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Je regarde la princesse d'Inimia du coin de l'œil, elle ne semble pas comprendre le danger dans lequel elle se jette. Si sa perte de mémoire est permanente, cela me sera bénéfique, elle ne saura jamais qui elle est et ne comprendra même pas qu'elle est utilisée comme arme contre sa propre famille.

- Sommes-nous encore loin ? Me demande-t-elle.

Cependant, cela pourrait être un coup monté. Ses premiers jours dans le royaume seront très étroitement surveillés, sa liberté sera réduite, jusqu'au moment fatidique. Parfois, je testerais sa véritable nature. Un brin de suspicion et elle perdra la vie.

- Nous sommes à quelques pas du palais, garde tes cheveux couverts. Lui dis-je.

Elle hoche la tête, tenant sa capuche à la main. Nous allons traverser le royaume jusqu'au palais, et je ne suis pas dupe. Je sais bien qu'il y a des espions partout. Le royaume d'Inimia ne doit jamais savoir que leur princesse est ici.

Cette opportunité ne se représentera pas une seconde fois.

- Quel est votre nom, d'ailleurs ? Me demande-t-elle.

- Pourquoi le demandes-tu ?

- Et bien, vous prétendez être mon fiancé. Me répond-elle. Je pense que j'ai le droit de le savoir, ai-je tort ?

Je fixe le vide un instant, je viens de me rendre compte que je ne connais pas son prénom non plus. Généralement, les familles royales se reconnaissent de par leur titre ; jamais leur nom.

- Azref. Je m'appelle Azref. Lui répondis-je. Cela te semble-t-il familier ?

- ... Non. Dit-elle après un moment de réflexion. C'est la première fois que j'entends ce nom.

Je hoche la tête. Qu'elle le mémorise, cela sera le dernier nom qu'elle hurlera lorsqu'elle réalisera qu'elle a mis fin à sa propre dynastie, et qu'elle est sur le point de perdre la vie.

- Nous sommes arrivés, l'informé-je. Tu ne rencontreras personne pour le moment. Cependant, si jamais mon père venait à te rencontrer, reste sur tes gardes.

- Pour quelles raisons ?

- Il ne t'aime pas.

J'imagine déjà sa réaction lorsqu'il apprendra que la princesse d'Inimia est dans notre palais, vivante. Ma prétendue fiancée, future épouse.

J'entre dans le palais, et les gardes à l'entrée s'inclinent. C'est bien la première fois dans l'histoire qu'une membre de la famille royale d'Inimia pose les pieds sur les terres d'Althea. Encore plus, en étant assujettie.

- C'est ici que vous vivez ? Demande-t-elle, les yeux écarquillés.

- Mhm. Impressionnant, n'est-ce pas ?

Elle lève la tête, regardant autour d'elle avec un regard rempli de stupéfaction, d'admiration. Soudainement, son regard se fige sur un tableau. Je n'y avais pas pensé. Elle ne bouge plus, alors je prends ma dague en main, prêt à la sortir.

- Ce tableau... que représente-t-il ? Me demande-t-elle, curieusement.

- Notre guerre d'indépendance.

Le grand tableau orne l'entrée du palais, rappelant à chacun notre victoire, notre grandeur. Nous nous tenons au dessus du centre-ville avec notre drapeau, et des cadavres des soldats d'Inimia sont représentés sous nos pieds, leurs drapeaux en main, un drapeau déchiré, détruit, un drapeau qui n'a pas pu s'élever.

- Tu sembles très... intriguée. Lui dis-je. As-tu déjà vu ce tableau ?

- Je... je ne sais pas, il me semble familier mais je n'ai aucune idée de ce que c'est ou ce qu'il représente, dit-elle, les sourcils froncés. 

Je contemple la princesse, mon esprit évaluant ses paroles avec suspicion. Je range à nouveau ma dague, et m'avance sans dire un mot. Elle me suit, et je sens son regard parcourir le palais. Je n'aurais pas dû l'amener avec moi, j'aurais dû mettre fin à sa vie et envoyer son corps à sa famille comme message. 

Arrivé à sa chambre, j'ouvre la porte et la fait rentrer avec moi. Elle n'est pas prête, puisque je n'avais aucunement l'intention d'amener une quelconque femme ici. Cela fera l'affaire pour le moment.

- C'est ma chambre ? Demande-t-elle.

J'acquiesce, je regarde les alentours m'assurant qu'il n'y est rien qu'elle puisse se servir d'armes.

- Je vais devoir te demander une chose, et tu ne pourras me refuser. Lui dis-je.

Son visage se raidit. Elle a peur de moi, ou peut-être est-ce de la méfiance.

- Quelle est votre demande ? Me répond-elle.

- Tu vas devoir t'agenouiller devant moi, et me prêter allégeance, à moi et au royaume d'Althea.

Elle lève le regard sur moi. Donne-moi un nom, donne-moi un nom que je puisse poser sur ce visage, donne-moi un nom qui me permettra de voir la sincérité derrière tes yeux.

- Je ne vous connais pas, dit-elle, je ne prêterais pas allégeance à un inconnu.

Je m'approche d'elle, dague à la main, la voyant se replier sur elle-même. Elle fait quelques pas en arrière, manquant de trébucher.

- À genoux, répété-je. Je n'aime pas me répéter, chère fiancée, alors je te conseille de m'obéir. À genoux.

Voyant qu'elle ne bouge toujours pas, je l'attrape par le bras impatiemment et la tire par terre. Ses genoux touchent violemment le sol, mais je ne la relâche toujours pas.

- Tu ne sortiras pas de cette chambre, dis-je froidement, jusqu'à ce que j'obtienne ce que je veux.

Elle me regarde d'un air de défi, mais également de méfiance. Si elle a véritablement perdue la mémoire, je dois dire qu'elle n'a pas perdue son esprit.

- Je vous prête allégeance. Dit-elle rapidement.

- Recommence. Dis-je. Cela n'est pas correct. Ton nom, à qui prêtes-tu allégeance ?

- ... Moi, Della, je prête allégeance au prince Azref, et le royaume d'Althea.

Della. Son nom est Della. Étrange nom. Sa phrase m'a valu un sourire, fier de mon coup. La princesse d'Inimia vient de me prêter allégeance. Je suis fier d'avoir marqué l'histoire avec une première humiliation pour Inimia.

- Parfait.

Je la relâche pour qu'elle se relève enfin. Elle me regarde avec colère... oh princesse d'Inimia, ta haine pour moi est-elle ancrée si profondément en toi pour que tu ne puisses pas l'oublier ? Ou tentes-tu de me tromper ?

- Je vais m'entretenir avec mon père, la prévené-je. Tu peux découvrir ton appartement en attendant, tant que tu ne sors pas à l'extérieur.

Sans lui laisser le temps de répondre, je sors de son appartement et pour avoir l'esprit léger, je ferme la porte à clé. Si quiconque dans le palais voit une femme à la chevelure argenté, elle n'en sortira pas vivante. Et pour le moment, l'avoir vivante me profite bien.

L'ombre écarlateWhere stories live. Discover now