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Il commence à faire nuit. Je n'avais pas réalisé. J'ai simplement ouvert ma lampe par réflexe, ce qui m'a fait reprendre mes esprits est la personne qu'a toqué contre la porte. Je relâche ma plume, et lève la tête.

- Prince Azref, puis-je entrer ?

Sardor. J'avais oublié qu'il allait nous rejoindre, Della et moi, pour lui expliquer sa mission. Je l'avais envoyé sur le champ de bataille, étant le commandant second, pour s'assurer que tous avaient suivis mes ordres.

- Entre.

Il s'approche alors, ferme la porte derrière lui et s'assoit face à moi.

- Je voulais vous parler, avant de m'entretenir avec la princesse.

Je hoche la tête, attendant qu'il se mette à parler. J'espérais qu'il n'ait aucune mauvaise nouvelle concernant le champ de bataille. Ma patience, déjà mise à rude épreuve, ne tolérera aucune désobéissance ni aucune défaite.

- J'ai appris que vous lui avez rendus visite, hier. Était-ce sérieux ?

- ... En effet. Elle avait fait une crise, et je ne pouvais la laisser.

- Votre Altesse... je sais que vous la portez à cœur, mais vous risquez votre vie. Ne la revoyez plus seul, je vous en prie.

Je serre mes poings. Ce discours m'a déjà était fait tant de fois, par les médecins, père, mes nourrices, et tous ceux qui connaissent ma mère. Et je ne trouve rien de plus insupportable.

- Sardor. Arrête-toi là. Dis-je froidement.

- Je ne dis cela que pour votre bien... soupire-t-il. Si vous risquez votre vie à nouveau, le roi sera capable du pire... pensez-y.

Les yeux vides, je le fixe. Parfois, je l'oublie. J'oublie que père ne se soucie plus de maman. Que mes actions me condamneront, elle et moi.

- ... Et si sa seule manière de guérir est d'être entouré d'une présence féminine ? Une femme extérieure, suffisamment réfléchie. Elle pourrait simplement avoir besoin d'encouragement, ne penses-tu pas ? Dis-je doucement.

- Votre Altesse... est-ce que cette femme, par tout hasard, serait la princesse ? Me demande-t-il.

Je soupire, posant mes mains sur mon visage. C'est effectivement elle dont je pensais.

- Je veux simplement la guérir, dis-je désespérément, mais je ne peux pas faire confiance à Della.

Je ne peux pas lui révéler mon seul et plus grand secret. Je vais devoir faire en sorte qu'elle me dise comment guérir ma mère, comment la soulager, sans lui dire de quoi il s'agit... puisque jusqu'à présent, aucun médecin n'a réussi à l'aider, alors je commence à me poser des questions ; et si ce n'était pas d'un médecin qu'elle avait besoin ? 

Et si c'était autre chose ? Et comment pourrais-je savoir ce qu'est cette "autre chose" ?

Je ne sais même pas si ma mère a besoin d'une présence féminine près d'elle, ce n'est qu'une simple idée née de mon désespoir. 

- Allons-y, dis-je en me levant. Je ne veux pas y penser pour le moment.

Sardor acquiesce silencieusement, et ensemble, nous empruntons le passage menant à l'appartement. Della, assise sur le sofa, semble m'attendre, l'incertitude de notre mission se reflétait dans ses yeux.

- Le moment est enfin arrivé, dis-je, m'approchant d'elle.

Elle a changé de robe. Celle-ci est... elle s'harmonise avec une grâce infinie aux formes de son corps, un rouge sombre, profond comme cette nuit naissante, effleurant délicatement le noir. Son allure ne peut être ignorée. Ses jambes croisées dévoilent avec subtilité une parcelle de peau, la robe se jouant de leur dissimulation.

Ses yeux ne se détachent jamais les miens, jusqu'à ce que je prenne place face à elle. A-t-elle toujours arboré une telle élégance ? A-t-elle toujours émané une telle audace ? Ou bien mon esprit s'égare-t-il ?

Elle semble être une créature démoniaque, une entité nocturne dont la lueur des bougies dévoile la silhouette. Un éclat mystérieux, puissant et sombre émane d'elle, suscitant plus de questions dans mon esprit déjà troublé que de réponses.

Je tourne la tête vers Sardor, m'assurant d'être le seul à la voir ainsi, à avoir ses pensées. Et en effet, il était concentré sur ses documents.

- Donc, quelle est la mission ?Me demande-t-elle.

Je me racle la gorge, reprenant mes esprits. Sardor pose devant elle un document avec le portrait d'une femme. Della la regarde, les sourcils froncés.

- Qui est cette femme ? Questionne-t-elle.

- Ta mission, répondis-je. Une noble de haut rang d'Inimia, d'origine. Elle s'est installée ici, à Althea, le mois dernier.

- Alors ? Vous ne lui faites pas confiance ?

Si Della réussit cette mission, je pourrais commencer à lui faire confiance. Je prouverai à mon père et à moi-même qu'elle n'a plus aucun lien avec Inimia. Que si cela lui était demandé, elle pourrait éliminer sa propre famille pour Althea.

- C'est ce que tu devras nous répondre. Pouvons-nous lui faire confiance, ou non ? Dis-je en la regardant droit dans les yeux.

Della soutient mon regard avec assurance, une lueur mystérieuse éclairant ses yeux. Un sourire subtil s'affiche sur ses lèvres, révélant une confiance silencieuse en ses propres capacités. Elle sous-estime probablement la méfiance de cette femme.

- Pour quelles raisons doutons-nous d'elle ? Est-ce car elle est originaire d'Inimia ?

- Non, lui répond Sardor en lui tendant un document. Voici la raison.

Elle prend le document en main, les sourcils froncés. Son expression demeure imperturbable, mais je perçois dans ses yeux la précision avec laquelle elle analyse chaque mot, chaque phrase, chaque recoin du document, n'en laissant rien du tout.

- Nous avons découverts des tunnels souterrains, lui expliqué-je. Et cela a coïncidé avec le vol de nos livraisons d'armes. Ces tunnels seraient reliés à d'autres, menant à Inimia, mais nous ne les avons pas encore localisés. Un groupe de rebelles de parmi nous se réuniraient en secret pour comploter contre Althea.

- Et vous pensez qu'elle les commande, ou du moins, les aide d'une quelconque manière que ce soit, ajoute-t-elle.

Je hoche la tête,  et Della reste silencieuse un instant, semblant évaluer mes paroles. Puis elle lève le regard sur moi.

- Effectivement. Sardor a déjà débuté sa mission, cette femme n'est pas proche de la famille royale d'Inimia, alors elle ne devrait connaître ni le nom ni le visage des princesses d'Inimia. Tu te feras passer pour la plus jeune d'entre elles, jusqu'à ce qu'elle divulgue le secret sur ces tunnels, et leurs plans contre Althea.

Elle hoche la tête, acceptant rapidement la mission que nous lui avions confiés. Bien. J'espère qu'elle ne nous trahira pas, ce serait dommage de devoir tuer cette... enfin, dommage de perdre une aussi grande opportunité.

L'ombre écarlateWhere stories live. Discover now