Chapitre 28-2

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— Hayden, qu'est-ce que tu fais ? me chuchota-t-il en me rejoignant à pas prudents.

— Regarde, lui murmurai-je simplement en lui désignant l'un des troncs avec le faisceau tremblant de ma petite lampe.

— Regarder quoi ? Je ne vois rien.

— Là ! insistai-je en m'avançant de quelques pas, afin que le cercle lumineux cible exactement la petite entaille encore fraîche.

— Une marque sur l'écorce, oui et alors ?

Pour toute réponse, je déplaçai le faisceau jusqu'à l'arbre suivant, où une autre marque identique apparaissait.

— Non ? Tu crois que c'est...

— Quelqu'un nous indique le chemin à suivre, lui chuchotai-je pour ne pas ameuter les oiseaux et ne pas donner de faux espoirs à Rem et Nel.

— Ce n'est pas possible, ces marques sont fraiches ! constata-t-il en s'approchant. Qui que ce soit, on l'aurait vu ou entendu.

— Pour le feu, on n'a pas rêvé, quelqu'un l'a bien éteint ! Au bord de l'eau, lorsque je vous ai dit de vous taire...quelqu'un m'a averti en me jetant des cailloux. C'est comme cela que j'ai vu les oiseaux.

— Ce quelqu'un, s'il existe bel et bien, il ou elle n'est pas invisible ! Pourquoi ne se montre-t-il pas ?

— Il doit avoir ses raisons.

— À moins que ce ne soit un piège ?

— Dans quel but ? S'il voulait nous éliminer, ce serait certainement déjà fait. C'est son unique chance, lui dis-je en désignant Nel d'un signe de tête. Alors on tente ou on perd notre temps à tergiverser dans le vide ?

Il hésita un bref instant, puis tendit la main en direction de la lampe torche.

— Va chercher Nel et Rem, je vous guiderai. Je préfère être devant au cas où.

J'acquiesçai sans perdre de temps et m'empressai d'aller rejoindre Remeï. Je lui expliquai brièvement notre plan et ce que nous avions découvert, avant de l'aider à remettre Nel debout. Ce dernier, à moitié évanoui, réagit à peine à ma traction et tenant chacune un de ses bras par-dessus nos épaules nous le trainâmes tant bien que mal derrière nous. Le trajet fut long et éprouvant. Nel qui avait repris connaissance essayait de nous aider mais trébuchait presque à chaque pas manquant nous faire tomber. Gabe continuait à suivre les marques, peinant parfois à les trouver malgré la lampe torche.

Lorsqu'une trouée apparut entre les troncs, je poussais un soupir de soulagement et accélérai le pas. Dès que nous fument à découvert, Gabe s'empressa d'éteindre la lumière tandis que nous nous précipitions vers l'arbre refuge. Lynch, qui s'apprêtait à y pénétrer, se figea soudain, nous faisant signe de nous arrêter. Je m'apprêtai à lui demander ce qu'il y avait lorsque, en me décalant légèrement, j'aperçus une faible lueur orangé émanant de l'intérieur du tronc. Y avait-il le feu ? Ou quelqu'un nous attendait-il à l'intérieur ? Finalement Lynch se décida à entrer et nous lui emboitâmes le pas avec appréhension.

La première chose que je ressentis fut la chaleur, douce et réconfortante qui m'enveloppa comme un cocon rassurant. Là, sur le sol, en plein centre du tronc évidé, un feu canalisé par un petit cercle de pierre et recouvert d'un étrange tressage métallique, brulait tranquillement. Des brochettes en bois grossiers, coincées dans les maillages, supportaient des poissons qui grésillaient, dégageant une délectable odeur de grillé. Nous nous approchâmes, désarçonnés, ne sachant pas trop si nous rêvions ou non. Mais mis à part ce décor surréaliste...personne en vue !

Nous déposâmes Nel près du feu avec précaution, avant de l'aider à retirer son tee-shirt et son pull trempés. Gabe s'empressa d'enlever le blouson qu'il portait et le déposa sur ses épaules tandis que Rem s'installait en tailleur derrière lui, pour le caler et l'aider à se réchauffer plus vite.

— Qu'est-ce qu'on fait ? murmurai-je à Lynch alors que nous nous asseyions non loin l'un de l'autre, nos deux regards tournés vers l'entrée et armes à portée de main.

— Nous n'avons pas d'autres choix que d'attendre que le jour se lève. Mais ce petit jeu de cache-cache ne me plait pas du tout.

J'avais beau ne pas me sentir en danger immédiat, j'étais d'accord avec lui. Pourquoi notre bon samaritain ne se montrait-il pas ? Si nous étions dans son refuge, pourquoi n'était-il pas là ? Avait-il un autre endroit où s'abriter ? Nous observait-il ? Toutes ces questions sans réponse, tournaient en boucle dans ma tête en une farandole folle que je ne parvenais pas à contrôler. Je me mis à fixer les flammes sans rien dire, hypnotisée par leur ballet irréel et amollie par la douce chaleur laissai mon corps se détendre presque malgré moi.

— Ne t'endors pas ! me souffla Gabe. Nous devons rester en alerte, au cas-où ! Si quelqu'un voulait nous capturer sans trop de difficultés il n'y aurait pas de meilleur moment, ajouta-t-il ses yeux rougis par la fatigue et le stress, toujours fixés sur l'entrée.

Il n'avait pas tort, me dis-je en me secouant, lorsque j'avisai Rem et Nel, qui somnolaient, maintenant adossés au tronc rugueux.

— Vous croyez que l'on peut les manger sans risque ? demanda soudain Rem, d'une voix plus éveillée que ne le laissait supposer sa posture relâchée, le regard rivés sur les poissons fumants qui commençaient à roussir par endroit.

— Pourquoi se donner tant de mal pour nous empoisonner alors qu'il aurait suffi de nous laisser mourir de froid, ou sous les becs de ces horribles volatiles ? répondit Nel que je croyais endormis, d'une voix rauque et légèrement éraillée.

— Comment te sens-tu ? Tu es blessé ? lui demanda Gabe.

— Transis de froid et mort de faim, mais surtout blessé dans mon amour propre, répondit-il en se redressant légèrement avant d'enfiler les manches du blouson de Lynch. J'ai faillis tous nous faire tuer...j'ai été idiot de ne pas vous croire sur parole.

— Pour être franc, je ne me serais peut-être pas cru non plus ! lui répondit Gabe avec un humour las.

— Des nouvelles de Connors ?

— Non, avec tout ça on n'a pas pu établir la communication dans les temps prévus.

— Pourquoi ne pas le faire maintenant ?

— On ne sait pas s'ils sont à l'abri, la sonnerie pourrait les trahir, surtout la nuit. C'est trop risqué pour eux. Je tenterai demain matin.

Entendre prononcer le nom de Connors, me fit un petit coup au cœur. Avec tout ce qu'il venait de se passer, je n'avais pas songé à lui une seule seconde, alors qu'il se trouvait dans une situation certainement aussi précaire que la nôtre. Épuisée et un peu déprimée par mes pensées moroses, je me relevai dans une grimace et cherchai des yeux quelque chose pouvant me servir de récipient. Avisant un morceaux d'écorce posé sur le sol, je m'en saisis et m'approchai du feu.

— Que nous comptions les manger ou non, si nous ne les retirons pas maintenant ils vont bruler et empuantir l'atmosphère, commentai-je en protégeant ma main avec mon tee-shirt pour soulever l'étrange cloche torsadée.

M'attendant à une résistance je fus surprise par la légèreté de l'ensemble et faillis basculer en arrière emportée par mon mouvement. Une fois stabilisée, je le posai à l'envers, le maintenant avec ma main gauche, tandis que de la droite, j'entrepris de libérer les bâtonnets avant de les déposer sur l'écorce.

— Tu vas te brûler ! m'avertit Gabe d'une voix inquiète me voyant saisir le maillage métallique sans protection.

— Le métal n'est pas chaud ! lui répondis-je perplexe en reposant l'étrange alliage au-dessus du foyer. Qui en veut ? demandai-je d'une voix mal assurée alors que mon estomac se mettait à grogner exprimant sa frustration et illustrant parfaitement le cruel dilemme devant lequel nous nous trouvions. 

Virgin Territory-Isolated System Tome 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant