41.

58 6 0
                                    

Le jour des funérailles est arrivé.

Le cercueil est déjà là, prêt à être enterré. Son amant a souhaité qu'elle ne soit pas enterrée dans un cimetière, mais dans son jardin préféré. Azref s'est assuré d'exaucer son souhait et de sécuriser cet endroit pour qu'elle puisse reposer en paix.

J'ai l'impression que je ne devrais pas être là, mais malgré tout, je ne montre rien. Je me réfugie simplement derrière cette robe noire et ce visage dépourvu d'émotion. Dans ma tête, je ne vois que sa détresse devant mes yeux. Elle était si jeune.

L'enterrement a été la partie la plus difficile. Nous étions tous silencieux, même son amant. Il ressemblait à un homme perdu. Je les déteste peut-être tous, mais je ne suis pas aussi cruelle. Je sais très bien ce que cela fait de perdre sa moitié, je l'ai vu chez mon père.

- Rejoins ton père, mon amour... ton héros, dit-il d'une petite voix. Je te promets que je réaliserai ton rêve... Pour toi, Inimia sera à nous.

Dès que ces mots ont quitté sa bouche, toute la culpabilité que j'ai ressentie a quitté mon corps, ne laissant rien d'autre que cette volonté de vengeance, ce goût de haine qui n'aurait jamais dû quitter mon cœur.

Je reste immobile, regardant son cercueil, ne ressentant plus rien. J'aurais préféré qu'il ne dise pas cela, qu'il le garde pour lui-même... Et cela ne semble déranger personne ici, à part moi. Au contraire, ils ont l'air d'en être... émus. Comme si la prise d'Inimia était sa dernière volonté.

C'était probablement le cas, je suppose.

- Il est temps de présenter nos condoléances, me dit Azref.

J'acquiesce et me lève avec lui et les autres. En tant que prince, il devait naturellement être le premier à s'approcher du jeune garde. J'étais légèrement derrière lui, peu enclin à m'approcher de ces gens.

Mais le regard du garde, l'amant de la défunte, croise le mien. À ce moment-là, ses yeux, qui étaient auparavant remplis de chagrin, s'assombrissent de colère. Il est l'un des rares, comme tout le monde ici, à me connaître, puisqu'ils travaillent au palais.

- Vous... !

Il s'approche dangereusement, comme s'il allait me frapper, mais il ne fait que me serrer les bras. Il les serre tellement fort que je commence à ressentir de faibles picotements de douleur, mais pas assez pour qu'elle se lise sur mon visage.

- Comment oses-tu venir ici ? Crie-t-il. Elle s'est probablement suicidée, préférant mourir plutôt que de servir une femme au sang sale ! Diable humain ! Comment oses-...

Il continuait à déverser ses inepties, et je ne cessais de le fixer dans les yeux, sans émotions. J'attendais qu'il fasse plus que parler, j'attendais qu'il essaie de lever la main. Et il l'a fait. Mais avant qu'elle ne puisse toucher ma peau, Azref s'est interposé entre nous et l'a saisie par le poignet.

- Ne touche pas à ma femme, dit-il d'une voix menaçante.

Le garde me regardait avec une rage indescriptible. Même en croyant qu'elle a mis fin à sa vie, il m'en tient pour responsable. Je ne l'ai pas tuée. Je l'ai peut-être vue mourir, mais je ne l'ai pas tuée. Et cela, bien entendu, personne ne le sait... alors ils n'ont aucune raison de me blâmer. Aucune.

- Je comprends, tu souffres, tu as besoin de mettre le blâme sur quelqu'un... alors je laisserai passer pour cette fois, mais n'oublie jamais que ma femme deviendra la prochaine Reine de ce Royaume, à mes côtés. Dit-il, la voix toujours froide. Réfléchis à tes actes.

Il ne me regarde plus, il se tourne vers Azref, l'air misérable.

- S'il vous plaît, votre Altesse... vous comprenez pourquoi je ne supporte pas de la voir en ce moment, n'ajoutez pas à mes souffrances, s'il vous plaît.

Azref me regarde, mais il n'a pas l'air suspicieux ou quoi que ce soit d'autre. Il laisse le garde m'emmener loin de lui et me cache dans son dos.

- Bien, allons-y, dit enfin Azref. Je te donne une semaine de congé, et après cela, j'attends que tu t'excuses auprès d'elle.

Le garde n'était pas content, et j'étais surpris. Azref m'emmène avec lui et nous quittons le jardin secret. Je remets ma cape, cachant mes cheveux, avant de monter dans la calèche. Azref rentre à l'intérieur, ferme la portière puis demande au cocher de se mettre en route.

- Tu n'avais pas à me défendre là-bas, lui dis-je. J'aurais pu le faire moi-même.

- Il était sur le point de te frapper, pourquoi n'as-tu rien fait ? Demande-t-il. C'est un soldat entraîné, même s'il a l'air assez jeune.

- J'étais sur le point de l'arrêter, dis-je pour ma défense. Je suppose que tu voulais passer pour le bon époux qui défend sa pauvre demoiselle en détresse.

- Tu veux que je te dise, Della, tu as tout à fait raison.

Je pensais qu'il allait débattre davantage, or il ne l'a pas fait. Il s'est simplement incliné vers moi, et sa grande silhouette m'est apparue telle une ombre me recouvrant entièrement. Il me fixe intensément, jusqu'à ce qu'un sourire en coin apparaisse sur son visage. C'est bon. C'est ma chance. Je me donne l'air d'être perturbée par cette proximité, ce qui semble le satisfaire.

Veut-il véritablement jouer à ce jeu ?

Si c'est le cas, il vient tout bonnement et littéralement de me donner dans la paume de mes mains tous mes désirs. Il entame un jeu que les hommes, aussi faibles soient-ils, ne pourront jamais gagner.

- Je veux que tout le monde voie, sache comme je te protège... comme tu es frêle, comme tu es faible, comme tu as besoin de moi...

Je me rapproche délibérément de lui, je ne comprends pas son changement soudain, la raison pour laquelle il cherche soudainement à être aussi proche de moi alors qu'il y a quelques jours de cela, il en éprouvait une telle répulsion. Il pourrait vouloir me tenir entre ses doigts.

- Mais je ne le suis pas, et tu le sais que je ne le suis pas, dis-je froidement, tout en conservant le même ton joueur que lui. Si je le souhaitais, je te traînerais dans les profondeurs de l'enfer, et tu t'y rendrais de ton plein gré. C'est dire à quel point tu es faible.

Il recule, souriant et riant légèrement. Bien. Laissons-le tenter sa chance, il réalisera tôt ou tard que je suis la maîtresse du jeu.

L'ombre écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant