Chapitre 40-2

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Nous retrouvâmes les autres dans la pièce principale, des tasses fumantes à la main. Connors m'en tendit une dès qu'il m'aperçut et c'est avec un plaisir non-dissimulé que j'enroulai mes mains autour de la porcelaine chaude. Je venais juste de porter le breuvage à mes lèvres lorsque Sean et Josef pénétrèrent dans l'habitation, le pas pressé et les traits tendus.

— Tout le monde est prêts ? demanda Sean sans même s'embarrasser d'un bonsoir.

— Quel est le plan, exactement ? demanda Connors d'une voix calme et détachée que démentait son regard acéré et méfiant braqué sur Sean.

— Tiens, le revenant cesse de jouer les infirmes décérébrés ! Je me demandais combien de temps vous maintiendriez cette mascarade ? lui balança-t-il d'un ton cynique alors que la tension dans la pièce grimpait instantanément en flèche.

— Le temps qu'il a fallu pour vous évaluer et vous cerner. Pas sûr d'apprécier ce qu'il en ressort, d'ailleurs ! énonçât-il de son ton toujours nonchalant et en apparence détaché, sa tasse fumante toujours dans la main.

Les deux hommes se jaugèrent du regard durant quelques secondes, l'air se mettant à crépiter des pouvoirs, contenus mais en éveils, des changeants présents dans la pièce.

— Où se trouve Gabe ? demanda soudain Josef d'une voix suspicieuse, sa main s'approchant dangereusement de son dos.

— Il dort, il est toujours blessé je vous rappelle !

— Ce qui ne l'empêche pas d'être vigilant ! retentit alors la voix de Lynch, légèrement essoufflée mais reconnaissable, alors qu'il pénétrait à son tour dans la pièce.

Sa démarche heurtée et son teint livide, suffirent à convaincre nos hôtes méfiants que je disais la vérité et je sentis la tension se dissiper légèrement tandis que je m'empressais de poser ma tasse et de rejoindre Lynch. Ce dernier me foudroya du regard dès que je fis mine d'avancer le bras pour l'aider.

— Nous ne devions pas partir pour l'opération de la dernière chance ? ironisa Nel. Vu la confiance qui règne, j'aurais tendance à dire que ça sent la cramé !

— Non, nous n'avons pas le choix ! Nous devons à tout prix rejoindre ce générateur et comprendre ce qui l'a désactivé ! plaida Lynch d'une voix remplie d'urgence.

— Une chose est certaine, ce sera sans vous ! Vous n'êtes clairement pas en état de nous suivre, balança Sean sans méchanceté mais comme un fait avéré et indiscutable.

Je m'attendais à ce que Lynch tempête et proteste, mais à ma grande surprise, il se contenta d'acquiescer sans un bruit, de la résignation dans son regard sombre.

— Nous avons un second problème, plus embêtant celui-là. Myna ne pourra pas vous accompagner, sa grossesse est trop avancée...

— C'était une évidence, marmonna Nel s'attirant aussitôt les foudres oculaires de Sean et Josef.

— Peut-être mais pas pour elle ! lui répondit ce dernier. Et la convaincre de rester ici n'a pas été simple.

— Elle ne comprends donc pas le risque pour son enfant ? s'étonna Rem, qui ouvrait la bouche pour la première fois.

— Elle comprend surtout que nous perdons toutes nos chances, aussi minces soient-elles, de trouver un remède.

— Pas nécessairement, je peux prendre sa place, je sais faire des prises de sang.

— Peut-être mais vous ne saurez pas les analyser, ni quel matériel utiliser et encore moins comment !

— Pourquoi ne nous fait-elle pas une liste de ce dont elle a besoin ? Si ce n'est ni trop lourd, ni trop encombrant, on peut lui ramener ? Elle m'a dit que la clinique n'était pas très loin d'ici.

Ma proposition, pourtant logique, sembla surprendre tout le monde. Pourtant je vis Josef finir par hocher lentement la tête.

— C'est jouable, si nous emmenons deux ou trois personnes de plus, l'entendis-je dire à Sean, qui ne paraissait pas emballé par ma proposition.

— C'est un risque supplémentaire à courir. Cette base est déjà compromise, affaiblir encore sa défense ne me plait pas.

— Si cela nous permet d'éradiquer cette saloperie est-ce que ça ne vaut pas le coup ?

— Parce que tu y crois vraiment ?

— Sean, regarde-le ! Rien que ça devrait te redonner espoir ! s'exclama Josef en désignant Connors d'un geste du bras.

Sean, le regard toujours empli de méfiance, balaya du regard toutes les personnes présentes dans la pièce pour finir par s'arrêter sur moi.

— Soyez franche et honnête, croyez-vous réellement qu'un remède puisse se trouver dans votre sang ? Ou bien n'était-ce qu'une ruse pour vous assurer de notre aide ?

Même si toutes ces discussions et cette méfiance m'usaient, je comprenais sa réaction. Nous nous trouvions dans une situation critique mais eux aussi et ce, depuis bien plus longtemps que nous.

— Comme je vous l'ai déjà expliqué, Connors a pu guérir grâce à ma... capacité de guérison issue apparemment d'une légère mutation génétique. S'il existe un moyen de l'isoler et de l'utiliser comme une sorte de vaccin, alors oui c'est possible. Mais même si j'ai été formée à la médecine, je ne suis ni chercheuse, ni compétente pour être affirmative à cent pour cent. Je ne peux pas être plus franche, ni honnête, terminai-je mon regard plongé dans le sien.

Je le vis réfléchir intensément, pesant le pour et le contre, puis il finit par hocher la tête.

— Demande à Myna ce dont elle aurait besoin et trouve deux volontaires de plus pour nous accompagner, ordonna-t-il à Josef qui s'empressa de sortir de la pièce au pas de course. Je ne vais vous mentir, ce ne sera pas une promenade de santé ! Les éveillés ne sont pas moins actifs la nuit, ils y voient juste plus mal, comme nous. Donc nos meilleurs atouts seront l'obscurité et la discrétion. Hors de question de tirer dans le tas !

— Que devra-t-on faire alors, si une de ces... choses nous attaques ? demanda Nel avec son tact légendaire.

— L'éviter, ou vous en débarrasser en silence tout en évitant bien sûr qu'elle vous morde ! lui répliqua Sean sur le même ton, un petit sourire cynique étirant ses lèvres tandis qu'il ramassait un long sac noir situé derrière lui et le posait sur le plan de travail en bois.

Il l'ouvrit et commença à distribuer les armes qu'il contenait. Des armes blanches pour la plupart, hormis deux armes de poings qu'il tint à moment dans ses mains, avant de tendre l'une à Connors, crosse en avant.

— En dernier recours, lui dit-il alors que ce dernier acceptait l'arme pour ce qu'elle était, un gage de paix et de confiance. Changez-vous, nous dit-il ensuite en nous désignant le tas de vêtements intégralement sombres, entassés sur la table basse nous partons dans dix minutes.

Sans perdre de temps, j'imitais les autres et retournai dans la chambre pour enfiler le pantalon en toile, le tee-shirt gris et le sweat noir râpé mais doux et chaud.

— Comme ça tu comptais me laisser là ? m'apostropha Gabe à l'instant où j'allais quitter la pièce.

— Parce que je m'inquiétai pour toi et à juste titre à l'évidence, lui répondis-je clairement sur la défensive sans pouvoir m'en empêcher.

— Pourquoi ne pas m'avoir réveillé pour me le dire en face dans ce cas ?

— Parce que tu n'es qu'une foutue tête de mule et que tu ne m'aurais pas écouté !

— Peut-être, me répondit-il après de longues secondes de silence. Mais ça, vois-tu, tu ne le sauras jamais à présent, m'assena-t-il d'une voix venimeuse avant de se détourner et de partir d'une démarche lente et heurté.

Ses paroles dures résonnaient encore en moi quelques minutes plus tard alors que nous marchions en direction de l'extérieur, me demandant si j'aurais encore l'occasion de le revoir et de m'excuser. 

Virgin Territory-Isolated System Tome 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant