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Il s'est dirigé vers moi, lentement, comme s'il était un prédateur et que j'étais une proie prise au piège. Une proie qu'il dégustera avec délectation, s'il en a l'occasion.

- Que fais-tu ici ? Lui demandé-je.

Je sens le danger émaner de lui, je recule donc sans me retourner, gardant les yeux sur lui jusqu'à ce qu'un arbre me bloque. J'allais m'enfuir et partir, ne sachant pas ce qui lui prenait, mais il m'a coincé entre ses bras.

- Je t'ai cherché et je ne t'ai pas trouvé, dit-il. Puis je t'ai entendu, et je t'ai vu... danser.

Je sens mon cœur prêt à bondir hors de ma poitrine, qui ne cesse de se soulever, alors que son corps était si proche du mien. J'ai levé la tête pour continuer à le regarder dans les yeux, afin de lui montrer que je n'avais pas peur, et tout ce qu'il a fait, c'est pencher sa tête vers le bas pour qu'elle soit plus proche de la mienne.

- Della, soupire-t-il, quand es-tu devenue aussi... belle ?

- ... Tu as encore de la fièvre ? Demandé-je en essayant de m'éloigner de lui. Cela doit être la pluie, viens. Nous allons retourner à l'intérieur.

Nous étions trempés. Son torse est visible à travers sa chemise, et j'espérais que ce n'était pas le cas pour moi également. Je savais juste que la robe était collée à ma peau, bien plus qu'avant. Et autant cela ne m'aurait pas dérangé avant, autant maintenant cela me dérange. Je me sens... gênée. J'ai envie de me cacher.

- Tu es trop près, murmuré-je.

Comme la dernière fois, il pose sa tête sur mon épaule, près du creux de mon cou, me permettant de sentir son souffle chaud sur ma peau. Il n'est pas malade, il va bien. Pourtant, c'est comme s'il ressentait une envie qu'il ne peut refouler, qu'il a besoin d'agir. Est-ce de l'attirance ? Si c'est le cas, il me voit enfin. Il me voit comme une femme, avant tout. Une belle femme, qui plus est.

- Fais donc quelque chose, dit-il, ses lèvres chatouillant ma peau.

Il relève sa tête à nouveau vers moi. Combien d'hommes ai-je séduis... pourtant, je ne peux bouger face à lui. Il penche la tête sur le côté et plonge sa main dans les mèches de mes cheveux et y enroulent quelques-unes à ses doigts.

Sa fascination, ou fixation, sur mes cheveux est assez étrange.

- J'avais pensé... commence-t-il doucement. J'avais pensé à te tuer, là, maintenant... afin de mettre fin à ses voix dans ma tête et enfin me reconnaître.

- Et que t'a-t-il empêché de le faire ?

Il presse son corps contre le mien, ne me laissant plus aucune issue. Je peux me défaire de lui, je veux simplement voir jusqu'où il est prêt à aller.

- Pour cela...

Et sans hésitation, en l'espace de quelques secondes, ses lèvres trouvent les miennes. Ce n'est pas la première fois, me dis-je. Cependant, c'est tout comme. Cette fois, il pose ses mains sur chaque côté de mon visage, et ne se contente pas de simplement poser ses lèvres sur les miennes.

Ses lèvres se pressent contre les miennes avec une intensité inattendue, et cette fois, je ne résiste pas. Un frisson parcourt mon échine alors que je me laisse emporter par la passion de son baiser. Contrairement à la première fois, ses lèvres sur les miennes ne me paraissent ni forcées ni désagréables. Au fond de moi, je m'y attendais probablement dès lors que je l'ai vu ici, me fixant avec une expression étrange.

Après un instant, il s'éloigne de moi, brisant le baiser, reprenant un souffle rapide et haletant. Il me regarde comme s'il voulait juste goûter à mes lèvres, mais comme un enfant qui déguste des friandises pour la première fois, il ne semble pas en avoir eu assez.

- Tu...

Il ne me laisse pas continuer ma phrase, ses lèvres rencontrant à nouveau les miennes, cette fois avec une intensité que je n'aurais jamais cru qu'il puisse avoir à mon égard. Même si je le détestais, je ne pouvais pas m'empêcher de l'embrasser avec autant d'intensité.

Si son premier baiser était doux, et ne faisait que goûter légèrement mes lèvres, celui-ci me donne l'impression qu'il en veut toujours plus. Sa main a attrapé les miennes, et a soulevé mes bras au-dessus de ma tête, tandis que son corps se presse davantage contre le mien.

D'un côté, je suis consciente de la folie de cette situation, du fait que je suis en train d'embrasser celui que je devrais haïr. Mais de l'autre, je ne peux m'empêcher de penser que cela est nécessaire pour qu'Azref soit de mon côté sans le vouloir. Si c'est en sacrifiant mon corps que j'obtiendrais ce que je désire, alors soit.

- ... Serez-vous fier de moi, peu importe la façon dont je me vengerai ? Lui demandé-je. Ne serez-vous jamais déçu de moi ?

- La fin justifie les moyens, Della, alors fais ce qui te semble juste. Je serais toujours fier. Me dit le Grand Roi en souriant.

Ma bouche se fond avec la sienne, sa langue caressant délicatement la mienne, explorant chacun de ses recoins, tandis qu'il glisse sa jambe entre les miennes afin de m'immobiliser. Jamais je n'ai ressenti le corps d'un homme aussi près du mien, et cela éveille en moi une sensation étrange... Une émotion au-delà de la haine. Existe-t-il un sentiment plus fort que la haine ?

Il se retire de mes lèvres, me permettant de reprendre mon souffle, tandis que nous sommes tous les deux haletants.

- POUR INIMIA ! VIVE LA RESISTANCE ! VIVE LA LIBERTE ! VIVE LE GRAND ANCIEN ROYAUME !

Je pensais qu'il allait enfin s'éloigner, mais au lieu de cela, il se tourne vers mon cou, y laissant une traînée de baisers, m'incitant à pencher la tête en arrière pour lui laisser plus de place. Je sais très bien où cela va mener...

- Tu vas devoir t'agenouiller devant moi, et me prêter allégeance, à moi et au royaume d'Althea.

- Della... Murmure-t-il, contre ma peau.

Ses mains agrippent mes jambes fortement, je me mords les lèvres afin de ne lui donner aucun indice de ce que je ressens au fond de moi.

Son mari la tenait, l'empêchant de tomber, son regard était vide. La reine, elle, le regardait se sentant trahis.

Il l'avait poignardé.

- Pourquoi... ? Murmure-t-elle.

Face à tant de pensées négatives me viennent, j'ai inconsciemment repoussé Azref. Malgré le fait que je me laissais faire pour mon Royaume, je ne peux m'empêcher de me sentir mal. Je ne peux m'empêcher de me sentir traitre.

- C'était une erreur, soufflé-je. Cela ne se produira plus jamais.

Et sur ces mots, je le laisse en plein milieu de la forêt sous la pluie, et retourne dans le château. Mes joues s'enflamment rien qu'en pensant à ce que je faisais, à ce que je ressentais... Si je devais faire face au Grand Roi, à la Grande Reine, ou à n'importe qui de mon peuple, je ne pourrais les regarder dans les yeux.

Le diable m'a souillé.

L'ombre écarlateWhere stories live. Discover now