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De ces gardes, Sardor apparaît.

Evidemment. Evidemment que c'est lui derrière cette invasion. Mon regard s'assombrit, ne le lâchant pas du regard alors qu'il s'approchait lentement. 

- Je savais que vous étiez une traître, dit-il en me regardant droit dans les yeux. Vous n'avez pas fait long feu, princesse.

Puis il dit aux gardes de m'emmener, je reste ferme, le visage impassible. Quiconque pris en flagrant délit de trahison serait paniqué, du moins, c'est ce que lui penserait.

- Comment oses-tu leur donner des ordres alors que je suis là ? Dis-je froidement. N'oublie pas ta place, Sardor.

- Aucun traître ne doit être laissé en liberté.

- Je ne suis pas une traître, dis-je durement. Ce n'est pas à toi d'en décider.

Il prend une arme à l'un des gardes, une petite arme, ces armes automatiques que je n'ai vus qu'à Althea. J'ai entendu dire que les résistants en avaient volé pas mal. Il me tend l'arme, un sourire en coin.

- Prouvez-le moi donc, autrement, vous ne sortirez pas d'ici en vie.

Je jette un coup d'œil rapide à l'homme à genoux, Cassian, il me regarde avec colère. Il me hurle dessus. Je le sais bien, il ne fait que feindre, mais...

- Je vais le faire, mais sois sûr qu'Azref l'apprendra, le prévené-je.

J'espérais qu'il renoncerait, qu'il me laisserait partir, qu'il emmènerait cet homme en prison - pas qu'il le tuerait. J'ai eu un peu d'espoir, qui s'est effondré quand les mots ont quitté sa bouche "tue-le".

Je regarde l'homme qui, malgré sa fausse colère, me regardait avec des yeux satisfaits. Si je dois mourir, autant mourir de vos mains, semblait-il dire. Je prends une grande inspiration, Sardor me fixant des yeux.

- N'allez-vous pas le faire, enfin ?

Je lui lance un regard noir, tentant de cacher ma réticence. Je ne veux pas. Mes mains sont déjà sales, pleines de sangs... que je ne porte pas le poids de la mort des miens.

Je dois le faire, je suis désolée.

Alors j'appuie sur la gâchette. Le temps semble s'arrêter. J'ai tiré. La balle a atterri dans la tête de l'homme. Son sang a giclé sur ma robe. Il est au sol. Mort. Le bruit assourdissant de l'arme me laisse un sifflement aiguë dans les oreilles.

Je désirais hurler, mais le son reste bloquée dans ma gorge. Je l'ai tué. C'est moi qui l'ai fait.

- Bien. Vous devez retourner au palais, désormais, me dit Sardor. Les gardes et moi devons fouiller cet endroit.

Sans un bruit, je sors du tunnel. Je remonte les mêmes escaliers, passe par la même trappe - désormais ouverte, et passe par la même porte arrière. Un gâteau est au sol. La pâtisserie est vide de ses clients, les pâtisseries dans sa vitrine laissent un dernier souvenir de l'homme qu'il était.

Je monte dans la calèche à l'extérieur. Birsan tente de me parler, mais je n'entends rien. Je me sens vide. Tuer un homme ne m'a jamais laissé dans un tel état...

Le temps passe, sans que je n'en sois consciente. Je bouge, sans que je n'en sois consciente. Je me retrouve au palais, ne sachant quand et comment je suis arrivée. Mes jambes s'avancent seules jusqu'à ma chambre, là où je ferme la porte derrière moi et tombe au sol, le dos collé à elle.

J'amène mes jambes contre ma poitrine, et mes larmes se mettent à couler contre mon gré. Des petits bruits s'échappent de mes lèvres, alors que mon être entier tremble.

C'était cela, le sacrifice dont le Grand Roi me parlait. Si je le dois, je tuerais un des miens. Je tuerais un allié, comme un ennemi. Sans regret.

Mais les images ne quittent pas ma tête. Je ne cesse de voir et revoir la mort de cet homme, son sang qui s'est éclaboussé partout. Je ne cesse d'entendre ses paroles, son dernier souhait que seul moi peut l'accomplir.

Tout me semble trop. Alors je me lève de ma place et cours dans la salle de bain, vidant entièrement mon estomac. Tuer m'était si simple... je n'ai jamais éprouvé du regret. Car je savais qu'ils étaient des ennemis... mais lui... il est mort par ma faute, de mes mains.

- Della ?

Je me retrouvais au sol, et je me sens relevé par une personne. Son odeur... je lève mes yeux remplis de larmes sur Azref. Il me portait dans ses bras, et m'a posé délicatement sur le lit.

- Réponds-moi, que t'est-il arrivé ? Demande-t-il, inquiet.

Je me rassois sur le lit, les jambes en tailleur et les mains sur ma tête.

- J'ai... j'ai tué... dis-je faiblement. J'ai tué quelqu'un.

Ses yeux s'écarquillent, surpris. Peut-être même horrifié. Il ne sait donc pas. Malgré mon état, je restais tout de même consciente, faisant attention aux mots que je prononce.

- ... Qui ?

Mon corps se balance légèrement d'avant en arrière.

- Un rebelle... dis-je d'une petite voix. Je l'ai suivis et... Sardor m'a forcé de le tuer... pour prouver que...

- Sardor ?

Son regard s'assombrit. Je sens sa colère monter.

- Je lui ai tiré dessus, dis-je faiblement, dans la tête. Son cerveau... mon Dieu... je l'ai vu exploser... du sang... il y avait du sang partout.

Je lève mes mains, tremblantes, et les lui montre. Il ne dit rien. Son regard est toujours aussi sombre, je ne peux savoir s'il est en colère contre moi, ou contre Sardor...

Je me mets alors à essuyer les mains sur les draps.

- Le sang ne part pas. Il ne part pas. Dis-je en tant de l'essuyer frénétiquement. Il ne part pas ! J'ai du sang sur les mains !

Azref me tient fortement les mains, m'empêchant de bouger. Je le regarde dans les yeux, il n'est pas en colère contre moi. Peut-être contre lui-même. Peut-être contre Sardor.

- Tu l'as ordonné, n'est-ce pas ?

Je me mets à rire au milieu des larmes, un rire hystérique, vide de joie.

- Évidemment que tu l'as ordonné, dis-je en riant. Tout cela pour prouver quoi ? Que je ne suis pas une traître ?! TU M'AS DÉTRUITE !

- Non, non, Della, dit-il en me serrant dans ses bras. Je n'ai donné aucun ordre. Je te le promets. Et je promets aussi de punir Sardor.

Mais aucun ne réparera ce qu'il s'est passé plus tôt. Rien ne me fera oublier que je suis capable de tuer les miens, sans hésitation. Si j'en suis capable, n'ai-je donc plus aucune limite ?

L'ombre écarlateWhere stories live. Discover now