Chapitre 32-1

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Complètement paniquée et aveuglée, je me laissai entraîner au sol sans vraiment réagir, mes oreilles saturées des grognements et cris des monstres qui revenaient à la charge malgré la diversion.

— Vite, il faut me suivre ! réitéra la petite voix, sa main toujours agrippée à mon poignet.

Je résistai, cherchant à tâtons Lynch, invisible au milieu de la fumé résiduelle.

— Vite !

— Je ne peux pas partir sans mon ami ! répondis-je d'une voix rauque et désespérée, ma main griffant toujours le vide.

Je crus que mon cœur allait sortir de ma poitrine à l'instant où la main de Gabe attrapa mon bras. Je m'empressai d'inverser la prise et de le tirer vers moi.

— Suis-moi, il y a une issue, lui murmurai-je en me laissant enfin entrainer par notre sauveuse inconnue.

La vue toujours brouillée et parsemée d'éclairs blanc, je suivis la vague forme brune que je voyais se mouvoir devant moi. Elle disparut soudain à l'intérieur du mur où je la suivis sans hésiter, les monstres grouillants autour de nous, heureusement aussi momentanément aveugle que nous. Pendant un instant, je crus ne pas parvenir à me faufiler dans l'espace étroit s'ouvrant dans le mur, au ras du carrelage crasseux. Je m'y glissai malgré tout sans trop de difficultés sous les imprécations inquiètes de notre sauveuse. Un air lourd et chargé d'humidité remplaça instantanément la poussière et l'odeur de charogne qui nous collait à la peau depuis que nous avions pénétré dans l'hôtel en ruine. De la terre parsemée de cailloux et de racines remplaça bien vite le carrelage tandis que je m'asseyais maladroitement dans l'espace confiné, attendant que ma vue finisse de se rétablir et que Gabe nous rejoigne.

Dès qu'il parvint, non sans mal, à glisser sa carrure dans l'ouverture, notre sauveuse s'empressa de camoufler l'entrée de la galerie avec une plaque en acier qu'elle cala avec une grosse pierre.

— ça va suffire à les arrêter ?

— Oui, heureusement ils sont pas très malin.

— Qui es-tu ? lui demandai-je, observant la frêle silhouette recouverte d'une sommaire cape marron à capuche, ne nous laissant rien percevoir de ses traits.

— Plus tard les questions, on reste pas là, nous dit-elle en s'engageant à quatre pattes dans le boyau s'ouvrant devant nous.

Après un bref regard à Gabe, je la suivis, forçant mes muscles raides et endoloris à se mettre en mouvement. Maintenant que nous étions en relative sécurité, la tension retombait, invitant la fatigue à se mêler à la fête. Mes membres tremblaient sous l'effort supplémentaire que me demandait cette éprouvante reptation souterraine, tandis que mon cerveau essayait d'analyser les horreurs que nous venions de vivre. Où était les autres ? Étaient-ils vivants ? Les reverrions-nous ?

— Tu as vu nos amis ? lui demandai-je alors que ma main glissait sur un caillou et que je m'étalais dans la poussière ne sachant pas si je trouverai la force de me relever.

— Eux courir dans l'autre direction. Moi réussir à suivre que vous, me répondit-elle en s'arrêtant. Il faut continuer, on est presque arrivé.

Sa manière de parler m'intriguait malgré mon épuisement. Elle semblait connaître notre langue, mais la parlait avec un étrange accent et des tournures de phrases simplistes. Ses réflexions terre-à-terre m'aidèrent à me reconcentrer et à puiser dans mes dernières forces pour me redresser et continuer à progresser. Au bout de quelques minutes elle s'arrêta et tapa plusieurs fois selon un schéma rythmique précis sur une surface dure qui résonna à travers le tunnel. Un bruit de raclement se fit entendre tandis qu'une lueur orangée apparaissait, à mesure qu'une ouverture se libérait.

Nous émergeâmes à la suite de la jeune fille dans une galerie plus grande et spacieuse, éclairé à intervalles réguliers par des torches fixés aux parois de terre. Tremblante et épuisée, je restai à même le sol, adossé au mur friable, n'ayant plus la force de me relever. Gabe, bien qu'en aussi piètre état que moi, se releva et s'empressa de m'aider, me maintenant contre lui.

— C'est vous qui nous avez aidé à la rivière ?

La silhouette marqua un temps d'arrêt, puis se retourna vers Lynch en rabattant son capuchon. C'était une jeune fille d'une quinzaine d'années, à la peau si claire qu'elle en paraissait presque translucide. Ses cheveux sans doute blonds étaient tellement emmêlés qu'ils en paraissaient plus foncés, renforçant l'impact de ses yeux bleus.

— Oui, mais n'en parlez pas...moi pas devoir normalement.

— Tu vas avoir des ennuis à cause de nous ? lui demandai-je continuant à la tutoyer sans savoir pourquoi.

Elle ne me répondit pas et après m'avoir fixé de son regard pénétrant, alla refermer l'accès par lequel nous venions d'arriver avant de se retourner en nous faisant signe de la suivre. C'est alors que nous marchions à sa suite que quelque chose me frappa. Où était passé la personne qui nous avait ouvert ? Pourquoi n'était-elle pas restée ?

— Qui nous a laisser entrer ? Où sommes-nous ? lui demandai-je, sentant Lynch se tendre à mes côtés.

— Il l'a fait pour moi, pour me rendre service mais, lui a peur de vous.

— Pourquoi ?

— Vous venez de dehors, vous entrer dans ville interdite, dans la cité des morts. Vous allez devoir rester ici un peu, le temps que j'explique aux autres, nous dit-elle en poussant une porte branlante faite de planches mal coupées.

Sur la défensive, nous avançâmes de quelques pas jusqu'à l'entrée de la pièce. A défaut de pièce il s'agissait plutôt une sorte d'alcôve creusée à même la terre meuble et étayer par des poutres en bois de différentes tailles et sections. Un grillage renforcé de barbelés, divisait la pièce, formant une cellule de fortune plongée dans la pénombre.

— Vous croyez vraiment que nous allons entrer là-dedans de notre plein gré ? demanda Lynch en commençant à reculer, m'entraînant avec lui.

— Ici, endroit de quarantaine pour votre sécurité et celle des miens. Si vous voulez avoir une chance de survivre, vous devez entrer là. Sinon, vous devoir retourner dans la ville.

— On ne va pas se laisser enfermer ici ?

— Gabe, lui dis-je calmement, on n'a pas le choix. Je ne pense pas que...comment t'appelles-tu ?

— Yliée, me répondit-elle après un instant d'hésitation.

— Je ne pense pas qu'Yliée nous veuille du mal, elle n'a fait que nous aider jusqu'à présent.

Réticent, il finit tout de même par se ranger à mes arguments et c'est volontairement que nous entrâmes dans la cellule dont la porte sommaire se referma sur nous avant qu'Yliée ne la condamne d'un lourd cadenas.

— Je reviens aussi vite que je peux. Vous avoir tout ce qu'il faut, eau, nourriture, endroit pour dormir. Moi revenir.

Puis, après avoir fiché sa torche près du grillage pour nous laisser un peu plus de lumière, elle partit. 

Virgin Territory-Isolated System Tome 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant