Chapitre 2-1

4.1K 552 169
                                    






L'eau qui m'enserrait de son étreinte glacée, paraissait presque vivante et mue d'une intelligence propre lorsqu'elle commença à m'entraîner hors de portée de la rive. Lynch dans un réflexe chevaleresque mais idiot, m'attrapa par le poignet pour tenter de me ramener vers lui mais ne réussis qu'à se faire happer lui-même par le courant traître et implacable.

— Hayden...essaie de nager vers moi, nous devons sortir de cette rivière !

— On ne peut pas ! lui criai-je alors que l'eau m'entraînait et que je devais faire un effort pour maintenir ma tête au-dessus du flot. Le courant est trop fort !

Je vis Lynch essayer de lutter désespérément et pendant un court instant...je crus qu'il allait réussir. Sa main tendue n'était plus qu'à quelques centimètres d'une branche basse affleurant à la surface de l'eau, quand avec un nouveau cri perçant le plus grand des becs de rasoirs fendit les airs et descendit en piqué sur Lynch. Pour l'éviter ce dernier n'eut d'autre choix que de se laisser engloutir, sa tête disparaissant sous les flots.

— Lynch ! hurlai-je paniquée, bien consciente que cela ne servait à rien à part énerver un peu plus les horreurs ailées qui nous suivaient toujours du haut du ciel.

Il finit par émerger non loin de moi en toussant pour recracher l'eau qui avait réussi à se frayer un chemin jusqu'à ses poumons. Au même instant une plainte lugubre retentit et bientôt de nouveaux spécimens se joignirent aux trois qui nous surplombaient, formant un cortège funeste de plus en plus nombreux et inquiétant.

Nous comprîmes très vite que lutter contre le flux qui nous entraînait ne servirait à rien et que notre espérance de vie serait beaucoup plus élevée dans l'eau qu'au dehors. Surtout que le nombre de nos ennemis ne cessait d'augmenter, formant une nuée qui par moment parvenait même à occulter la lune.

Mais l'eau était glacée et mes membres commençaient à s'engourdir. Je savais que pour lutter contre l'hypothermie il ne fallait pas cesser de bouger, mais nager m'était de plus en plus difficile et cela empira lorsque l'eau relativement calme se mit à devenir plus tumultueuse et le courant plus fort. Je me fis surprendre par le brusque changement de débit et ma tête se retrouva momentanément immergée. Je paniquai, le froid intense bloquant ma réflexion et me plongeant dans la confusion. Je sentis alors quelque chose d'imposant froid et visqueux effleurer mon bras et j'émergeai en crachotant complètement terrifiée.

— Il...il y...quelque chose dans l'eau ! arrivai-je à crier à Lynch d'une voix tremblante et enrouée.

Mais il ne m'écoutait pas. Son regard était braqué au loin et ce qu'il voyait n'avait pas l'air de lui plaire. C'est alors que le grondement sourd parvint enfin à mes oreilles et que je compris ce qui l'inquiétait tant.

— Hayden, retient ta respiration et surtout...ne lutte pas ! me cria-t-il à l'instant où les remous se transformaient en un maelstrom bouillonnant et que nous basculions du haut de la falaise.

La chute me parut irréelle, à la fois interminable et terriblement courte ! Lorsque j'heurtai la surface de l'eau en contrebas je crus que je venais de percuter du béton avant que mon corps ne s'enfonce dans l'eau et que je sois plaquée au fond par le tourbillon. Sans savoir comment, je réussis à ne pas m'affoler et ne luttai pas, me laissant porter par les éléments qui finirent par m'éjecter et me propulser à l'air libre.

Ma tête creva la surface de l'eau et j'aspirai avidement une grande bouffée d'air avant de chercher Lynch des yeux. Il émergea à peine une seconde après moi et nous nous mîmes instinctivement à nager pour sortir de l'influence de la cascade. J'avais à peine fait deux mouvements de brasses que mes pieds rencontrèrent une surface solide et que je pus me redresser, l'eau m'arrivant au niveau de la poitrine.

— Lynch par ici ! On a...

L'attaque survint avant même que je n'ai eu le temps de terminer ma phrase, la nuée s'abattant sur moi à peine mon corps hors de l'eau. Je retombai dans l'eau dans une gerbe d'éclaboussure qui fit momentanément fuir mes assaillants emplumés mais me remplit la bouche et le nez d'eau me faisant suffoquer. Lynch vint une nouvelle fois à mon secours et m'aida à me redresser, tandis qu'il frappait l'eau de son autre main pour éclabousser les volatiles et les faire fuir.

— Nous ne pouvons pas rester indéfiniment dans l'eau, me cria-t-il en claquant des dents. Elle est trop froide. Essayons d'atteindre le couvert des arbres...

— ça ne suffira pas ! lui rétorquai-je en suivant son exemple. Ils ne nous lâcheront pas !

C'est ce moment que choisit le plus gros des becs de sabres pour attaquer. Visiblement plus téméraire que les autres, il osa tout de même s'approcher malgré les gerbes d'eau que nous projetions alentours. Par un mouvement acrobatique et vicieux il parvint à nous contourner et son bec vint me frapper l'épaule m'arrachant un cri de douleur qui rameuta tous ses petits copains.

Je vis Lynch cesser subitement ses éclaboussures tandis que son visage prenait un air concentré et je sus ce qu'il s'apprêtait à tenter. Mais contrairement aux fois précédentes, je ne ressentis ni l'énergie ni son pouvoir se déployer et au final...il ne se passa rien. À voir son air perplexe j'en conclu qu'il ne comprenait pas plus que moi ! Mais la volaille revint à l'attaque ne nous laissant pas le temps de nous appesantir sur la question.

— Essais de maintenir les autres à distance me cria-t-il alors qu'il s'éloignait à reculons pour entraîner le plus gros à l'écart.

Je ne sais ce qu'il voulait tenter, mais n'ayant pas d'idée magique en réserve je fis ce qu'il me demandait et entrepris d'arroser copieusement tout autour de nous malgré mes bras qui fatiguaient et mon souffle court. Au travers des gouttelettes cristallines je vis Lynch laisser approcher l'imposant oiseau et au moment où celui-ci s'apprêtait à le frapper de son bec, il s'immergea totalement ne laissant dépasser que ses mains dont l'une attrapa la patte du volatile, l'entraînant sous l'eau avec lui.

Un long hululement lugubre retentit soudain et tous les autres oiseaux se dispersèrent subitement, dégageant le ciel en quelques secondes. Lynch émergea de l'eau, la patte de l'oiseau désormais mort toujours dans sa main.

— Ils sont tous parti, lui dis-je ma surprise et ma perplexité se reflétant dans ma voix épuisée.

— Profitons-en pour sortir de cette eau glaciale avant qu'ils ne reviennent ! dit-il d'une voix encore plus tremblante que la mienne en se dirigeant d'un pas rendu lourd par l'eau qui le freinait jusqu'à la rive.

Je le suivis et une fois sur la terre ferme ne pus que m'écrouler sur le sol, terrasser par mes tremblements.

— Hayden...il ne faut pas rester là...ils peuvent revenir, me dit Lynch en se retournant vers moi.

— Je sais mais...je n'ai plus la force...de bouger.

Mes dents claquaient tellement fort dans ma bouche, que ma réponse fut à peine audible. Lynch avec un effort évident rebroussa chemin et vint m'aider à me relever d'une main sans force.

— Il faut faire un dernier effort et trouver un abri, me dit-il en m'entraînant derrière lui, l'oiseau mort se balançant toujours au bout de son autre main dans une danse macabre.

Virgin Territory-Isolated System Tome 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant