Chapitre 7-2

3K 435 64
                                    






L'eau chaude, limite brulante se mit à ruisseler sur mon corps sur mon corps meurtri, emportant avec elle toute la poussière, le sang et la crasse accumulés depuis notre fuite du complexe, il y avait de cela un millier d'années me semblait-il. La saleté était tellement incrustée dans tous les pores de ma peau que je dus me savonner trois fois entièrement avant de me sentir enfin propre. Je n'avais jamais pris de douche aussi longue de toute ma vie et je la savourais autant que je le pus.

Nous nous étions tellement précipitées que nous n'avions même pas vérifier s'il y avait des serviettes dans la salle de bain. Je les trouvai pliées et bien ordonnées sur l'un des bancs en bois sombre rivé au mur. C'est donc dégoulinante, que j'allais en chercher une en prenant bien garde à ne pas glisser. Malgré mon impression d'être restée des heures sous le jet brulant, j'étais la première à en être sortie, constatai-je en m'enroulant dans l'éponge moelleuse avant de m'approcher de l'un des miroirs. Je pris conscience en me regardant brièvement dans la surface réfléchissante, que je n'avais pas vu mon reflet depuis des jours. Mais vu ce que me renvoyait la psyché, cela aurait aussi bien pu être des mois.

Ma peau, auparavant blanche et blafarde lorsque je vivais encore à l'E.E.V, était à présent hâlée et asséchée par le soleil. À tel point qu'elle me tiraillait et me faisait paraitre plus vieille que je ne l'étais en réalité. À moins que ce ne soit toutes les épreuves que je venais de traverser qui m'avait endurci et vieilli prématurément. Mon regard gris avait perdu tout son éclat et paraissait hanté, quand à mes cheveux...ce n'était plus qu'une masse informe et emmêlée.

Devant ce triste constat, mon regard dériva et tomba sur les corbeilles en plastique noir, posée à droite de chaque vasque et remplies de tous le nécessaire de toilette. Ils avaient pensé à tout, me dis-je en me saisissant d'une brosse avant de m'attaquer au sac de nœud qu'étaient devenus mes cheveux. Mais au bout de deux minutes de lutte acharnée, la brosse y avait perdu des dents et j'en étais toujours au même point. De rage, autant que de frustration, je la balançai dans la corbeille, faisant tomber cette dernière sur le sol.

— ça va ? Qu'est-ce qui se passe ? demanda Isy, toujours sous la douche, alors que les conversations avaient cessé d'un seul coup.

— Rien, j'ai simplement fait tomber quelque chose, lui répondis-je en m'accroupissant pour réparer ma bêtise tandis que les conversations reprenaient.

Alors que je me relevais, la boîte dans les mains, les ciseaux posés en vrac au milieu du reste me sautèrent soudain aux yeux et sur une impulsion, je m'en emparai. Puis, sans prendre plus le temps de réfléchir, je réunie mes cheveux en une queue de cheval épaisse et commençai à couper.

— Hayden, qu'est-ce que tu fais ! s'exclama Isy alors que je m'acharnai avec des gestes tremblants et inefficaces tandis que des larmes commençaient à couler sur mes joues.

Comme je ne lui répondais pas, elle s'approcha et en douceur posa ses mains sur les miennes.

— Envie de changement, c'est ça ? me demanda-t-elle avec un petit sourire. Et si tu me laissais faire ? Je ne suis pas une grande coiffeuse mais je pense, sans aucune prétention, que je ne pourrais pas faire pire que ça !

Son regard exagérément comique dans la glace me fit sourire malgré mes larmes et je capitulai en abaissant mes mains. Pendant de longues minutes elle essaya de rattraper mon massacre. Plus elle coupait et plus je me sentais légère et différente. Au final, les autres filles finirent par nous entourer et par nous observer en silence. Toutes sauf Lada, qui quitta la salle de bain sans un mot.

— Merci, lui dis-je simplement au moment où elle déposa les ciseaux dans le lavabo.

— Ne me remercie pas encore, attend qu'ils soient secs ! Tu risques de me maudire dans peu de temps, s'esclaffa-t-elle en me souriant gentiment.

Il y avait peu de chance, me dis-je tandis que parvenais enfin à passer un peigne dans mes mèches raccourcies. Mes cheveux qui m'arrivaient auparavant au milieu du dos, frôlaient à présent à peine mes épaules et paraissaient plus sombres et plus ondulés qu'auparavant. Maintenant qu'ils étaient enfin propres et démêlés, ils semblaient flotter autour de mon visage comme un nuage vaporeux, adoucissant mes traits tout en les rendant plus audacieux à la fois.

Constatant que j'étais la dernière, je m'empressai de me brosser les dents et allai rejoindre les autres dans la chambre. Passer des vêtements propres fut un nouvel instant de bonheur et c'est avec la sensation étrange d'être une autre que je m'assis enfin sur le bout de mon lit, légèrement hébétée. Mon regard dériva sans but, jusqu'à tomber sur le dernier lit, sa pile de vêtement toujours pliée sur la couverture impeccable et je ne pus m'empêcher de me sentir coupable.

Comment avions-nous pu la laisser là-bas ! C'était de ma faute, si j'avais mieux maîtrisé mon pouvoir, je n'aurais pas fait de crise, on s'en serait tout de suite rendu compte, je serais retournée la chercher, je...

— Hayden, arrête de te torturer, me dit Connie en enfilant ses basquets. Tu ne peux rien y changer et tu n'y es pour rien, alors passe à autre chose !

Son ton était dur, mais sans méchanceté cependant. C'était ce que j'avais besoin d'entendre et elle le savait, décidemment elle me connaissait bien.

— Bien, on est propre, toutes habillées comme des clones...et on fait quoi maintenant ? On attend sagement comme des moutons à l'abattoir !

— Tu as une autre suggestion pertinente à partager Lada ? lui répondis-je en me levant pour la toiser de toute ma hauteur. Non ? Alors je te conseil de la boucler.

— Sinon quoi ?

— Sinon tu vas te prendre mon poing en pleine figure, lui susurrai-je d'un ton venimeux. J'en ai plus que mare de tes remarques stériles et déprimantes et je ne suis pas la seule.

— Eh bien vas-y ! commença Lada en se levant à son tour pour me provoquer.

— Elle a raison ! intervint Ophélia. Mais qu'est-ce qu'il t'arrive bon sang ! Ressaisie-toi !

Pour toute réponse elle nous jeta un regard mauvais et d'un pas rageur sortie de la pièce en claquant la porte.

— Son comportement n'est pas normal, commenta Ophélia d'une voix triste et inquiète. Nous étions amie. Elle a toujours été gentille et à l'écoute des autres et là...c'est une vraie furie, méchantes et agressive...ça ne choque que moi ? s'exclama-t-elle d'une voix malheureuse en nous regardant à tour de rôle.

— Depuis quand est-elle comme ça ? lui demandai-je, sentant l'inquiétude me gagner à mon tour.

C'est vrai que son comportement était étrange. Nous avions mis ça sur le compte du stress et de la peur, mais s'il y avait autre chose ?

— Je ne sais pas trop, me répondit-elle lentement tandis qu'elle réfléchissait avec une intensité visible.

— Avant ou après que nous ayons franchis le dôme ? demanda Isy, se joignant à la conversation.

— Je dirais après, mais je n'en suis pas certaine. Vous pensez à quoi ?

— A rien pour le moment, mais tu as raison, ce n'est pas normal.

— Rien n'est normal depuis quelques temps et même si je suis d'accord avec vous pour penser que c'est préoccupant, ce n'est pas le plus important ! s'exclama Connie. Qu'est-ce qu'on fait là ? Qu'est-ce qu'ils nous veulent ? Ils essayaient de nous éliminer par n'importe quel moyen et maintenant ils nous soignent comme des hôtes de luxes...ça n'a aucun sens !

— Tu as raison, mais...

— Les filles ! Vous devriez venir voir ça, nous cria soudain Oliver de l'autre côté de la porte, interrompant notre discussion et nous faisant nous précipiter sur la porte, une inquiétude palpable et visible sur tous nos visages épuisés.

Virgin Territory-Isolated System Tome 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant