Chapitre 8-2

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La première chose pensée qui me vient fut « c'est un piège » ! J'en avais une certitude quasi absolue sans savoir pourquoi. À moins que ce ne soit tous les signes qui clignotaient dans mon esprit depuis notre arrivé ici. Notre installation dans ces chambres, la porte non-verrouillée et tout le reste. C'était tellement louche et énorme que ça m'amenait à douter. De toute manière quel choix avais-je ? constatai-je cyniquement, après m'être torturer les neurones en vain. Piège évident ou pas, il y avait une chance, même infime, que ce soit vrai et je ne pouvais pas ne pas aller vérifier.

Dans un soupir las mais déterminé, je m'emparai d'une des paires de ciseaux que je dissimulai en les coinçant entre mon dos et la ceinture de mon pantalon, avant de rabattre mon tee-shirt par-dessus. Ce ne ferait pas une arme très efficace, ni aisée d'utilisation mais ce serait déjà mieux que rien. A pas de loup, je retournai dans la chambre où mes camarades dormaient toutes à poings fermés. Prudente, je traversai la pièce sur la pointe des pieds, retenant même ma respiration pour faire le moins de bruit possible. J'attrapai mes baskets au vol, au pied de mon lit avant de refermer la porte avec milles précaution derrière moi. J'enfilai rapidement mes chaussures et manqua faire une crise cardiaque lorsque je me tournai enfin vers le centre du petit salon.

Une silhouette se découpait sur l'un des canapés. Une forme immobile et indiscernable dans la pénombre épaisse qui régnait dans la pièce. J'attendis, tremblante, que mon cœur cesse de battre dans mes oreilles et m'approchait doucement. Le son d'une respiration lente et régulière me rassura avant même que je ne reconnaisse Oliver, assoupi dans une position des plus inconfortable. Mon cœur fit une nouvelle embardée lorsqu'il s'agita dans son sommeil, me faisant faire un petit bond en arrière, fort heureusement, sans qu'aucun cri inopportun ne franchisse mes lèvres.

C'était idiot, de quoi avais-je peur au juste ? C'était Oliver, un de mes amis. S'il se réveillait où était le problème ? Je pourrais même lui en parler, lui demander de m'accompagner ? Et pourquoi pas à Lynch...Non, me repris-je aussitôt. Ce que j'allais risquer était dangereux. Si c'était un piège, je risquais de tomber dedans à pieds joints et si ce n'était pas le cas, je risquai de me faire prendre par la garde du conseil. Si cette dernière option se produisait, il valait mieux que je sois seule pour ne pas compromettre les autres. Je devais y aller seule. Forte de ma nouvelle résolution et surtout avant que je ne change d'avis, j'actionnai la poignée de la porte et me glissai dans le couloir.

C'était la nuit et seule quelques veilleuses restaient allumées, plongeant les alentours dans une pénombre jaunâtre glauque et angoissante. Je jetai des coups d'œil nerveux autour de moi, avant de me diriger d'un pas incertain vers la droite, direction de laquelle nous étions arrivés plus tôt dans la journée. Les grandes baies vitrées, à présent opaque du fait de la nuit sans lune, me renvoyèrent mon reflet lorsque je débouchai dans la coursive principale. Était-ce ma nouvelle coupe de cheveux ou mes nouveaux habits, mais c'est à peine si je me reconnus dans cette silhouette longiligne et sur le qui-vive qui paraissait me narguer.

Toujours seule, je me dirigeai au pas de course vers la porte menant aux escaliers, qui une fois n'est pas coutume, s'ouvrit sans aucune difficulté. Tout cela était décidément bien trop facile. On aurait dit un mauvais test. Je continuai néanmoins et commençai à descendre les marches de moins en moins attentive à ma discrétion et à ce qui m'entourait. À tel point que je manquai me faire prendre bêtement, lorsque la porte du palier du quinzième étage s'ouvrit brusquement à quelques mètres de moi. Je me figeai instantanément, un pied sur l'avant-dernière marche, visible comme le nez au milieu de la figure malgré l'obscurité ambiante. Paniquée et n'ayant aucun endroit où me dissimuler je me précipitai vers la porte et me glissai à la dernière seconde entre le battant qui finissait de s'ouvrir et le mur.

— Ces rondes sont assommantes et inutiles, ronchonna une voix d'homme alors que des pas lourds se mettait à résonner dans la cage d'escalier vide et silencieuse.

— Tu dis la même chose tous les jours Ed, lui répondit une seconde voix masculine d'un ton excédé tandis que les deux gardes se mettaient à gravir les marches d'un pas lent et poussif.

La porte battante qui avait son inertie propre commença à se refermer tout doucement, menaçant de dévoiler ma présence aux yeux des deux hommes qui n'avaient pas l'air pressés d'atteindre le palier supérieur. « Dépêchez-vous, dépêchez-vous, dépêchez-vous » me répétai-je inlassablement, mon cœur résonnant comme un tambour dans ma tête. Le battant en était presque à la moitié de sa course lorsqu'un bruit sourd retentit, créant des échos lugubres.

— Oh merde, j'ai fait tomber ma lampe torche ! geignit le râleur.

— Alors toi, tu es vraiment un boulet ! Ramasse-là et dépêche-toi, sinon on va pointer en retard au prochain point de contrôle !

Je sentis mon souffle se bloquer dans ma poitrine lorsque la porte bascula dans son dernier quart, dévoilant ma présence aux gardes...qui, comble de chance, ne regardaient pas dans ma direction. Enfin pour l'instant mais cela risquait de ne pas durer, je devais prendre une décision et vite !

Les deux hommes se trouvaient approximativement au milieu des escaliers, l'un était en train de se baisser avec une lenteur extrême vers une lampe torche échouée sur une des marches en contrebas, tandis que son binôme l'attendait quelques marches plus haut en tapant du pied, son regard agacé fixer sur lui. De là où ils se trouvaient, ils leurs suffisaient de tourner la tête pour me voir. Je pouvais me risquer à courir jusqu'à la rampe descendante mais le bruit de mes baskets sur le sol attirerait à coup sûr leur attention. N'ayant pas d'autres choix à ma disposition et même si c'était risqué, je me glissai à la dernière seconde par la porte avant qu'elle ne se referme dans un petit claquement sec qui masqua mon déplacement.

C'est haletante et tremblante que j'émergeai au niveau quinze, heureusement vide de toute présence hostile. Alors que je tâchais de reprendre un souffle régulier en attendant d'être certaine que les gardes soient partis, une pancarte blanche fixée sur le mur en face de moi, attira mon attention. Intriguée parce que j'avais cru y discerner malgré la pénombre, je m'approchai à pas prudents.

Quinzième étage – section est

- Poste de garde 7

- Infirmerie

Si l'infirmerie se trouvait à ce niveau, pourquoi mon mystérieux interlocuteur m'avait-il donné rendez-vous au douzième ? Le spectre du piège flotta de nouveau dans mon esprit, de plus en plus réel et consistant. C'était peut-être un énorme coup de chance qui avait mis ces gardes sur mon chemin finalement ! Me permettant de découvrir la supercherie avant de tomber les deux pieds dedans comme une idiote. De toute manière, je devais en avoir le cœur net. Même si c'était risqué de s'aventurer non loin d'un poste de garde, il fallait que je m'assure que Connors n'était pas tranquillement à l'infirmerie en train de se remettre doucement de ses blessures. J'allais m'engager dans le couloir obscur quand le bruit caractéristique d'une porte qui s'ouvre me fit me plaquer contre le mur, partiellement dissimulée par les ombres.

— Psst... ! Par ici.

Le murmure pressant sembla résonner dans le silence, me faisant sursauter.

— Vite ! Ils arrivent ! réitéra la voix qui semblait venir de la cage d'escalier que je venais de quitter.

Plus méfiante que jamais j'étais sur le point de me diriger malgré tout vers l'infirmerie, lorsqu'un bruit de pas retentit soudain non loin de moi. N'ayant plus le choix, je me précipitai de nouveau vers la porte des escaliers qui, comme un présage funeste, s'ouvrit pour me laisser passer.

Virgin Territory-Isolated System Tome 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant