Chapitre 44-1

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Lorsque j'émergeai de nouveau ma migraine avait cessé et mon corps, bien que courbatus, me faisait déjà moins souffrir. Deux bonnes nouvelles que je pris pour ce qu'elles étaient, un soulagement momentané plus que bienvenu.

Je ne pris conscience du corps chaud étendu près du mien que lorsque je tentai de bouger. L'adrénaline fusa immédiatement dans mes veines avant que mon cerveau n'ait le temps d'analyser la couleur ébène des cheveux frôlant mon épaule, ainsi que l'odeur brute, entêtante et caractéristique de Lynch. Pantelante, je me laissai retomber sur le matelas, laissant mon cœur retrouver un rythme plus régulier, tandis que je laissai mon regard explorer le corps détendu de Gabe.

Il dormait, étendu sur le côté gauche, dos à moi. Son sommeil devait être profond car, serrés comme nous l'étions sur le matelas petit et fin que nous partagions, mes mouvements auraient dû le réveiller. Un instant décontenancée par sa présence si près de moi, je restai immobile, laissant le son de son souffle lent et régulier me bercer.

Avions-nous échoué ? Le monde tel que nous le connaissions était-il voué à disparaître ? Qu'était devenus les autres ? Blake et nos amis étaient-ils toujours vivants ? Toutes ces questions m'assaillaient, tournant en boucle dans mon esprit stressée, m'empêchant de me détendre et de me reposer. J'étais sur le point de me lever, trop anxieuse pour rester en place, lorsque Gabe remua. Lentement il se tourna et se mit sur le dos tandis, qu'il ouvrait les paupières. Son regard ensommeillé se posa sur moi et ses yeux s'écarquillèrent de surprise et de gêne.

— Vraiment désolé Hayden ! Je me suis juste assis à ton chevet, je ne comptais pas m'endormir, s'excusa-t-il aussitôt en se redressant brusquement pour s'éloigner de moi.

— Non, ne t'inquiète pas, aucun problème, lui certifiai-je en le retenant d'une main sur son bras. Prends-moi dans tes bras, lui demandai-je sans réfléchir, ressentant un soudain besoin de chaleur et de réconfort

Il stoppa son mouvement de repli et me fixa d'un regard un peu perplexe et interrogateur.

— Qu'est-ce qui ne va pas ? me demanda-t-il en m'enlaçant doucement, comme s'il avait peur que je le repousse.

Ce que j'aurais fait sans le moindre doute il y avait encore quelques jours, mais trop de choses s'étaient produites entre temps. Trop de malheurs, trop de morts, trop de tout ! J'avais juste besoin du réconfort de quelqu'un auquel je tenais.

— Franchement, qu'est-ce qui pourrait aller ? demandai-je d'une voix étouffée, ma tête nichée au creux de son cou.

— ça ne te ressemble pas d'être aussi défaitiste, s'étonna-t-il en resserrant doucement son étreinte.

— J'ai peut-être juste besoin d'entendre que tout va bien se passer... même si c'est faux.

— Quoi qu'il advienne, nous aurons fait de notre mieux, me dit-il d'une voix douce et raisonnable en m'éloignant légèrement de lui, histoire de pouvoir me regarder dans les yeux. Et puis, tout n'est pas encore perdu. Hector va peut-être découvrir ce qui cloche avec le transformateur du champ de force.

— Tu sais où il se trouve ? Nous pourrions aller les rejoindre ?

— Pas pour le moment. Le jour va bientôt se lever, ce serait trop risqué de s'aventurer au milieu des éveillés sans la protection de la nuit, nous allons devoir attendre. Ça te laissera le temps de récupérer toutes tes forces.

Ils n'étaient toujours pas revenus, compris-je sentant un poids comprimer ma poitrine. Avaient-ils au moins réussi à atteindre le générateur ? Étaient-ils coincés là-bas ? Ou quelque chose de pire et de plus définitif s'était-il produit ?

— Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?! m'écriai-je au bord des larmes en me dégageant de son étreinte. Je n'arrête pas d'imaginer le pire ! J'ai beau essayer de me dire qu'il y a encore un espoir...

— Hayden, tu es seulement épuisée. Attends !

Il se leva aussitôt et alla récupérer un sac à dos posé au sol dans un coin de la pièce, avant de revenir vers moi.

— Mange ça, me dit-il en me tendant un sandwich légèrement écrasé. La femme de Sean me les a donnés lorsque je suis parti. Tu te sentiras déjà un peu mieux lorsque tu auras mangé quelque chose.

— Elle n'a pas tenté de t'en empêcher ? demandai-je en prenant une première bouchée.

Le pain était dur et sec et la garniture tiède et légèrement flétris, mais dès que la nourriture entra en contact avec mes papilles, je me sentis revivre.

— Au contraire, elle a tout fait pour me faciliter la tâche. Elle est terriblement inquiète pour Sean et était donc bien placée pour comprendre mon angoisse.

— Il ne m'inspire pas confiance, ne pus-je m'empêcher de lui confier alors que je faisais descendre mon dernier morceau de sandwich d'une gorgée d'eau.

— Je pense surtout que c'est un homme aux abois qui essai de sauver les siens. Léna m'a confié, qu'ils ont de plus en plus de mal à repousser les éveillés et que le nombre d'endroit sûr assez grand pour tous les accueillir diminues à vue d'œil. Ils ne savent plus quoi faire.

— A présent que l'on sait que mon sang peut guérir cette horreur, ils...

— Tu ne dois pas le leur dire ! me coupa-t-il d'une voix dure et angoissée.

— Quoi ? Tu plaisantes ?

— Que vont-ils faire à ton avis quand ils vont apprendre que ton sang, et uniquement le tien, est le seul remède connu ? Hayden, s'ils l'apprennent tu ne repartiras jamais d'ici !

Troublée, je me tus, me contentant de l'observer. Il avait peut-être raison, et alors ? Si mon sang permettait de sauver des centaines de vies et de libérer les ruines des infectés, ça en valait le coup, non ?!

— Mais c'est ça la solution ! m'exclamai-je soudain. Gabe, si on parvient à comprendre ce qui ne fonctionne pas sur le champ de protection, on pourra peut-être le faire tenir suffisamment longtemps pour sécuriser la situation ici et ensuite...

Ce fut à son tour de me contempler d'un regard étrange. Pourtant, au fond de moi, une étincelle d'espoir brillait de nouveau. Petite et fragile mais bien là et c'était l'essentiel.

— Peut-être, finit-il par me répondre dans un soupir, même si je sentais qu'il ne le disait que pour me faire plaisir. Nous devrions nous reposer encore un peu, car s'ils ne sont pas revenus au crépuscule, nous devrons aller les chercher.

J'acquiesçai d'un signe de tête, mon épuisement répondant presque pour moi, tandis que je me rallongeais sur le matelas, me positionnant à l'extrême bord pour lui laisser de la place. Il n'hésita qu'une seconde, puis vint se glisser à mes côtés, me prenant dans ses bras. Alanguie dans son étreinte je sentais déjà le sommeil me gagner, lorsque sa main se mit à me caresser doucement le bras. Mues par un besoin instinctif et impérieux, je me retournais pour lui faire face et plongeant mes mains dans ses cheveux, unis mes lèvres aux siennes.


Virgin Territory-Isolated System Tome 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant