Chapitre 38-1

2K 283 43
                                    


Une fois la décision prise et l'alerte lancée, tout s'était déroulé rapidement et dans le calme, comme un scénario très bien rodé et déjà exécuté plusieurs fois. Tout avait été plié avec soin et diligence et empaqueté avant d'être chargé sur de petites brouettes qui restaient ainsi pas trop lourdes à pousser. Le seul instant délicat fut lorsque Josef voulu passer les menottes à Connors. J'avais dû intervenir et lui faire comprendre, que sans cette précaution minime, il ne pourrait pas venir avec nous. Durant un instant, juste avant qu'il ne se laisse entraver les mains dans le dos, j'aurais pu jurer capter une lueur de reconnaissance dans ces yeux, mais l'instant d'après, elle avait disparu.

Nous avions fait tout le trajet passant par des souterrains et des coursives, au centre du convoi, là où ils plaçaient les blessés et les membres vulnérable du groupe. Marcher sous terre, sans avoir où j'allais et entouré d'inconnus m'avait rendu nerveuse et réactivé ma claustrophobie latente. Pourtant, pour Lynch, j'avais résisté à mon envie impérieuse de passer en tête de cortège afin de maîtriser un peu plus la situation et d'avoir un peu d'air. La première heure c'était déroulé sans problème mais bien que nous avancions à une allure d'escargot, Lynch n'avait pas tardé à montrer des signes évidents de fatigue. Malgré mon insistance sur la nécessité de faire une pause, Josef n'avait rien voulu entendre. Son visage fermé et son air anxieux ayant finit de me convaincre, c'est très péniblement que nous avions fini le trajet, un Gabe au bord de la syncope appuyé de tout son poids sur moi.

A la seconde où nous nous immobilisâmes enfin, j'aidai Lynch à s'assoir par terre tandis que le bruit caractéristique de lourdes pierres que l'on déplace résonnait soudain entre les parois instables du tunnel où nous nous trouvions.

— On est enfin arrivé ? me demanda-t-il avec effort, le souffle court.

— On dirait bien.

— Reste en alerte, on ne sait jamais. Vraiment désolé d'être un tel boulet.

— Ne dis pas de bêtises, tu es blessé c'est tout. J'espère vraiment qu'ils avaient une bonne raison pour nous faire faire cette marche forcée, marmonnai-je essayant de distinguer ce qu'il se passait devant nous.

— Vous ne mesurez pas encore la complexité et le danger de la vie ici, me murmura Myna d'une voix essoufflée, une main crispée sur son ventre distendu. Si Josef nous a fait partir maintenant, c'est qu'il n'avait pas d'autre choix.

— Où sommes-nous ?

— A notre base générale, me répondit Josef alors que le convoi se remettait en marche.

J'aidai Lynch à se remettre sur ses jambes et c'est en oscillant entre le soulagement et la méfiance que nous franchîmes l'étroit goulot de pierre servant d'entrée à la cité souterraine. Car il n'y avait pas d'autre mot possible pour décrire ce qui s'étendait sous nos yeux.

Nous nous trouvions sur un aplomb rocheux relativement large dominant une cavité s'étendant tout en longueur jusqu'à un lac souterrain dont on ne pouvait estimer la taille. Sur notre droite, une sorte de rampe naturelle en pierre descendait en pente douce vers l'enchevêtrement de toiles et de tissus bigarrés servant de toit à la cité.

Nous suivîmes le mouvement. À mesure que nous nous rapprochions des premiers bâtiments, l'air se faisait plus chaud et étonnamment plus humide aussi, tandis que de succulentes odeurs de cuisines nous parvenait, faisant gargouiller nos estomacs vides. Nous longeâmes un premier ensemble d'habitations sommaires, construite de bric et de broc avec des matériaux de récupérations. Mais à mesure que nous approchions du centre de la petite ville, les bâtiments se faisaient plus solides et le toit de tissus, culminant plus haut, donnait une sensation d'espace alors que des torches éclairaient l'endroit d'une lumière douce et rassurante. Tous le monde se dispersa assez rapidement et bientôt, il ne resta plus que nous cinq au centre de la petite place. J'étais sur le point de demander à Josef ce que nous attendions lorsque qu'un petit cri mêlant joie et surprise retentit alors que quelqu'un se précipitait en courant vers nous.

— Vous êtes vivants ?! On nous l'avait dit mais on commençait à douter... oh je suis tellement soulagée ! débita Rem en me tombant dans les bras.

Un peu surprise, je lui rendis maladroitement son étreinte, malgré le soulagement évident de la savoir saine et sauve. Alors qu'elle se reculait légèrement pour s'approcher de Lynch, je vis Nel et Hector nous rejoindre d'un pas plus posé mais néanmoins le sourire aux lèvres.

— Heureux de vous retrouver en un seul morceau, nous salua plus sobrement Nel.

A cet instant, Josef se décala légèrement laissant apparaitre Connors, que nos amis n'avaient pas encore aperçu. Je vis de la surprise, du soulagement puis de la méfiance matinée de colère lorsqu'ils aperçurent ses mains entravées.

— Qu'est-ce que ça veut dire ? s'exclama aussitôt Nel sur la défensive.

— C'est pour sa sécurité autant que la nôtre, on vous expliquera ! s'empressa de lui dire Gabe d'une voix faiblarde qui les interpella presque autant que la présence de Connors.

— En effet, il a l'air de s'être passer beaucoup de choses de votre côté ! commenta Hector, alors qu'une gêne indéfinissable s'installait soudain autour de nous, tous les regards convergeant vers Josef et Myna, les seuls intrus, toujours immobiles et muets.

— On fait quoi maintenant ? demandai-je à ce dernier, ne comprenant pas trop ce que nous attendions là.

Il ne me répondit pas tout de suite, regardant autour de lui, un air de contrariété sur le visage. Visiblement il attendait quelqu'un qui ne venait pas.

— Nous devions retrouver Sean ici, mais...

— Nous l'avons vu partir en courant vers le lac, il y a environ trente minutes, l'interrompit Nel.

— Un problème ?

— Vous croyez vraiment qu'il nous aurait mis dans la confidence si cela avait été le cas ? lui rétorqua-t-il d'un ton acrimonieux qui ne fit que renforcer la tension.

— Josef, y aurait-il un endroit où nous pourrions nous reposer en attendant ? Myna et Gabe ont besoin de s'assoir.

Je le vis hésiter, comportement curieux chez cet homme qui m'avait semblé si sûr de lui et de son autorité. Je compris soudain l'origine de son trouble lorsque son regard se posa sur Connors, toujours terriblement silencieux et détaché. Dans cet endroit où il n'était pas le responsable, il ne savait quoi faire de lui.

— Ne vous inquiétez pas, il ne tentera rien, lui dis-je en m'avançant, Connors sursautant légèrement à mon approche. Nous serons cinq pour le surveiller.

— D'accord, finit-il par capituler à contrecœur. Allez nous attendre dans la tente des invités avec vos amis. Mais interdiction de le détacher tant que Sean n'a pas donné son accord.

J'acquiesçais d'un signe de tête et faisant signe à Connors de me suivre avant que Josef ne change d'avis, emboîtai le pas à Rem qui se dirigeait déjà vers l'une des tentures bordant la petite place. Elle en écarta un pan et s'effaça pour nous laisser entrer. A l'intérieur, des tapis multicolores et élimés, recouvraient le sol de pierre, agrémentés de coussins et de pouf dépareillés, répartis autour d'une caisse servant visiblement de table basse. J'aidai Lynch à s'installer le plus confortablement possible et alors que tous le monde prenait place, m'écroulai à mon tour, épuisée.

— Racontez-nous, qu'est-ce qu'il fait là lui ? Et pourquoi est-il si... étrange et enchaîné comme un criminel dangereux ?

— Parce qu'il a été mordu par l'une de ces... créature, expliqua Lynch avant que je n'aie la force de le faire. Hayden a réussi à inverser le processus mais depuis il est... amnésique.

La peur et l'incrédulité apparurent sur tous les visages, alors que les questions légitimes se mettaient à fuser. Mais la voix posée de Connors résonna soudain, interrompant très efficacement le flot de questions.

— La mémoire me revient, nous dit-il son regardcherchant le mien. Mais tant que l'on n'est pas certain de leurs véritablesintentions, je préfère garder mon rôle d'amnésique inoffensif. Si besoin, il neverront pas le coup venir, nous dit-il d'une voix sombre.   

Virgin Territory-Isolated System Tome 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant