Chapitre 25-1

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Nous nous avançâmes prudemment dans les herbes hautes, du côté opposé au mur d'enceinte de la ville, que nous apercevions toujours, comme pour nous rappeler l'importance de notre mission. C'est le plus silencieusement possible, que nous parvînmes jusqu'aux premiers arbustes. Il y en avait de différentes variétés, les couleurs disparates de leurs feuillages créant un magnifique camaïeu dégradé servant d'écrin aux baies nichées en leurs seins.

— Tu crois qu'elles sont comestibles ? chuchota Oliver à Isy, en désignant de gros fruits bleu-noir ressemblant furieusement à des mûres.

— On ne le saura que si on y goûte ! Tu as envie de tenter l'expérience, toi ?

— Pas plus que ça, mais...nos provisions ne dureront pas éternellement. À un moment donné, il faudra bien se lancer.

Il avait raison, bien sûr et ces baies juteuses et gorgées de soleil semblaient nous narguer dans leur cocon de verdure. Pourtant, nous poursuivîmes notre chemin sans qu'aucun d'entre nous ne succombe à la tentation. Il serait bien temps de tenter le diable lorsque nous n'aurions plus aucune autre alternative. Nous marchâmes encore près de dix minutes, sans rien voir d'autre que des arbustes et des graminées à perte de vue.

— Vous vous étiez bien réfugiés dans une grotte avec Gabe, lorsque les oiseaux nous ont attaqué ? me demanda Oliver d'une voix agacé, en s'arrêtant à côté d'un énième buisson de ronces, découragé.

— Oui, mais c'était du côté opposé, lui répondis-je alors que nous faisions demi-tours pour aller annoncer l'inquiétante nouvelle à Lynch.

— Moi je pense qu'il n'y a aucune raison de s'inquiéter, on vient juste de partir. Le paysage va sans doute changer très bientôt, essaya de positiver Isy alors que nous arrivions en vue du reste du groupe, accablé par la chaleur.

À nos têtes et au signe négatif que lui fit discrètement Oliver, Lynch accusa le coup et ne fit aucun commentaire.

— Allons-y ! ordonna-t-il simplement, faisant signe à Oliver et Isy de prendre la tête du groupe pendant qu'il me rejoignait à l'arrière.

Nous reprîmes notre marche en silence, les yeux rivés sur le moindre brin d'herbe ou la moindre ombre mouvante. Je me sentais oppressée, de plus en plus à chaque seconde qui passait...et ce n'était pas un effet de la chaleur écrasante qui nous accablait.

— On avance beaucoup trop lentement ! maugréa Lynch entre ses dents alors qu'il levait soudain son fusil en direction d'un petite groupe d'oiseaux qui s'envolèrent soudain sur notre droite.

— C'est la chaleur. Nous aurions dû partir plus tôt ou attendre demain matin.

— Nous étions trop nombreux, le risque de ne pas trouver un endroit où nous aurions pu tous nous mettre à l'abri était trop grand et tu le sais, nous en avons déjà débattu !

— Oui, mais tu trouves la situation plus enviable, là ? Cette chaleur est...

— ...assommante...

— Non, anormale, le coupai-je à mon tour le souffle court. Il y a quelque chose qui...

Un éclair aveuglant stria soudain le ciel, emplissant instantanément l'atmosphère d'électricité statique qui fit se hérisser tous les poils de mes bras et me donna la chair de poule. Mais le plus inquiétant était l'étrange silence et l'absence de tout nuage dans le ciel, qui était toujours d'un bleu éclatant !

— Merde ! C'était quoi ça ? demanda Oliver en courant vers nous.

— Sûrement un orage de chaleur, lui répondit Lynch d'une voix anxieuse. Nous devons nous mettre à l'abri, ajouta-t-il en se remettant en marche à grandes enjambées, exhortant tout le monde à se dépêcher alors qu'un nouvel éclair immense et silencieux traversait le ciel, arrachant quelques cris apeurés autour de nous.

— Isy, Oliver, partez devant. Le premier qui trouve quelque chose, cri ! Ok ?

Ils ne perdirent pas de temps à répondre et s'élancèrent chacun dans une direction opposée.

— Hayden, tu...ressens quelque chose ? me demanda-t-il en chuchotant pour ne pas effrayer d'avantage les autres.

— Des impressions, des sensations diffuses, comme d'habitude...mais le pire est à venir, lui affirmai-je presque sans réfléchir tandis que nous accélérions encore l'allure.

Le stress des éclairs qui ne cessaient de se multiplier dans le ciel, la chaleur et le poids du sac à dos sur mes épaules rendaient ma respiration de plus en plus laborieuse. J'étais en train de ralentir malgré moi lorsque la première bourrasque arriva. Un vent chaud et puissant qui tourbillonna soudain autour de nous, apportant une moiteur oppressante à la chaleur existante. Nous nous arrêtâmes, presque hypnotisé par les premiers nuages d'un gris noirâtre apparaissant dans le ciel.

— Vite, il faut avancer ! nous pressa Lynch en m'attrapant le poignet tandis qu'il faisait de même avec Remeï, confiant les trois autres changeants à Nel.

En quelque minutes le ciel devint noir et la luminosité sépulcrale, tandis que la température baissait de plusieurs degrés d'un seul coup. Le premier coup de tonnerre fut assourdissant, tellement proche et puissant que l'air et le sol semblèrent vibrer. L'appel de Isy résonna entre deux bangs tonitruant au moment où la première goutte de pluie tomba de l'horizon plombé. Sans réfléchir nous nous dirigeâmes dans la direction de sa voix, que nous avions entendue par miracle.

Maintenant que la température avait baissé, nos foulées étaient plus longues. Nous courions, les gouttes s'intensifiant à mesure que nous pénétrions entre les arbustes. Je ne sais exactement ce qui me fit prendre conscience qu'il y avait un problème. Les plaintes ? Les premiers cris ? La douleur insidieuse puis cuisante irradiant soudain de ma main droite. Ma tête pivota presque malgré moi. Une marque rouge et boursouflée entachait ma main, on aurait dit une brûlure.

— La pluie...ce n'est pas de la pluie ! Protégez-vous et continuez à courir hurla Nel en continuant à avancer.

Nous aperçûmes Isy, sous l'extrême bord d'une saillie rocheuse, nous exhortant à nous dépêcher en faisant de grands gestes des bras. Nous nous précipitâmes sous le surplomb rocheux, nous poussant aussitôt pour faire de la place au reste du groupe. La plupart se laissèrent tomber sur le sol, n'ayant même pas la force de s'avancer plus avant vers les profondeurs de la petite grotte attenante.

— Où est Oliver ? s'écria Isy, la voie serrée d'angoisse.

— On le croyait avec toi !

— Non, je pensais qu'il vous avait rejoint ! On ne peut pas le laisser sous cette...pluie ! Il faut l'aider ! s'exclama-t-elle en s'élançant hors de l'abri.

Nous fûmes plusieurs à crier simultanément pour la retenir, seul Lynch passa à l'acte et la ceintura la stoppant net à un centimètre de la dangereuse ondée.

— Isy, arrête, c'est trop risqué.

— Mais on ne peut pas le laisser...

— Non, tu as raison, lui répondit-il en se relevant tandis qu'il s'emparait d'un sac à dos, l'ouvrait pour en vider son contenu, puis après l'avoir positionné sur sa tête à la manière d'un grotesque chapeau, se précipita à l'extérieur avant que quiconque ne puisse l'en empêcher. 

Virgin Territory-Isolated System Tome 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant