Chapitre 45-2

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Le chemin du retour se déroula étonnement beaucoup plus rapidement que l'aller et surtout sans accroc ni problème majeur. Nous croisâmes bien quelques éveillés mais ils ne semblèrent pas faire attention à nous. La présence de Jin nous protégeait vraiment apparemment ! Néanmoins, nous étions tous nerveux et l'imminence de l'ultimatum temporel fixé par Lovory semblait faire tic-tac dans ma tête comme un compte à rebours macabre. Encore combien de temps avant que les habitants de Last City ne se rendent compte de ce qu'il se passait et que la panique éclate ? Combien de gens allait mourir ?

— Vous avez une idée du temps où... je suis...parti ?

Je sursautai violement lorsque la voix sourde de Jin me sortit de mes pensées morbides. Je m'étais laisser surprendre comme une débutante ! Me sentant vaguement à l'abris j'avais baissé ma garde et relâché ma vigilance. Dans d'autres circonstances, cela aurait pu nous être fatal ! Il fallait que je me ressaisisse. Comme me l'avait si diplomatiquement rappelé Lynch avant que nous ne quittions la clinique, j'étais à présent l'un des derniers espoirs de l'humanité (rien que ça !) et je devais donc, tant que possible, éviter de mourir bêtement ! Du Gabe tout craché quoi ! pensai-je alors que je tournais enfin la tête vers Jin.

— Plusieurs mois, apparemment, lui répondis-je prudemment. Pourquoi ? lui demandai-je finalement, même si je pensais connaître la réponse.

— Myra, elle... elle était enceinte. Je viens seulement de m'en souvenir ! Comment ai-je pu oublier ça ? se lamenta-t-il d'une voix hantée.

— Ce n'est pas vous qui l'avez oublié, c'est la maladie qui vous a momentanément voler vos souvenirs. Ce n'est pas votre faute, tentai-je de le rassurer alors que nous nous arrêtions à l'entrée de l'un des couloirs menant à la ville souterraine.

— Vous savez si...

— Avec un peu de chance, vous arriverez pile pour l'accouchement, lui révélai-je avec un grand sourire, ne voyant plus de raison de le lui cacher à présent que nous étions presque arrivés.

Ses yeux s'écarquillèrent et durant un court instant, je crus qu'il allait faire un malaise. Mais il se reprit, me serra brièvement la main, avant de s'engouffrer dans le boyau en courant presque.

— Tu aurais peut-être dû attendre un peu, non ?

— Pourquoi ? Il avait le droit de savoir ! rétorquai-je à Gabe en allongeant le pas.

— Certes, mais ça nous aurait éviter de courir ! se plaignit-il en attrapant ma main et en m'entraînant derrière lui, un de ses sourires ironiques étirant ses lèvres.

Malgré notre fatigue, nous parvînmes à suivre le rythme sans trop de difficulté. Néanmoins, lorsque l'air commença à se faire plus frais, je stoppai la course de Jin, d'une main sur son bras.

— Débouler en courant couvert de ces guenilles, ce n'est peut-être pas une bonne idée. Ils risqueraient de tirer à vue et poser les questions ensuite ! lui expliqua Gabe avec sa brusquerie habituelle.

Je me tendis, m'attendant à une mauvaise réaction de la part du futur papa, mais il m'étonna en se contentant d'approuver d'un signe de tête, nous laissant passer devant. A force de trop côtoyer Gabe et compagnie, j'avais oublié à quel point la simplicité c'était reposant ! Nous marchâmes encore quelques minutes, jusqu'à ce que Lynch s'arrête brusquement au son caractéristique d'une arme que l'on chargeait.

— Ne tirez pas, c'est nous ! dit-il en levant les mains et son fusil, en l'air.

Nous l'imitâmes aussitôt. Puis, toujours les mains en l'air, nous sortîmes prudemment du tunnel, émergeant non loin du lac naturel délimitant le fond de la gigantesque caverne.

— Vous êtes vivante ! s'exclama soudain Josef en sortant de derrière un pilier, avant de s'avancer vers nous.

— Oui et ce n'est pas grâce à vous ! ne pus-je m'empêcher de lui balancer en baissant les bras. Où est Connors ? Il va bien ?

Il s'apprêtait à me répondre lorsque son regard tomba sur Jin, immobile derrière nous. Il fit un pas hésitant en avant de se décaler légèrement sur la droite pour mieux voir.

— Jin ?! Jin, c'est bien toi ?

Plusieurs hoquets de surprises suivirent sa question étonnée et tremblante, tandis que plusieurs hommes sortaient de leurs postes de guets et s'approchaient de nous.

— Oui, se contenta de répondre prudemment l'intéressé.

— Mais... c'est impossible, entendis-je quelqu'un murmurer derrière moi.

— Où étais-tu ? Que t'est-il arrivé pendant tout ce temps ? le questionna Josef d'un ton où la colère commençait à supplanter la surprise.

— Je...

— Nous l'avons rencontré dans la clinique, intervint précipitamment Gabe. Il nous a sauvé d'un groupe d'éveillé.

— Tu étais toujours là-bas ? Pourquoi n'es-tu pas revenu ? Myra a sombré dans le désespoir après ta disparition ! Pourquoi...

Jin nous lança un regard désespéré, comprenant que nous voulions qu'il mente mais ne sachant pas quoi dire de crédible pour se justifier devant son beau-frère en colère.

— Il ne savait plus qui il était, improvisai-je. Certainement une commotion cérébrale. C'est en commençant à discuter avec nous que des souvenirs lui sont revenus petit à petit.

Josef fit un pas de plus en avant, son regard toujours rivé à Jin, il peinait visiblement à nous croire même s'il en mourrait d'envie.

— C'est vrai ? Ce qu'ils racontent, c'est la vérité ? Tu me le jure ? lui demanda-t-il en se plantant devant lui, leurs visages à peine distants de quelques centimètres.

— Comment il pourrait en être autrement ? Il n'y a que la mort ou une amnésie qui aurait pu me tenir éloigner de Myra et tu le sais, lui répondit-il les yeux brillants de sincérités.

Quelques secondes passèrent avant que Josef ne fasse un dernier pas en avant et n'attire Jin contre lui, dans une étreinte d'ours fraternelle.

— Josef, tu es vraiment un crétin !

La voix froide et coléreuse de Sean, résonna sinistrement dans l'espace dégagé, nous figeant tous comme des statuts de sels.

— Tu étais là pourtant, à la clinique ! Tu as vu l'éveillé qui a attaqué leur copine ! La chemise ne te rappelle rien ? continua-t-il, en sortant du chemin menant au village, trois hommes armés sur ses talons et un fusil dans les mains.

Josef s'éloigna lentement de Jin, ses yeux venant la navette et cherchant une réponse dans ceux de son ancien ami.

— Ce que tu racontes est impossible !

— Ah bon ?! Demande-lui ! aboya-t-il en braquant son fusil sur moi. Je l'ai vu planter une seringue pleine de son sang dans le corps de l'éveillé et c'était lui, j'en suis certain ! je le reconnaîtrais entre mille.

— Mais, mais ça voudrait dire...

— Que son sang est le remède que nous cherchions depuis si longtemps !

D'un seul geste de Sean, tous ses hommes braquèrent instantanément leurs armes sur nous. Gabe me lança un simple regard auquel je répondis d'un discret signe de tête tandis que je reculais lentement jusqu'à Jin. Je sentis le pouvoir s'accumuler autour de Lynch tandis que je me saisissais de la main de Jin.

— Préparez-vous, lui murmurai-je tout bas, alors que le pouvoir, que j'étais certainement la seule à percevoir, était proche de son paroxysme.

C'est alors que Gabe allait déclencher son pouvoir qu'un cri transperça le lourd silence et que Myra déboucha en courant au cœur de la mêlé, ses yeux rougis et écarquillées à l'extrème fixés sur Jin.


Virgin Territory-Isolated System Tome 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant