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L'après-midi, j'ai quitté ma chambre pour rejoindre le bureau de mon père. Je suis resté dans l'appartement pour repousser le discours de mécontentement de père. Il n'a pas assisté au mariage, il n'était même pas au palais.

- Est-elle encore en colère ? Me demande Sardor en arrivant dans le couloir.

- Oui. Après tout, j'ai tenté de la tuer... Mais je n'arrive pas à comprendre la raison pour laquelle j'ai fait cela. Dis-je en soupirant.

- Vous avez trop bu, répond-il. Vous n'auriez pas dû.

Je l'ai fait. J'ai bu tellement de bouteilles que je ne peux même pas les compter. Ce n'est pas la première fois, donc ce n'est pas surprenant pour Sardor. Il est habitué.

- Avez-vous été la voir, la nuit dernière ? Me demande-t-il. C'est pour cela que vous étiez si ivre ?

- ... Tu l'as déjà deviné, dis-je en souriant légèrement.

Nous marchons en nous rapprochant du bureau de mon père. Plus je me rapproche, plus je sens mes pas devenir plus lourd. Cet homme arrive à gâcher mes journées si facilement.

- Puisque je me suis marié hier, j'ai voulu le lui annoncer, dis-je doucement. Au début, elle n'a rien dit... Mais cela ne s'est pas bien passé. Comme d'habitude.

- Les médecins vous ont avertis, votre Altesse. Me dit Sardor, en soupirant. Elle est facilement provoquée, elle est dangereuse.

Je garde la tête baissée. Je le sais. Mais elle est... Elle est juste... Ah... Je ne peux pas me résoudre à l'abandonner. Je ne peux pas non plus faire confiance aux médecins, et je ne le ferai jamais.

- Bien. Ne parlons pas de cela pour le moment, les murs ont des oreilles. Dis-je à Sardor.

Il acquiesce et le garde de mon père m'aperçoit, il entre dans le bureau et en ressort quelques secondes plus tard. Il ouvre la porte pour que j'entre, et je suis surpris qu'il laisse Sardor entrer avec moi. Comme d'habitude, père ne me regarde pas lorsque j'entre dans la pièce.

- Votre Majesté, vous m'avez demandé.

Ses yeux rencontrent enfin les miens. Il montre clairement son mécontentement en voyant mon alliance, mais je ne la cache pas. Il savait quel chemin j'ai choisi d'emprunter, c'est trop tard de vouloir changer les choses désormais.

- Nos alliés ne sont pas ravis de la situation, me dit-il. Nous devons détruire Inimia maintenant et plus que jamais.

- Pourquoi cette précipitation ? Nous avons un trésor à nos côtés, rétorqué-je, nous ne pouvons pas nous permettre de gâcher cette opportunité.

Il soupire puis passe ses mains sur son visage. C'est la première fois que je le vois ainsi, cela doit donc être plus que sérieux...

- Je doute sincèrement de la princesse d'Inimia, m'avoue-t-il. Et encore plus depuis que l'opposition se renforce.

- Nous l'avons testés maintes fois, elle en ressort toujours innocente. L'opposition restera toujours faible face à nous, devons-nous les craindre ?

Je tourne le regard vers Sardor, semblant être d'accord avec père. Je ne fais pas confiance à la princesse, mais elle ne peut pas contourner tous nos tests. Je n'ai vu aucune brèche, aucune faille dans son comportement...

Et... si elle nous mentait, j'étais à deux doigts de la tuer hier soir. N'aurait-elle pas réagi ? Je sais qu'elle est capable du pire, considérant l'état des cadavres qu'elle me renvoyait de mes mercenaires. Je ne serais pas de trop dans son compte d'assassinat.

- Je suspecte les opposants d'utiliser des tunnels souterrains, d'avoir des salles souteraines pour se réunir, qui leur permettraient également d'importer nos armes à Inimia, m'informe-t-il.

- Est-ce certain ? Lui demandé-je. Nos armes sont dans un des lieux les plus sécurisés, un petit groupe aussi ridicule ne peut pas avoir mis la main dessus...

- Et pourtant, ils l'ont faits. Répondit-il froidement. Pendant que tu épousais cette enfant du diable, ses esclaves ont assassinés nos soldats gardant ce lieu ! Et nos armes ont été volés.

Je fronce les sourcils. Ce n'est pas possible. Il devait y avoir une cinquantaine de soldats là-bas, nos meilleurs soldats. Et la princesse est enfermée dans sa chambre, sans contact avec l'extérieur... elle ne peut pas leur avoir donné l'ordre.

- Je connais la solution pour avoir la réponse à mes questions, dit-il en se levant.

- Qu'est la solution ?

- La torture. Personne ne peut y résister, surtout cette femme.

Il s'avance dangereusement vers la porte, et je m'interpose. Père ne pense jamais à long terme. Il veut toujours exécuter ses ordres sur le champ, sans jamais réfléchir à de meilleures solutions.

J'ai horreur de cela.

- Vous ne la toucherez pas, dis-je d'un ton sec. J'ai encore besoin d'elle pour une mission, alors vous ne la toucherez pas.

- À qui penses-tu donner des ordres ?!

- Je ne vous donne aucun ordre, votre Majesté. Dis-je en le défiant du regard. Je dis simplement qu'elle m'est utile. Vous avez promis de ne pas vous mêler de cette situation, alors tenez votre promesse jusqu'au bout.

Je sens le regard de Sardor sur nous. Il est du même avis que mon père, je le sais bien... Mais il ne dit rien, au nom de notre amitié. Si nous torturons la princesse maintenant, à quoi a-t-il servit de l'épouser ? Je n'ai pas passé plus d'un mois avec elle, pour que tous mes efforts n'aient servis à rien.

- Je suis certain que ces vols d'armes ne datent pas d'hier... Dit-il. Cette enfant du diable est sûrement au courant, elle a sûrement donné l'ordre avant de venir ici.

- Même si elle l'a fait, elle a perdu la mémoire. Comment voulez-vous la faire parler ? Lui demandé-je. Admettons qu'elle nous ait menti, qu'elle se souvienne de tout, pensez-vous vraiment qu'elle parlera sous la torture ? Si elle est venue jusqu'ici, qu'elle a fait semblant de perdre la mémoire et qu'elle m'a épousé, moi, son ennemi, croyez-vous vraiment qu'elle vous donnera les informations que vous voulez ? Je reconnais ici une femme prête à mourir pour son royaume, alors tout ce que vous obtiendrez d'elle, c'est sa mort. Rien d'autre.

- Je te le dis, si tu ne fais pas ce que je te dis... Tu seras la cause de la chute de notre royaume. Me prévient-il. Étant mon héritier, tu es assez intelligent pour agir seul ; mais sache que si elle détruit notre royaume, ni moi ni nos ancêtres ne te le pardonnerons. Compris ?

Je soupire et acquiesce.

- Laissez-la quelques jours, puis je ferai intervenir un médecin pour fouiller ses souvenirs à l'aide de la magie noire. Dis-je froidement. D'ici là, n'intervenez pas. Je protégerai notre royaume, à tout prix... Vous me connaissez, je suis prêt à tout, même à sacrifier des vies innocentes, si cela me permet d'atteindre mes fins.

Il semble être convaincu, car il n'a rien dit de plus. Je ressors alors de son bureau, la tête pleine. Je sais ce que je dois faire, et j'ai tellement de plans... Mais je ne peux pas faire grand chose avant d'avoir la pleine confiance de cette femme. Ce n'est pas grave, je sais être patient. Toute cette attente en vaudra la peine à la fin.

L'ombre écarlateWhere stories live. Discover now