qu'ils sachent que la petite-fille du Grand Roi ne se pliera jamais.

L'ombre écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant