Chapitre 24-2

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Il était aux alentours de midi, lorsque nous fumes enfin prêts à partir. Le soleil, à son zénith, tapait fort, nous obligeant à rechercher la moindre flaque d'ombre disponible. La répartition c'était finalement faite sans heurts, ni tergiversations inutiles. Je me trouvais dans celui qui partirait à la recherche de l'autre ville peut-être protégée du cataclysme, ou « l'oasis », comme certains avaient commencé à l'appeler. Lynch, Oliver et Isy seraient du voyage avec moi, en complément de Nel et Remeï, Hector et deux trois autres changeants dont je ne connaissais pas les noms. Connors et Blake, géreraient l'autre groupe et tenteraient de trouver un moyen de désactiver le bouclier de l'extérieur. Nous étions sensés nous contacter une fois par jour avant la tombée de la nuit, via le système de communication que nous avions réussi à subtiliser avant de partir. Restait à espérer qu'il fonctionnerait une fois éloigné de la ville.

Ce qui avait demandé le plus de temps, au final, était la question cruciale : quoi faire de nos prisonniers ? C'était Isy qui avait fini par trancher avec son impétuosité habituelle, en les assommants avec la crosse de son arme. Elle leur avait ensuite liées les mains, avant de cacher un couteau à proximité pour leur permettre de se libérer, le but étant de les retarder assez pour ne pas qu'ils ne puissent nous suivre. J'étais un peu inquiète pour Connors et son groupe qui resteraient à proximité, mais Blake m'avait promis à mi- mot, qu'à la moindre tentative ou coup fourré de leurs parts, il n'aurait aucune hésitation. On leur laissait une chance, il n'y en aurait pas deux.

Le moment du départ arriva enfin, nous étions tous effrayés mais curieusement impatient en même temps. Impatient de découvrir ce monde, aussi effrayant soit-il et surtout un autre endroit peuplé d'autres hommes...c'était exaltant. Connors et moi nous étions faits nos adieux presque une heure auparavant, à l'abri des regards. J'avais insisté pour qu'il emprunte mes pouvoirs une nouvelle fois. Mais tous, cette fois-ci. Le contact avait dû durer au moins quinze minutes avant qu'il ne soit certain de l'efficacité du transfert.

« Je l'ai fais plus pour te tranquilliser, qu'autre chose », m'avait-il affirmé avec un doux sourire avant que nous ne nous séparions. Pour combien de temps, aurions-nous la chance de nous revoir ?

— Hé, Hayden, c'est le moment de partir ! m'interpella Isy. Tu étais partie où, là ?

— Nulle-part, lui répondis-je en mettant en route à la suite des autres, qui avaient déjà cinq bon mètres d'avances sur nous.

— C'est ça, à d'autres ! Tu pensais à beau brun ténébreux, avoue ! me taquina-t-elle avec un petit clin d'œil, bien que son regard acéré continuait à fouiller dans toutes les directions, à l'affût du moindre danger.

— Ce n'est franchement pas le moment de parler de ça, tu ne crois pas ?

— Si, justement ! ça nous évitera de trop stresser et gamberger sur ce qui nous attends.

— Toi, stressée ?! Tu es la fille la plus décontractée et blasée que j'ai jamais vu !

— Ce qui, soit dit entre nous, n'est pas une référence vu d'où tu viens, se moqua-t-elle de nouveau.

Elle stoppa soudain et braqua son fusil sur notre gauche. Je l'imitai sans réfléchir, le cœur battant soudain la chamade au fond de ma gorge. Deux petits oiseaux fauves, s'envolèrent en piaillant, manquant me faire appuyer sur la détente par réflexe.

— Tout va bien ? nous demanda Oliver, de la tête du groupe, où tout le monde s'étaient arrêtés, attendant de voir ce qu'il se passait.

— Oui, fausse alerte, c'était seulement des piafs, répondit Isy. Dommage qu'il ne faille pas gaspiller les munitions, maugréa-t-elle tout en reprenant sa marche, elles auraient certainement été meilleurs que nos conserves.

— Personne ne nous dit que leur chair est consommable, lui rappelai-je tout en laissant mon regard errer sur le décor qui nous entourait et auquel je n'avais pas prêté attention depuis notre départ.

Nous avancions au milieu d'une herbe de différents tons de verts, qui nous arrivait au niveau des genoux. Des insectes, dérangés par notre présence, sautaient ou s'envolaient à presque chacun de nos pas, nous entourant d'un ballet coloré et aérien bucolique et magnifique. A quelques mètres sur les côtés de petits arbustes foisonnaient, offrant un paysage verdoyant et reposant. Seule la muraille de béton suivant la barrière de protection, encore visible sur notre gauche, venait nous rappeler que, tout enchanteur que soit le paysage, nous étions en terrain hostile et que tout ce qui nous entourait était potentiellement dangereux.

— Alors, tu n'as toujours pas répondu à ma question ?

— Sûrement parce que je n'en ai pas envie !

— Plus sérieusement, tu vas choisir qui ? Gentil ténébreux numéro 1, ou horripilant ténébreux numéro 2 ?

Je pouffai bêtement sans pouvoir m'en empêcher à l'entente de ces surnoms ridicules mais qui leur allait tellement bien au final.

— Il n'y a pas de choix à faire, car il ne se passe rien pour le moment.

— Tu plaisantes ! Se bécoter dans les couloirs tu appelles ça rien, toi ?

— C'est un crime de ressentir de l'attirance pour quelqu'un et d'avoir un besoin réciproque de réconfort par moment ? Pour l'instant, ce n'est que ça et cela le restera tant que nous risquerons nos vies à chaque seconde. Je ne peux pas et ne veux pas me projeter. Connors le comprend, Lynch non ! C'est son problème, pas le mien.

— Tu n'as peut-être pas tort, me répondit-elle en poussant un long soupir tandis, qu'elle essuyait son front transpirant d'un revers de bras.

La chaleur était assommante. Aucune ombre pour s'abriter et au fil des minutes, toujours le même décor herbacé, exempt de tout arbre ou endroit frais où se réfugier.

— Les mecs, tous les mêmes ! ajouta-t-elle avec un petit sourire en coin en se retournant vers moi.

— Tu veux dire que...c'est qui ? lui demandai-je, excitée par la nouvelle qui me permettait de ne plus penser à la chaleur écrasante.

— Oliver, m'avoua-t-elle du bout des lèvres. Mais pour le moment cela se résume uniquement à un baiser échangé dans un moment de détresse. Lui voudrait que l'on en parle et moi...je suis comme toi. Pour l'instant...ce n'est pas le moment !

Malgré la surprise que sa révélation me provoqua, je ne dis rien. J'étais contente pour eux et quelque part cela me rassurait...la vie continuait malgré le stress, les épreuves et l'épée de Damoclès que nous avions tous au-dessus de la tête. Alors que je me demandais quoi lui répondre, Lynch leva sa main en l'air, poing fermé et tout le monde s'arrêta. Nous comblâmes les quelques mètres qui nous séparaient du reste du groupe, tous le souffle court et le front dégoulinant.

— Nous allons faire une petite pause, nous apprit-il en jetant un regard noir aux trois silhouettes déjà avachies par terre, visiblement exténué. Profitez-en pour vous reposer et boire un peu d'eau, tout en faisant attention à vos réserves.

— Pourquoi nous n'en profiterions pas pour inspecter un peu les alentours ? proposa Oliver, visiblement pas plus emballé que nous de rester debout en plein soleil. On pourrait déjà chercher un abri potentiel pour la nuit...

— Déjà ! s'étonna Nel. Nous avons à peine parcouru deux kilomètres depuis que nous sommes partis !

— O' a raison, trancha Lynch aussitôt. Autant avoir un endroit de repli potentiel si nous ne trouvons rien plus avant. Vas-y, mais emmène au moins deux personnes avec toi.

Oliver acquiesça d'un signe de tête et vint vers nous d'un pas énergique.

— Vous venez ? nous demanda-t-il, un sourire contagieux au coin des lèvres. 

Virgin Territory-Isolated System Tome 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant