Chapitre 35-1

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La froideur moite et la sensation caoutchouteuse de sa peau, me traversa comme un poignard givré, envoyant des frissons dérangeants dans tous mon corps. Je dus faire un énorme effort sur moi-même pour tenir bon et garder le contact.

— ça va ? murmura Lynch, légèrement en retrait sur ma gauche.

Je lui répondis d'un léger mouvement de tête, ne voulant pas risquer de le réveiller avant qu'il n'ait eu une chance d'absorber mon pouvoir... S'il en était encore capable, me susurra mon esprit, réveillant ma peur et mon cœur qui se mit à tambouriner dans ma poitrine comme un oiseau captif. Une légère pression sur mes doigts, à la limite du perceptible, m'électrisa des pieds à la tête. A tel point que je faillis de nouveau rompre le contact.

— Il a bougé, chuchotai-je à Lynch tandis que la peur le disputait à l'espoir dans mon esprit et mon corps saturé d'adrénaline.

Je sentis plus que je ne vis, Gabe raffermir sa prise sur son arme, tandis qu'il s'avançait d'un pas dans notre direction.

— Tu penses que ça fonctionne ?

Comment répondre à cette question ! eu-je envie de lui balancer, tandis qu'un nouveau spasme agitait la main gauche de Connors. Mais sans réellement savoir pourquoi, je pensais que non. La chair que je sentais sous mes doigts était inerte et toujours aussi froide et... C'est alors que ses yeux s'ouvrirent brusquement.

Sans pouvoir m'en empêcher, je le lâchai aussitôt dans un mouvement de recul instinctif. Il tourna lentement la tête vers moi, ses yeux cherchant les miens. Sentant l'espoir renaître, je me saisis à nouveau de ses mains en me penchant vers lui.

— Connors ! Connors, tu m'entends ? C'est moi Hayden. Tu es tombé malade mais on va te soigner et tu...

Il se redressa brusquement, alors que ses doigts se mettaient à écraser les miens avec une telle force que je ne pus retenir un gémissement. Je parvins malgré tout à me dégager, mais à l'instant où j'y réussis, il enserra mon cou et commença à serrer, son regard vide fixé sur moi. Paniquée par la douleur et le manque d'air, j'essayai désespérément de lui faire lâcher prise, mes doigts crispés sur ses mains, cherchant une prise pour lui faire desserrer l'étau qu'était devenu ses doigts.

— Lâche-là tout de suite ! le menaça Lynch, la lame de son poignard plaqué sous sa gorge.

J'aurais voulu lui crier « non ! », le supplier de ne pas achever son geste, qu'il y avait encore une chance de le ramener. Mais les tâches qui emplissaient mon champ de vision et la douleur insoutenable du manque d'air m'en empêchait aussi efficacement que l'aurait fait ma raison.

Une détonation sourde retentie, presque aussitôt suivit d'un cri de souffrance. A deux doigts de l'inconscience, je ne comprenais pas ce qu'il se passait. Lorsque je sentis la prise de Connors s'amollir un peu, je pu prendre une inspiration sifflante et douloureuse qui m'apporta cependant assez d'oxygène pour lui envoyer mon pied dans la figure. Un écœurant bruit de cartilage résonna tandis qu'il me lâchait enfin et que je pédalai maladroitement sur le sol pour m'éloigner de lui. Alors que la chose qu'était devenue Connors commençait déjà à se redresser, j'entendis la porte s'ouvrir derrière-moi tandis que quelqu'un me tirait en arrière.

— Vite, vous devez sortir de là ! nous dit Josef, en me laissant sans force sur le sol de béton, avant d'aider Lynch à s'extraire à son tour de la cellule avant d'en claquer la porte.

Allongée à même le sol, je peinais à retrouver une respiration normale, mes mains enserrant ma gorge meurtrie et douloureuse. Le son caractéristique d'une arme prête à tirer, me sortit du brouillard douloureux qui obscurcissait mes sens.

— Stop ! tentai-je de crier dans un coassement rauque et difficilement articulé. Ne faites pas ça ! suppliai-je Josef en me redressant maladroitement.

— Vous avez bien vu ce qu'il vient de se passer, non ! Il vient d'essayer de vous tuer ! Il est contaminé. Pour lui comme pour nous, le mieux est dans finir au plus vite.

— Je sais, mais je...

Le regard de pitié que Josef me lança, valait tous les discours. Malgré tout, il fit signe à un jeune homme se tenant de l'autre côté du canal, qui baissa immédiatement son fusil.

— Je veux bien vous laisser un peu de temps pour vous faire à l'idée, mais... vous allez devoir vous y résoudre, me dit-il d'un air grave.

Anéantie, je ne pus que rester là, inerte, sentant des larmes de douleurs, de désespoirs et de frustrations couler sur mes joues. Au bout de quelques minutes, je me forçais à bouger, voulant mettre le plus d'espace entre moi et la chose qu'était devenue Connors. C'est alors que je me relevais que j'aperçu Lynch, toujours prostré non loin de la grille. Il était conscient mais paraissait comme... en état de choc.

— ca va ? Qu'est-ce qu...

Je m'interrompis dans un cri étranglé lorsque je vis la flaque de sang qui s'élargissait rapidement sur le sol.

— Je crois que j'ai besoin d'aide ! murmura-t-il d'une voix faiblarde avec un pauvre sourire, alors que sa main peinait à contenir le flot de sang qu'il chercher à endiguer.

— Merde ! Qu'est-qui s'est passé ? demandai-je d'une voix toujours éraillée et plus par réflexe qu'autre chose en me précipitant vers lui. Josef ! j'ai besoin d'aide !

— Ses soldats d'opérettes ne savent pas viser ! arriva-t-il quand même à persifler lorsque ce dernier nous rejoignit.

Rapidement, bien qu'avec précaution, j'écartai sa main pour évaluer les dégâts avant de vite la remplacer par la mienne.

— Il me faut un morceau de tissu, tout de suite ! ordonnai-je à Josef d'une voix rendue aigue par ma gorge endommagée, la fatigue et l'urgence de la situation.

— Je peux aller vous en cher...

— Pas le temps ! Aidez-moi à déchirer un morceau de mon tee-shirt, lui dis-je alors que j'essayai déjà de le faire d'une seule main.

Il ne discuta pas et sans hésiter, tira sur l'étoffe qui se déchira facilement dans un bruit doux et feutré. Je m'en saisis aussitôt avant d'en faire une boule grossière.

— ça va faire mal ! prévins-je Lynch, alors que j'appliquai le chiffon sur la plaie en appuyant le plus fort possible.

Il grogna sous le coup de la douleur, alors que cette dernière le sortait de sa torpeur et qu'il agrippait ma main, la serrant avec force.

— Allez me chercher du désinfectant, une aiguille et...

— Vous ne pouvez pas rester là ! On va retraverser et...

— On ne peut pas le bouger ! La balle de votre tireur du dimanche l'a blessé au cou. Je dois recoudre tout de suite avant qu'il ne se vide de son sang ! lui expliquai-je d'un ton qui me parut froid et horriblement détaché.

Pourtant, détachée, je ne l'étais pas... loin de là ! J'étais anéantie, exténuée et terrorisée. Même si mon esprit peinait à l'admettre, nous venions de perdre Connors et il était absolument hors de question que cela se reproduise avec Lynch ! me hurla ma conscience, alors que je le sentais s'affaisser sous mes mains, glissant lentement au sol dans son propre sang. 

Virgin Territory-Isolated System Tome 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant