Chapitre 35-2

1.8K 298 38
                                    


— Gabe, reste avec moi ! Gabriel, tu m'entends ? Ouvre les yeux ! Ne t'endors pas, pas encore, tu dois rester éveillé !

Mes imprécations devenaient moins sonores et plus désespérées à chaque seconde qui passaient. Mais qu'est-ce qu'ils faisaient avec le matériel de suture bon sang ! pestai-je intérieurement, alors que le flux de sang, freiné mais non stoppé, continuait à s'écouler lentement entre mes doigts, drainant la vie de Lynch au rythme de ses battement cardiaques de plus en plus lents.

— C'est ça qu'il vous fallait ? me demanda Josef, alors que je sursautai violemment, surprise, tellement mon attention était focalisée sur Lynch.

J'avisai le kit de suture flambant neuf et encore dans son emballage protecteur qu'il me tendait, n'en croyant pas mes yeux ! Comme ce n'était pas le moment de lui demander où il faisait son marché, je m'en saisis avant de réaliser que d'une seule main, je n'arriverais à rien.

— Je vais avoir besoin de votre aide ! Prenez ma place et maintenez la pression, n'hésitez pas à appuyer, lui dis-je en appliquant d'autorité sa main à la place de la mienne, sans lui laisser le choix de refuser.

Je vis à son regard, constamment fixé sur la cage et la créature qui s'y trouvait désormais, qu'il aurait préféré être n'importe où plutôt qu'ici. Néanmoins il ne se déroba pas, tandis que je déchirai l'emballage et me saisissais de la bouteille remplie de liquide clair.

— C'est du désinfectant ?

— De la mauvaise gnole, mais je n'ai pas eu le temps de trouver mieux. Vu le degré d'alcool, ça devrait faire l'affaire, rien ne peut survivre à ça !

Je lui fus reconnaissante de sa tentative d'humour, même si j'étais bien trop stressée pour y répondre. Je dévissai le bouchon à la hâte avant de répandre un peu de son contenu sur mes mains afin d'éviter au maximum les risques d'infections secondaires, puis je passai le fil spécial dans l'aiguille courbe avant de m'approcher de Lynch.

— ça va piquer ! le prévins-je même si j'étais trop douloureusement consciente qu'il ne pouvait pas m'entendre, alors que Josef s'écartait et que je versais le liquide sur la plaie.

La brulure de l'alcool et la première morsure de l'aiguille, le sortirent instantanément de l'inconscience, dans un cri primal et inarticulé.

— Gabe, je sais que ça fait mal mais tu ne dois pas bouger ! Josef, tenez-le ! m'écriai-je tandis que le mouvement brusque de Lynch manquait m'arracher l'aiguille des doigts et aggraver encore sa blessure.

Il souleva brièvement les paupières, ses yeux voilés par l'épuisement et la douleur se rivant aux miens un bref instant, avant qu'il ne les referme avec une lassitude résignée.

— Vas-y, murmura-t-il en trouvant encore la force d'agripper ma cheville.

Sans aucune hésitation, car ce n'était pas le moment d'en avoir, je repris mon travail de couture. Les points étaient grossiers et l'ensemble laisserait sans doute une vilaine cicatrice qui, si je parvenais à le sauver, serait le cadet de ses soucis. L'entreprise était délicate compte tenu de l'urgence, du tremblement de mes mains et du sang qui rendait mes doigts poisseux et glissant. Une fois mon travail fini et l'hémorragie enfin sous contrôle, je désinfectai une nouvelle fois accompagnée des gémissement sourd de Lynch, qui me crevait le cœur.

— Maintenant on peut le déplacer, dis-je à Josef d'une voix rendue atone par l'épuisement en me remettant debout.

Nous l'installâmes dans la barque avec précaution et le transportâmes ensuite jusqu'à leur pseudo-infirmerie avec autant de prudence. Contrairement à ce que j'avais espéré, personne ne vint nous aider et c'est à bout de force que je déposais Gabe sur le lit de fortune installé à l'écart des autres, sans doute par peur de la contagion.

Virgin Territory-Isolated System Tome 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant