Chapitre 30-1

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Le vent sifflait entre les parois rocheuses, tandis que nous avancions prudemment, rendant l'atmosphère sinistre et inquiétante. Plus nous approchions et plus il semblait évident que les os avaient été placés là à dessein, formant comme une barrière macabre. Mais le temps avait fait son œuvre et même si l'on distinguait encore un embryon de structure, la plupart gisaient épars sur le sol.

— Ce sont des os d'animaux, vous croyez ? murmura Rem alors que nous nous arrêtions aux abords du champ d'ossements.

— En partie...mais pas seulement, lui répondit Lynch d'une voix grave en soulevant un crâne humain de l'ossuaire.

— Ne touchez pas à ça ! s'exclama Hector. Vous pourriez attraper n'importe quoi et puis...vous allez déranger les morts.

— Déranger les morts ? Rien que ça, s'esclaffa Lynch en reposant tout de même sa macabre trouvaille avec délicatesse. Ces os sont là depuis minimum une bonne dizaine d'années, tous les germes qu'ils auraient pu contenir ont disparu depuis longtemps et le dérangement est vraiment le cadet de leurs soucis ! On devrait plutôt s'intéresser au pourquoi d'un tel empilement et à la cause de leur mort.

— Tu suggères donc, que...quoi ? On fouille là-dedans ? ça nous avancera à quoi de connaître le pourquoi ? Je serais plutôt d'avis de faire demi-tour, tout de suite continua Nel avec conviction. Entre l'avertissement de l'écorce et ça, je crois que le message est on ne peut plus clair, non ?

— Tu as raison Nel, mais nous n'avons pas le choix ! Nous sommes là pour découvrir un moyen de désactiver ce fichu bouclier et vu ce que nous avons sous les yeux...eux, ils y sont parvenus...

— Pour ce que ça leur a été bénéfique apparemment ! Ce n'est peut-être pas une si bonne idée que ça...

— Entre mourir à coup sûr ou avoir une chance même infime, tu choisis quoi ? Personnellement je n'hésite pas et je ne pense pas que nos concitoyens non plus, lorsqu'ils sauront la vérité ! m'emportai-je en m'avançant entre les ossements. Est-ce qu'il y a un risque ? Sûrement. Est-ce que cela risque d'être dangereux ? Certainement. Mais nous sommes venus jusqu'ici en connaissant déjà ces données ! Alors arrêtons de discuter et allons-y ! Nous aurons nos réponses bien assez tôt de toute façon, ajoutai-je d'une voix sinistre en prenant la tête de notre petit groupe, sans même chercher à savoir s'ils me suivaient.

Je fis quelques pas, ne pouvant m'empêcher de fixer l'amoncellement macabre sur ma droite, tandis que le vent continuait à s'engouffrer dans le canyon dans un sifflement sinistre.

— Serais-tu un tantinet agacée, aujourd'hui ? ironisa Lynch en se portant à ma hauteur.

— Tu crois vraiment que c'est le moment de faire de l'humour ?

— Vu notre environnement immédiat, la compagnie chaleureuse et les perspectives d'avenirs proches...oui.

Je sentis un timide sourire s'épanouir sur mes lèvres, bien malgré-moi. Il n'y avait vraiment rien de drôle à notre situation, pestai-je intérieurement. Ce monde si beau et si prospère essayait désespérément de nous tuer et moi je n'avais qu'une envie, sourire à l'humour cynique de Gabe !

— Tu es impossible ! murmurai-je en m'éloignant de quelques pas.

— Pourquoi ? me demanda-t-il en me saisissant par le poignet. Parce que je te fais rire ? Ce que nous voyons est triste et profondément inquiétant, je te l'accorde. En rigoler ne peut pas nous faire de mal et n'est en aucun cas irrespectueux. On ne sait pas ce qu'il s'est passé ici. Peut-être une épidémie ? Une guerre entre clan ? Tout est possible...

— Tu crois qu'ils vont bien ? Le...groupe de Blake ?

— Je l'espère, me répondit-il d'une voix douce en me lâchant. Je ne peux rien te dire d'autre, même si j'aimerai beaucoup pouvoir te rassurer.

Nous continuâmes à avancer lentement, regardant avec attention autour de nous, attentif aux moindres bruits suspects ou changement important de l'environnement. Les ossement avaient fini par disparaître au bout de quelques mètres, remplacés par une végétation pauvre et éparse malmenée par le vent. Nous finîmes par accélérer un peu l'allure, mais ce canyon paraissait interminable. Le vent incessant faisait larmoyer nos yeux, asséchait notre peau, nos poumons et nous épuisait. Lorsque j'aperçus quelques feuilles vertes au loin, synonyme d'eau courante, du moins je l'espérais, je parvins à accélérer l'allure, comme une assoiffée en plein désert.

Les distances étaient trompeuses dans ce goulet rocheux et nous atteignîmes le saule tordu et tarabiscoté plus vite que je ne le croyais. Un renfoncement de la paroi rocheuse sur la gauche formait une alcôve naturelle où s'était développé une petite marre au creux de la roche, remplie par le suintement de l'eau sur la falaise. À notre approche, plusieurs grenouilles multicolores et lézards de différentes tailles, s'éparpillèrent en tous sens au milieu des plantes entourant la source, dérangés par notre irruption. L'endroit était calme, apaisant et surtout à l'abri des vents violents soufflant toujours à peine un mètre derrière nous.

— Mon dieu, que ce calme fait du bien, s'exclama Rem d'une voix râpeuse en s'écroulant plus qu'elle ne s'assit sur un des rocher bordant la cuvette naturelle. Vous croyez que l'on peut la boire ?

Au lieu de lui répondre, je m'approchai à mon tour et prudemment, trempai mon doigt dans l'eau fraîche. Aucune brûlure, aucune irritation. Je le portai donc à ma bouche, avant de recueillir le précieux liquide entre mes mains et de boire une longue gorgée rafraîchissante.

— Elle est délicieuse, précisai-je en m'en aspergeant le visage avant de m'écarter pour leur laisser la place.

Nous en profitâmes pour manger un peu et nous reposer quelques minutes pendant que Lynch remplissait les gourdes et tous les récipients en notre possession pouvant contenir de l'eau.

— Vous croyez que ce maudit canyon est encore long ? nous demanda Hector d'une voix encore essoufflée, même après notre pause.

— Je n'espère pas, car je suis vannée, lui répondit Rem avec un petit sourire.

— On dirait que même l'environnement nous mets en garde contre cet endroit, murmura Nel pensif. Ce vent n'est pas naturel.

Personne ne releva et il ne fit pas d'autre commentaire lorsque nous reprîmes notre marche laborieuse contre les bourrasques. Leurs causes en revanche, nous apparurent clairement au bout d'environ une heure et la possible fin de notre calvaire. Au loin, un mur de roche à l'allure impénétrable fermait la gorge. Plus nous nous en approchions et plus il paraissait évident que l'éboulement n'était pas naturel. Les pierres et les roches avaient été empilées de façon à laisser le vent passer au centre de l'éboulis, créant un courant venteux fort et continu. L'évidence que tout était fait pour nous dissuader de continuer ne nous arrêta pas pour autant. Nous n'avions pas fait tout ce chemin pour renoncer maintenant.

Les bourrasques nous empêchaient de passer au centre, mais nous découvrîmes un passage grossièrement creuser dans la roche du côté gauche. Nous commençâmes donc l'ascension, ralentis par la fatigue et le poids de nos sacs à dos.

— Une fois de l'autre côté, on ne joue pas les héros, nous précisa Lynch au moment de basculer. On reste discrets, silencieux, on observe avant tout. Je n'ai pas besoin de vous rappeler que l'on ne sait pas ce qui nous attend...vous feriez mieux de vous armer, au cas où !

Nous nous exécutâmes tous en silence et une fois que j'eu glissé le révolver dans ma ceinture je commençai la descente périlleuse. Une fois en bas, nous continuâmes à avancer pour sortir du canyon mais ce qui nous attendait à sa sortie, nous coupa le souffle et toute envie de nous réjouir.

Devant nous s'étalait la cité que nous cherchions. Déserte, abandonnée et livrée à la végétation. Une carcasse brisée, vide et qui suintait la mort. 

Virgin Territory-Isolated System Tome 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant