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Azref est revenu de, je suppose, la ville où ils ont "punis" mon peuple. Il est directement venu dans ma chambre, confirmant les paroles du Grand Roi. Ils me testent. Tous. Ils ne me font pas confiance, leurs actions ne sont que logiques donc.

Cependant, Azref ne m'a trouvé qu'assise sur le sofa, lisant un livre.

- Les servantes m'ont signalés que tu leur as demandé de te laisser seule, encore une fois. Remarque-t-il.

- Je n'aime pas être épiée dans tout ce que je fais, lui répondis-je. J'aime avoir du temps pour moi-même. Ou n'ai-je pas le droit ?

- Tu en as tout à fait le droit. Je disais cela pour ta sécurité.

Pour m'espionner. Pour savoir ce que je fais quand tu n'est pas là.

- Enfin, nous célébrons ce soir, me dit-il en souriant. Cela sera entre nous, mais nous célébrons tout de même.

- Bien. Je me préparerai comme il le faudra. Lui dis-je simplement.

- Ne me demandes-tu pas pour quelles raisons nous célébrons ? Me demande-t-il.

Je ne le sais que trop bien. Je le regarde, l'air confuse.

- N'est-ce pas pour notre mariage ? La date est proche. Répondis-je, les sourcils froncés.

- Et bien, cela pourrait être pour cela également, mais la principale raison est pour la victoire de Sardor sur le champ de bataille. Nous n'avons pas célébré sa victoire. Et aujourd'hui, nous avons arrêtés la majorité des terroristes dans les villes proches. M'explique-t-il.

- Oh, je vois. Dans ce cas, il est vrai qu'une célébration s'impose.

Il acquiesce, le sourire aux lèvres, puis il s'assoit à mes côtés. Il jette sa tête en arrière, l'air fatigué. Est-ce si fatiguant d'oppresser des gens, voleur de terres ?

- Des sujets de notre Royaume se sont avérés être des traîtres. Ils souhaitent notre destruction en désirant le retour de l'Ancien Royaume, dit-il en soupirant. Nous avons dû les punir, et prendre leurs enfants... Qu'ils soient sauvés de la mauvaise influence de leurs parents, au moins.

Je sens son regard sur moi, un regard lourd et insistant. Je ne flancherais pas. Je ne te donnerais pas ce que tu désires. Je ne te donnerais pas l'occasion d'utiliser le poignard, près de ta main. 

- L'Ancien Royaume ? N'est-ce pas ce qu'était le royaume d'Inimia et Althea, avant ? Lui demandé-je innocemment. Je l'ai lu dans les livres. 

- Tu apprends rapidement, dit-il, quelque peu sans émotion. Tu as raison, ma chère. Je présume que tu as compris à quel point la renaissance de ce royaume est une mauvaise idée, compte tenu du règne tyrannique de son roi. 

Oh. Ils ont également réécris l'histoire de l'Ancien Royaume, n'est-ce pas étonnant. Le règne le plus pacifique que la terre ait connue est devenu le plus tyrannique, selon eux. Les Hommes détestent véritablement la paix.

- Mais je commence à penser que j'y suis allé trop doucement... Je n'ai pas puni les jeunes opposantes. Dit-il, commençant à s'en rendre compte. Je vais probablement les exécuter. Qu'en dis-tu ? Ce seront leurs frères dans l'armée qui se chargeront de cette exécution.

Cela me donne des sueurs froides. Des frères et sœurs forcés de s'entretuer ? Bien trop cruel pour moi, mais peu surprenant. Ils l'ont déjà fait, il y a quelques années. Ils ont contraint un frère à tuer sa propre sœur et son petit frère, puis il s'est tiré une balle dans la tête peu de temps après.

- Je ne m'apitoierais pas sur leur sort, cependant cela donnera une mauvaise image de notre Royaume, répondis-je, de façon composé. Mais enfin, tu sais ce qui est le mieux pour notre royaume, tu es le dirigeant.

- Je n'y avais pas pensé... l'image de notre Royaume, dit-il, semblant se perdre dans ses pensées.

Sa main s'éloigne du poignard, me confirmant que j'ai bien maîtrisé mes émotions. Parfait. Azref cligne des yeux plusieurs fois, avant de se tourner vers moi soudainement.

- Ai-je bien entendu ? Me demande-t-il. Tu... Tu viens juste de me tutoyer, c'est nouveau.

- Tu le fais tout le temps, je me suis dit qu'il était temps que je te tutoie à mon tour. Dis-je en haussant les épaules.

Je le regarde, le défiant d'être contre. Quand je sentais que mes pensées commençaient à s'éloigner, je regardai mes mains, où le Haut Roi était agenouillé, les tenant. Ne pense pas. Ne pense pas, Della.

- Tu ne sembles plus me haïr. Dit-il, calmement.

- C'est le cas, le contredis-je. Je te déteste, mais je choisis de rester courtoise. Je peux t'insulter à chaque fois que je regarde ton visage si tu préfères, mais ce n'est pas digne d'une dame. Et cela ne convient certainement pas à la future épouse d'un prince.

Il me sourit, mais aucune émotion ne transparaît sur son visage. Ni haine, ni bonheur, ni tristesse, rien. C'est un homme étrange, qui ne ressemble à personne dans ce palais. Pas même à son père. Tous deux sont des démons, mais son père semble plus prévisible que lui. C'est sans doute ce qui le rend plus dangereux, et plus difficile à affronter.

Cela aurait pu être plus facile si j'avais épousé son père, car il n'a pas l'air d'un homme avisé... Cependant, si quelque chose devait se produire après notre mariage en tant que mari et femme, je ne peux pas imaginer le dégoût que j'aurais ressenti. Cela me donne envie de vomir.

Madame aurait pu m'envoyer vers lui pour l'épouser juste pour cette raison.

- C'est certainement mieux ainsi, dit-il à voix basse.

Pour moi et pour toi. L'amour est probablement l'émotion la plus compliquée à feindre, particulièrement lorsque le cœur ne connaît rien d'autre que la haine. Peut-être qu'à un moment donné, je devrai faire semblant pour gagner sa confiance, mais je dois la bâtir avant. Bâtir un fondement solide, si solide que je peux me permettre de faire des erreurs.

Est-il possible de construire tout cela en quelques mois ? Voire moins.

Plus vite je gagnerai sa confiance, plus vite je rentrerai chez moi. Et j'emporterai avec moi la victoire et la liberté dont j'ai toujours rêvé.

- Enfin, il ne convient pas que je reste longtemps avec toi, à moins que nous ne soyons mariés. Je vais me remettre au travail, appelle ta servante si besoin est, dit-il en se levant. Ne fais rien d'imprudent et ne quitte pas cette pièce, j'ai des invités.

J'acquiesce et il s'en va. En effet... Ses invités ne devraient pas me voir, puisque mes cheveux trahissent mon identité. Mais je me demande bien qui ils sont. Je ne pense pas qu'il s'agisse de quelqu'un d'Inimia, ils ne viendraient jamais dans ce palais, ni nulle part à Althea d'ailleurs.

Je soupire. Plus que deux semaines et je pourrai quitter cette maudite chambre.

L'ombre écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant