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Je suis restée assise par terre, regardant le vide. J'ai amené mes jambes contre ma poitrine, en allongeant mes bras à mes côtés. Je me suis sentie quelque peu confortable, presque comme si j'essayais de ressourcer mon corps. Ce silence assourdissant était tout ce dont j'avais besoin, je le constate à présent. Le silence, le néant. Je le voulais. J'en avais besoin. J'en avais affreusement besoin.

Une personne s'est dressée devant moi, perturbant ma paix, et je me suis repliée sur moi-même. Ses pieds se rapprochent de moi.

- Tu as piétiné les fleurs ! Dis-je, la voix basse.

Je lève la tête pour lui faire face, juste pour voir que c'est Sardor, qui me regarde en fronçant les sourcils. Il me regarde avec... pitié ? Je fronce moi aussi les sourcils, mécontente. Il ne peut pas me regarder ainsi. Je me lève, ignorant la main qu'il me tend.

- S'est-il endormi ? Lui demandé-je, d'une voix neutre.

- Non, il est assis sur le sofa. Je crois qu'il est devenu sobre. Me répond-il. Qu'avez-vous fait pour qu'il devienne aussi furieux ?

- Je parcourais la pièce, et j'ai trouvé un portrait... De lui, de son père et d'une femme que je n'ai jamais vue. Lui dis-je, en espérant qu'il puisse m'éclairer davantage.

Sardor devient pâle.

- Ne lui rappelez pas cela, il semble l'avoir oublié, dit-il. Et ne le mentionnez jamais, compris ?

J'acquiesce, mais cela soulève des questions dans mon esprit. Pourquoi ? Qu'est-ce que ce portrait a de particulier ? Ou plus précisément, les personnes qui y figurent ? La femme qui y figure ?

- Bien. Suivez-moi désormais. Me dit-il.

Il se met à marcher vers le salon, je le suis, voyant Azref. Je m'approche de lui, en regardant ailleurs. Je ne le crains pas, cependant je dois continuer à jouer mon rôle. Je sens son regard sur moi, un regard insistant.

- Asseyez-vous, votre Altesse... Me dit Sardor. Nous avons urgemment besoin de discuter.

Je ne réponds pas, je m'assois simplement loin d'Azref. Son regard est toujours sur moi, alors j'ose un regard. Un simple regard. Ses yeux sont toujours aussi vides, et j'ai toujours autant de mal à discerner ses émotions, ses pensées.

- Nous avions prévus, le prince et moi, de discuter de cela après votre union... Commence Sardor. Nous voulons votre aide.

- Mon aide ? Pour quoi faire ? Lui demandé-je.

- Pour détruire Inimia. Répond Azref, d'un ton froid.

Quoi ?

C'est trop tôt. Trop tôt pour cela. Je n'ai toujours pas trouvé d'allié ici, je n'ai toujours pas pu quitter ce palais, je n'ai toujours pas obtenu leur confiance pour transmettre un message à ma famille... Je dois trouver un moyen de les retarder.

- Je ne veux pas être impliqué dans cette guerre inutile et sans intérêt, dis-je. Pourquoi moi ?

- Tes cheveux. Les alliés d'Inimia croiront que tu es pour Inimia, pas pour ta patrie, Althea. Je sais que tu n'es pas aussi patriote que nous, mais en tant que mon épouse, tu dois faire ce que je te dis pour le bien de ce royaume. Tu dois être impliquée.

- Quel est le rapport avec mes cheveux ? Demandé-je, intriguée.

Azref regarde Sardor. Il semblerait qu'ils aient inventé un bon mensonge, mais je ne comprends toujours pas où ils veulent en venir.

- Il est temps pour nous de te parler de ta famille... dit-il en soupirant. Tu le savais déjà auparavant, mais...

Raconte-moi. Dites-moi quel mensonge vous allez raconter encore.

- Ton père a eu une relation avec la sœur du roi d'Inimia, dit-il. Et elle est tombée enceinte de toi. Le roi l'a appris et est devenu furieux. Il a voulu l'assassiner, en vain, puisqu'elle s'est échappée et s'est réfugiée ici, à Althea. Tu as grandi en haïssant Inimia pour ce qu'ils ont fait à ta mère, et plus tard... pour la mort de ton père.

Je me suis presque mise à rire. C'est tellement absurde. Évidemment, ils ont dû ajouter un personnage dans ma famille pour que ce soit crédible.

- Le roi a gardé ses filles secrètes, ajoute Sardor, personne ne sait qui est la princesse héritière, la princesse cadette et la princesse illégitime. Vous êtes l'illégitime, mais nos ennemis ne le savent pas. Tout ce qu'ils voient, c'est une descendante d'Inimia, grâce à vos cheveux argentés. S'ils vous voient, vous pouvez les duper. Vous devez le faire. Pour votre mère et votre père.

Je comprends maintenant. J'affiche une expression surprise, comme si cette révélation avait vraiment un sens pour moi. Dois-je les duper comme je vous dupe ?

- Je suis donc votre ennemie. Dis-je, avec inquiétude.

- Non, dit Azref. Tu es d'Althéa, quel que soit ton sang. Beaucoup sont comme toi. Tant que tu es fidèle à ce royaume, tu n'es pas mon ennemi. Inimia est notre ennemie, et nous devons la combattre. Pouvons-nous compter sur toi ?

- ... J'ai honte. Dis-je en baissant la tête. J'ai honte de ce sang souillé. Je vais l'expier, je vais faire mon devoir. Vous pouvez compter sur moi.

Ils se regardent, avec un sourire victorieux. C'est de cela que le Grand Roi m'a mis en garde, donc... Il se peut que je doive faire du mal à mon peuple pour notre royaume. Je tenterai de ne pas le faire, mais s'il le faut... Je devrai les considérer comme des ennemis.

- Bien, très bien. Il faudra que tu passes plus de temps avec Sardor lorsque sa mission commencera. Me prévient Azref. D'ici là, nous allons préparer nos plans et nous renseigner sur notre cible.

J'acquiesce. Ma mission commence donc ici. La situation devient de plus en plus sérieuse. Pourtant, je suis surpris qu'il veuille bien me confier une tâche importante... À ce stade, c'est presque comme s'il pariait. C'est pourquoi je dois être très prudente. Chaque seconde pourrait être un test, et je n'ai pas le luxe de commettre une erreur. Chaque action compte.

L'ombre écarlateWhere stories live. Discover now