Chapitre 39-2

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Si les autres parurent surpris par mon ton incisif et mes manières un peu brusques, ils ne firent aucun commentaire lorsque nous passâmes devant eux pour atteindre le passage voûté, seulement séparé de la pièce principale par un rideau. De l'autre côté, plusieurs petites pièces aveugles en enfilade, semblaient s'enfoncer plus avant dans la roche. Nous en traversâmes deux pour finir dans la dernière, sorte de petit cellier circulaire où régnait une fraîcheur sèche et agréable. Je stoppai au milieu des étagères recouvertes de bocaux de conserves et de bidons remplis d'eau et me tournai vers Connors qui attendait, stoïque.

— Depuis quand fais-tu semblant exactement ?

Les accents acrimonieux de ma voix avaient filtré malgré mon intention première de les garder pour moi. J'étais, bien évidemment, soulagée qu'il ait retrouvé la mémoire mais le fait qu'il nous l'ait caché me dérangeait, sans que je ne sache réellement pourquoi.

— C'est revenu par bribes, progressivement, me répondit-il d'une voix calme.

— A partir de quand ?

— En quoi cela est-il important ?

— ça l'est pour moi.

Je vis quelque chose passer dans son regard, puis ses épaules se détendirent légèrement tandis qu'un léger soupir franchissait ses lèvres.

— Quelques minutes après ton départ. Mais, c'était tellement étrange et... je ne me souvenais pas de tout, ni de qui vous étiez exactement. Je reconnaissais ton visage et ton odeur... mais sans parvenir à y adjoindre autre chose.

— Et maintenant ?

— ça me revient, mais... les sentiments... c'est encore un peu embrouillé. Je me rappelle très bien l'attaque, de la peur, de la douleur et surtout de la terreur profonde que j'ai ressentis pour vous... pour toi à l'idée que vous tombiez sur ces créatures.

— Pourquoi tu ne me l'as pas dit plus tôt ?

— C'était flou et...

Il s'interrompit, visiblement troublé. Son regard s'attarda sur mon visage, mes lèvres et un petit sourire tendre étira les siennes.

— J'ai ressenti que tu étais presque aussi perdue que moi.

Pendant quelques secondes je le fixai sans comprendre.

— J'ai de l'affection pour toi et tu en as pour moi, mais... ce qu'il y a entre Gabe et toi, c'est différent.

Perdue à mon tour et troublée par ses paroles inattendues, je restai là, sans répondre.

— Ce truc et horrible. Il te grignote le cerveau jusqu'au... néant. Je ne sais pas comment l'expliquer, mais quand j'ai emprunté ton pouvoir de guérison j'ai d'abord dû lutter contre ce rien, cette obscurité qui embrumait ma conscience et oblitérait tout ce que j'étais réellement. Pui est survenue ce terrible moment où je reconnaissais les choses et les personnes mais sans pouvoir les nommer et quand enfin cela à commencer à revenir, je ressentais les choses différemment.

— Donc, tu veux dire que... quoi ? Tu ne nous fais plus confiance ? lui demandai-je d'une voix étranglée.

— Bien sûr que si, me répondit-il aussitôt en prenant mes mains dans les siennes. Mais à nos nouveaux « amis » en revanche, non. J'ai peut-être tort et j'espère d'ailleurs que c'est le cas, mais je pense qu'il vaut mieux rester prudent sur ma guérison fulgurante. Mais, tu as raison, j'aurais dû te le dire.

— Ce n'est rien, je voulais juste être sûr que...

— Que j'étais vraiment moi ?! me demanda-t-il dans un petit rire.

— Oui, sans doute. J'ai eu tellement peur, lui avouai-je, ma voix se mettant à trembler malgré moi.

Ses yeux se voilant d'une trace de remord, il m'attira à lui et me prit dans ses bras. Je me blottis naturellement contre lui, infiniment soulagée de le savoir réellement et pleinement guéri.

— Merci, me murmura-t-il à l'oreille. Je ne prends pleinement conscience que maintenant du courage qu'il t'a fallut pour venir à mon aide.

— Tu en aurais fait autant pour moi, lui répondis-je, réconfortée et en même temps étrangement gênée par notre étreinte.

— Tu sais, j'ai pris conscience d'une chose, me dit-il d'une voix très sérieuse en se dégageant légèrement pour me regarder dans les yeux. Gabe tient vraiment à toi, et même si tu ne t'en es pas encore complètement rendu compte, toi aussi.

Soudain gênée par la véracité de ses paroles et la proximité de nos deux corps, j'essayai de me dégager de son étreinte.

— Ah, je constate que tu as enfin ouvert les yeux, me dit-il en rigolant doucement tandis qu'il me couvait d'un regard tendre et complice qui me déstabilisa.

— Connors, je suis désolée, je...

— Ne le sois surtout pas, ajouta-t-il à ma grande surprise. Je t'aime... beaucoup, mais cette horrible expérience m'a fait réaliser que cet amour, aussi sincère soit-il, n'était pas aussi profond que celui que te porte Gabe.

— C'est plus comme une très profonde amitié, murmurai-je d'une petite voix, rattrapée par la réalité.

Je prenais soudain conscience que je le savais depuis longtemps, mais je crois que la peur de perdre Connors et les sentiments forts que nous partagions, m'avaient forcé à me voiler la face tout ce temps.

— Quelque chose que tu ne perdras jamais. Viens-là, me dit-il avec un doux sourire en me serrant tendrement dans ses bras.

Je restai là de longues minutes à osciller entre le soulagement et la tristesse. L'étreinte vraie et pleine de réconfort de Connors me fit tellement de bien, surtout maintenant que les choses étaient claires entre nous, que je n'avais pas envie que ça s'arrête.

— Hey, rejoignons les autres avant qu'ils ne se posent des questions. Surtout un certain brun facilement irascible et jaloux ! plaisanta-t-il dans un petit rire en me lâchant à contrecœur.

Je m'essuyai rapidement les yeux et attrapant la main de Connors, le suivit hors de la pièce. Comme il l'avait si justement prophétisé, nous tombâmes sur Lynch que Nel était en train d'aider à s'installer sur le simple lit en bois de la première chambre. Le regard qu'il nous lança valait tous les discours.

— Je vais aller me reposer dans le salon. Gabe, je te la confis, je crois que vous avez beaucoup de choses à vous dire, ajouta-t-il avant de s'empresser de sortir, Nel sur ses talons. 

Virgin Territory-Isolated System Tome 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant