Chapitre 10-1

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Pendant quelques longues secondes, seul la panique domina. Une peur sourde, envahissante et débilitante qui m'empêchait de réfléchir correctement et d'ordonner mes pensées confuses. Mon cœur résonnait dans ma tête et dans mes oreilles ajoutant à ma confusion, il fallait que je me calme. Je ne pouvais pas rester là, plantée au milieu d'un couloir inconnu, quelqu'un risquait d'arriver à tout moment ! Bien que le fait que ce soit apparemment un cul de sac rende cette probabilité moins évidente.

Après un instant d'hésitation je poussai néanmoins la porte du local avec précaution, priant pour qu'elle soit ouverte malgré l'avertissement placardé sur le battant. Mais le panneau tourna sur ses gonds sans aucune difficulté, ni grincement.

À l'intérieur tout était sombre et silencieux. Je tâtonnai maladroitement le mur à droite de la porte pour trouver un interrupteur...mais rien. Je m'avançai légèrement dans la pièce enténébrée pour chercher de l'autre côté quand la lumière s'alluma brusquement, m'obligeant à fermer les yeux. Un interrupteur à détecteur, j'aurais dû m'en douter, non mais qu'elle gourde ! me disputai-je moi-même en m'empressant de refermer derrière moi.

L'endroit n'avait rien d'extraordinaire une fois les yeux ouverts. Une pièce carrée remplie de boitiers électriques portant tous sans exceptions de grand panneaux triangulaires jaune ornés d'un éclair menaçant. Un aurait suffi, ne pus-je m'empêcher de marmonner. N'importe qui aurait compris que c'était dangereux.

Encore sous le choc de mon erreur de trajectoire, je restai immobile, sans trop savoir quoi faire. Quelles options s'offraient à moi, m'obligeai-je à réfléchir posément. Sortir de là et emprunter le couloir sans aucune idée de l'endroit où je risquais d'atterrir, sans compter toutes les caméras que j'allais rencontrer sur mon chemin...parfaitement idiot et suicidaire ! Tenter une nouvelle fois de me « projeter » vers le bon couloir...mais pourquoi cela marcherait-il mieux cette fois-ci que la précédente ? Ou...tenter d'arriver directement dans la chambre ! pourquoi n'y avais-je pas penser plus tôt ! C'était l'évidence ! La panique et le stress rendait vraiment idiot parfois.

Forte de ce nouvel espoir, je commençai à me créer l'image la plus fidèle possible de ma chambre, avant de finalement opter pour le salon, plus grand et plus facile à visualiser pour moi. J'allais fermer les yeux pour mieux me concentrer lorsque j'aperçus le plan, collé derrière la porte.

Je m'en approchai, cherchant avidement à me repérer. Misère ! Je me trouvais au niveau -2, dans les sous-sols ! Heureusement que je n'avais pas cherché à retrouver mon chemin, je me serais fait prendre à coup sûr avec autant de distances à parcourir. C'est alors que le mot « infirmerie » attira mon regard. Je ne savais toujours pas si Connors allait bien ?

Sur une impulsion, je fermai les yeux et après m'être concentrée intensément, me projetai avant de changer d'avis. À peine senti-je le sol sous mes pieds que je me plaquai au mur et ouvris les yeux, soulagée de constater que je me trouvai bien dans la cage d'escalier menant à l'étage de l'infirmerie. Je restai contre le mur à côté de la porte et j'attendis.

Lorsque quelques minutes plus tard les bruits de pas des gardes se firent entendre, je pris une grande inspiration et priai pour qu'ils n'ouvrent pas trop brutalement la porte...mais non. Elle s'ouvrit suffisamment pour me dissimuler à leurs yeux, sans me toucher. Heureusement pour moi, ces deux-là étaient plus dynamiques que leurs collègues et ne mirent pas longtemps à disparaitre. Je me coulais donc de nouveau sur le palier et sans hésiter cette fois-ci, partis le plus silencieusement possible en direction de l'infirmerie.

La lueur rosée que j'aperçu par les baies vitrées me fit comprendre que l'aube n'était plus loin et que je devais me dépêcher. Je me mis donc à courir. Tellement concentrée sur tous ce qui m'entourait que je faillis rater la porte. J'hésitai une seconde à entrer. Et si je tombais sur une infirmière de garde ? Tant pis, au point où j'en étais ! me dis-je en poussant le battant d'une main tremblante. 

L'intérieur était simplement éclairé par des veilleuses mais je me rendis tout de suite compte que l'endroit était désert. Les trois lits vide disposés dans des boxes, ainsi que le silence quasi-absolu me le confirmèrent. Mais où était Connors ? Y avait-il une autre infirmerie ? Vu la taille du building, c'était plausible...pourtant quelque chose au fond de moi me disait que non. Une angoisse sourde m'emprisonnait la poitrine lorsque je commençai à ressortir de la pièce. Non s'était idiot, là j'étais relativement en sécurité, c'était le meilleur endroit pour tenter de me projeter dans la chambre. Malgré l'inquiétude qui me taraudait, je me concentrai et su que j'avais réussi lorsque je senti la texture plus molle du tapis sous mes pieds. Lorsque j'ouvris les yeux une affreuse vague de nausée me submergea, me prenant au dépourvu.

— Bon sang, mais où étais-tu ? fulmina aussitôt Lynch d'une voix basse et sourde en s'avançant vers moi pour me secouer comme un prunier.

— Arrête...ou je vais te vomir dessus ! le prévins-je d'une voix tremblante en le tutoyant involontairement.

— A quoi tu joues ? Tu t'es téléporté ? Malgré les risques que cela comporte...tous les risques pour toi comme pour nous ! Tu avais une bonne raison au moins ?

Alors que je tentai de respirer lentement et profondément pour calmer mes hauts le cœur avant de lui répondre, les lumières commencèrent à s'intensifier dans la pièce, nous surprenant tous les deux.

— Ne restons pas là, dit Lynch.

Mais avant que nous n'ayons eu le temps de faire un pas, la porte menant vers le couloir commença à s'ouvrir. Dans un sursaut Lynch m'attrapa le poignet et me ramena brusquement vers lui, avant de se raviser et de me pousser dans l'un des canapés.

— Mais...

— Chut ! Ne dis rien et embrasse-moi ! me chuchota-t-il en posant sans douceur ses lèvres sur les miennes.

Par réflexe je tentai de le repousser, même lorsque je vis les deux jeunes femmes pénétrer à reculons dans la pièce les bras chargés de lourds plateaux, je continuai à résister. Ce n'était que le petit déjeuner, pourquoi cette mascarade ridicule, nous avions le droit de nous trouver dans ce salon même tôt le matin ! Mais alors que je tournai la tête sur le côté pour mettre fin à cette simagrée avant que quelqu'un ne nous remarque, j'aperçue du coin de l'œil un homme resté dans le couloir et qui essayait de rester discret. La crosse du fusil qu'il tenait discrètement le long de sa jambe me fit revoir mon analyse en une demi-seconde.

Je croisai le regard de Lynch et lorsqu'il intensifia notre faux baiser, je ne fis rien pour l'en empêcher. Les murmures surpris qui retentirent lorsque les jeunes femmes nous aperçurent restèrent discrets et elle se contentèrent de poser leurs fardeaux sur la table basse en gloussant légèrement devant mon air gêné. Pas besoin de simuler là, je devais être rouge pivoine.

— Oh excusez-nous ! murmura l'une d'entre elle, un petit sourire entendu sur les lèvres.

— Nous n'allons pas vous déranger plus longtemps, dit l'autre plus sèchement en tirant sa collègue derrière elle avant de sortir de la pièce.

A la seconde où le battant fut refermé, Lynch s'éloigna de moi.

— Je suis vraiment désolé Hayden, je ne voulais pas te forcer mais...je sentais qu'il ne fallait qu'ils nous trouvent tous les deux dans cette pièce sans une bonne raison...je ne sais pas pourquoi, s'excusa-t-il visiblement aussi gêné que moi par son geste. Ce n'était pas une ruse, ou...

— Non, tu as eu raison, lui répondis-je dans un murmure. C'est moi qui ait mal réagit. Il y avait un homme armé dans le couloir, lui révélai-je devant son air surpris à l'entente de ma réponse.

— Mais que ce passe-t-il donc ici ? me répondit-il un pli d'anxiété barrant son front, vieillissant momentanément son beau visage fatigué.

— ça c'est ce que j'aimerai bien savoir, persifla Lada, debout dans l'embrasure de la porte de la chambre, son regard mauvais braqué sur nous.

Virgin Territory-Isolated System Tome 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant