Chapitre 48-1

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Heureusement, autant qu'étrangement, nous ne croisâmes aucun éveillé tout le temps que dura notre course. Le trajet relativement court, me sembla néanmoins interminable compte tenu des enjeux et de mon état de fatigue. J'étais passé en mode automatique et me contentais de suivre Gabe. Soudain ce dernier stoppa net et s'accroupit dans le même mouvement. Sans réfléchir, je l'imitai. Mes genoux cognèrent durement sur le sol caillouteux, mais ce que je vis me distrait suffisamment pour me faire oublier la douleur momentanée.

Nous nous trouvions à l'angle d'un bâtiment rectangulaire, protégés par son ombre massive qui nous dissimulait à la vue de la dizaine d'éveillés qui grouillaient autour d'un petit édifice circulaire. Ce dernier, hormis une porte en acier rouillé qui ne tiendrait plus longtemps sous les coups et les assauts désordonnés mais répétés des monstres, n'avait aucune autre ouverture. Si nos amis étaient à l'intérieur, ils étaient piégés comme des rats !

— Il n'y a pas une autre entrée ?

— Josef ne m'a indiqué que celle-là et quelque part, j'espère qu'il a raison, me répondit-il dans un chuchotement inquiet. Parce que si les éveillés ont trouvé un autre moyen d'entrer...

Je ne dis rien, cherchant frénétiquement une idée, une solution, n'importe quoi pouvant nous sortir de cette impasse. Les attaquer à coup de seringues emplies de mon sang n'étant pas du tout réaliste, j'écartai l'idée aussitôt qu'elle effleura mon esprit. Mais le simple fait d'y avoir penser, montrait à quel point j'étais désespérée ! La meilleure option aurait été de me téléporter à l'intérieur, mais sans une visualisation de l'endroit où je devais me rendre, c'était la catastrophe assurée. C'est alors que je sus quoi faire.

— Nous devons trouver un moyen de leur faire comprendre que nous sommes là ! expliquai-je à Gabe d'une voix pressante.

— Pourquoi ? Tu veux qu'ils nous ouvrent de l'intérieur ? Pas sûr que ce soit l'idée du siècle !

— Non, je veux nous téléporter à l'intérieur ! Mais pour ça, j'ai besoin de Rem. Si elle sait que nous sommes là, elle pensera sûrement à utiliser son pouvoir pour me contacter et me dire ce que je dois visualiser.

— Bon plan, mais tu as une idée de comment nous y prendre sans nous faire dévorer ?

Me décalant légèrement, je jetai un nouveau coup d'œil au bâtiment, qui m'apprit que rien n'avait changé hormis deux nouveaux monstres venus grossir les rangs de leurs camarades décérébrés.

— L'un de nous fait diversion et l'autre frappe à la porte ? balançai-je pour plaisanter, tellement j'étais désespérée.

— ça peut se tenter, mais dans ce cas-là, pas besoin de téléportation !

— Je plaisant...

Soudain un terrible froid m'envahit. Je chancelai, m'agrippant au mur pour ne pas m'écrouler. Puis, sans prévenir, Rem apparut devant moi. Éthérée et translucide, sa projection clignotait comme une image mal réglée, mais la terreur qui crispait son visage me parut beaucoup trop réelle à mon gout.

— Venez nous aider, ils sont trop nombreux... Je ne pourrais pas garder la connexion... Au secours ! hurla-t-elle alors que son corps était secoué d'un spasme.

— Vous devez nous ouvrir la porte, ou me donner de quoi me projeter !

— Peux pas... c'est fermé de l'extérieur ! réussit-elle à articuler péniblement. Autre sortie remplie d'éveillés, on est piégé !

— Vite, donne-moi des repères pour me projeter !

— Une salle en béton, carrée, avec...

Un cri déchirant sortit de sa gorge tandis que l'image se fragmentait sous mes yeux. Dans un réflexe désespéré, je tentai de la retenir mais non avec mon corps, avec mon esprit. Je m'accrochai à elle désespérément et sans réfléchir consciemment.

— Gabe ! hurlai-je, en tendant la main vers lui, à l'instant où je sentis la traction familière, me projeter en avant.

Il me sembla sentir une traction sur mon bras, mais je n'eus même pas le temps de me demander si Gabe avait bien attraper ma main, que j'atterrissais sans douceur sur un sol en béton très peu accueillant. Le grognement sourd qui retentit à mes côtés me rassura sur le fait que Lynch m'avait suivi, mais je n'eu pas le temps de me réjouir. Des grognements bestiaux caractéristiques, ainsi que des coups de feu et une horrible odeur de sang, frappèrent mes sens. Je voulu me relever aussitôt, mais un terrible étourdissement me submergea et avant que je n'aie pu reprendre mes esprits, je sentis des mains puissantes m'attraper le bras. Tandis que mes yeux faisaient difficilement le point, je pus apercevoir les cloques boursouflées qui déparaient la peau de mon agresseur et la peur finit de me réveiller. Je commençai à me débattre, donnant des coups de pieds désordonnés en tous sens. Heureusement l'un d'eux porta et je me retrouvais de nouveau le cul par terre, lorsque mon ravisseur me lâcha brutalement. Ce nouveau choc finit définitivement de me rendre mes esprits, me plongeant pour de bon dans l'horreur de notre situation.

Nous nous trouvions dans une pièce nue et vide ne comportant qu'une seule ouverture. Une porte dans battant par laquelle une horde d'éveillés essayait de nous atteindre. Malgré les tirs de barrage de Connors, debout dans l'un des coins de la pièce, certains avaient réussi à passer et étaient en train de s'en prendre à Rem, qui n'avait rien d'autre pour se défendre que ses mains et sa détermination... et ce ne serait pas assez ! Même si je n'avais pas d'arme, je ne pouvais rester là à la regarder se faire tuer devant mes yeux. J'étais en train de me relever pour lui venir en aide, lorsque la voix de Gabe retentit derrière-moi.

— Hayden, à couvert !

Sans réfléchir je me jetai sur le sol que je venais juste de quitter, tandis que Lynch libérait son pouvoir pour la seconde fois en quelques heures. L'onde d'énergie qui fusa à travers la pièce fut moins forte que la précédente, mais nos adversaires étant affaiblis par le virus, tombèrent comme des quilles, l'un s'écroulant sur Rem et la piégeant sous son poids. Bien consciente que nos adversaires n'étaient pas morts mais seulement assommés pour un temps indéterminé, je m'empressais de me relever. Parant au plus pressé, je me précipitai vers Remeï et empoignant l'éveillé par les bras, le virai sans ménagement.

— Tu as une arme ? demandai-je précipitamment à Rem, qui me fixait sans vraiment me voir, certainement en état de choc.

— Tiens ! Attrape ! me cria Connors en me faisant glisser une dague sur le sol, tandis qu'il achevait l'un des monstres d'une balle dans la tête.

Comme en pilote automatique j'avançai de deux pas, me saisis de l'arme, me retournai et sans aucune hésitation l'enfonçait dans droit dans le cœur de la créature. Cette dernière tressaillit sous le coup porté et l'espace d'une seconde je la vis réellement pour ce qu'elle était, un être vivant... un être humain qui plus est ! L'horreur et la nausée m'assaillirent, mais je ne me dérobai pas pour autant et alla au bout de mon geste. Ce n'est qu'une fois le dernier soubresaut nerveux terminé, que je me laissai glisser sur le sol, submergée par la brutalité et la réalité de mon geste. C'est en reculant machinalement le plus loin possible du cadavre que je buttai contre Lynch. Ce dernier, terrassé par l'épuisement après avoir dû utiliser son pouvoir deux fois en si peu de temps, était toujours prostré au sol, à demi-inconscient. Mon inquiétude pour lui passa outre à mon état de choc et je lui pris la main. C'est à cet instant que je me rendis compte que le couteau ensanglanté n'était plus dans ma main, mais dans celle de Connors, qui achevait les derniers éveillés, un éclat sombre, rageur et inquiétant brillant au fond de ses prunelles.


Virgin Territory-Isolated System Tome 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant