Chapitre 33-1

2K 293 40
                                    


A la seconde où il entendit le bruit, et avec des gestes sûrs, Gabe remit le cadenas en place en prenant bien garde de ne pas le reverrouiller. Puis il me fit signe d'aller m'assoir sur le lit, tandis qu'il s'asseyait par terre en face de moi dans une pose en apparence décontractée, même si je savais qu'il n'en était rien. L'attente faisait battre mon cœur crescendo à mesure que les bruits de pas se rapprochaient. Nous savions déjà que ce n'était pas Yliée, car la force et la cadence des pas ne collaient pas avec son frêle gabarit. Nous tournâmes tous deux la tête vers la grille lorsque nos visiteurs s'arrêtèrent devant.

Ils étaient trois. Un homme barbu et balafré, âgé à première vue d'une bonne quarantaine d'années et deux hommes plus jeunes, un fusil dans les mains, semblant lui servir de garde rapprochée.

— Qui êtes-vous ? nous demanda-t-il sans préambule et d'une voix autoritaire.

— Je vous retourne la même question ? lui répondit Lynch sur le même ton en se levant et en s'approchant de la grille.

Les deux soldats eurent un mouvement de recul instinctif, alors que leur chef ne tressaillit même pas alors que Gabe continuait d'avancer vers lui.

— Je me nomme Josef Lamb et je suis celui qui essai de maintenir en vie les infortunés habitants de cette ville maudite. À vous maintenant.

Je ne savais pas si sa formulation était naturelle ou savamment étudier pour gagner notre confiance, mais cela sonnait vrai. Cet homme m'inspirait étrangement confiance, sans que je ne puisse expliquer pourquoi et je sentis qu'il en était de même pour Lynch lorsque je vis ses muscles se détendre et sa posture devenir moins agressive.

— Gabriel Lynch et Hayden, nous venons de Last City.

— Oui, c'est que m'a aussi dit Yliée et vous voyez, c'est là que le bas blesse ! Pourquoi venir maintenant ?

— Comment cela ?

— Comment va-t-elle ? demandâmes-nous simultanément.

— Yliée va bien, pourquoi voudriez-vous qu'il en soit autrement ? me répondit-il d'une voix surprise avant de reporter son attention sur Lynch.

— Vous avez refusé de nous venir en aide et de nous accueillir lorsque le drame est survenu. Sous prétexte que vous ne pouviez pas désactiver le bouclier et maintenant, plusieurs décennies plus tard, vous voilà ! Que devrions-nous en penser selon vous ? lui dit-il, clairement sur la défensive.

— Que jusqu'à il y a quelques jours c'était vrai et techniquement cela l'est toujours. Le bouclier ne peut pas être désactivé.

— Alors comment êtes-vous arrivés jusque-ici dans ce cas.

— Grâce à Hayden, c'est elle qui nous a fait passer, mais c'est une longue histoire.

— ça tombe bien, j'ai tout mon temps et vous aussi à première vue.

— Nous ne vous expliquerons rien, tant que vous nous maintiendrez derrière ces barreaux.

— Alors, j'ai bien peur que vous ne risquiez d'y demeurer indéfiniment dans ce cas...

Les deux hommes se toisèrent fixement durant de longues minutes. Hormis le bruit de nos respirations, aucun bruit de venait perturber leur joute visuelle, qui commençait à appesantir l'atmosphère, rendant les deux jeunes gardes nerveux et me tapant sur les nerfs.

— Certains individus des dernières générations ont développé des sortes de...pouvoirs. Le mien me donne la capacité de me téléporter et d'emmener d'autres personnes avec moi, expliquai-je sous le regard noir et contrarié de Gabe. Vous n'avez pas eu ce genre de...mutation parmis les vôtres ?

— Si ce que vous dites est vrai, vous auriez donc la possibilité de nous faire pénétrer dans votre cité ?

— Techniquement, oui. Mais ce ne serait pas souhaitable pour vous. Les habitants de Last City sont en train de mourir, lentement asphyxié par leur propre dôme de protection. En réalité, nous étions venus chercher votre aide, achevai-je d'une voix sinistre en me levant à mon tour pour rejoindre Gabe, qui n'avait toujours pas l'air enchanté de ma confession.

Du découragement et du désespoir s'inscrivirent brièvement sur le visage marqué de Josef.

— Je crois que nous avons beaucoup de choses à nous dire, finit-il par lâcher dans un soupir en sortant une petite clef de sa poche.

— Pas la peine, je l'avais déjà ouvert...au cas où, lui avoua Lynch sans honte.

Joseph se contenta d'un petit sourire entendu tandis qu'il dégageait le cadenas et ouvrait la porte avant de s'avancer vers nous.

— Une petite formalité avant de vous laisser nous suivre, précisa-t-il en levant la main en direction de Gabe, qui recula aussitôt. Je veux juste vérifier que vous n'avez pas de fièvre, lui expliqua-t-il d'un ton impatient.

— C'est comme cela que ça se manifeste ? lui demandai-je, alors qu'il passait rapidement sa main sur mon front. C'est quoi ? Une maladie ?

— Je vous expliquerais tous plus tard, pour le moment suivez-moi.

Nous obtempérâmes et suivîmes Josef, les deux gardes restant derrière nous bien que leurs armes restent inertes le long de leur flanc. Nous cheminâmes de galeries en galeries pendant un certain temps. J'essayai de trouver des repères au cas où nous devrions partir précipitamment, mais tous les boyaux se ressemblaient, jusqu'à ce que nous débouchions dans une nouvelle partie. Là, plus de terre et d'étais branlant mais des murs en pierres solidement maçonné, ainsi que le sol recouvert de pavés. Une forte odeur d'humidité flottait dans l'air, expliqué aisément par l'eau s'écoulant lentement dans un canal juste devant nous.

— Nous sommes dans les égouts, commenta Lynch d'un ton légèrement admiratif tandis que les deux gardes condamnaient l'accès par lequel nous venions d'arriver d'une lourde plaque métallique, doublée de deux grosses pierres qu'ils eurent du mal à mettre en place, même à deux.

— En effet. C'est le refuge naturel que nous avons trouvé lorsque l'horreur s'est produite. Nous n'en avons pas trouvé de meilleure depuis, donc...nous y sommes restés, nous expliqua Josef en nous entraînant sur la droite.

— Vous n'avez pas peur des problèmes sanitaires, avec toute cette eau plus ou moins stagnante à proximité.

— Oui, malheureusement, mais croyez-moi, c'est bien le cadet de nos soucis, me répondit-il d'un ton las alors que nous débouchions dans une nouvelle pièce.

C'était un grand espace entouré de canaux, auquel il était possible d'accéder par un pont rudimentaire constitué de morceaux de meubles assemblés. Une sorte de camp rudimentaire ainsi qu'une infirmerie de fortune y était installée où plusieurs personnes s'activaient autour de gens visiblement mal en point.

Nous traversâmes l'édifice branlant à la suite de Josef avec prudence, bien content de retrouver la terre ferme lorsque nos pieds se posèrent de nouveau sur les dalles. Il flottait dans l'air une réconfortante et étonnante odeur de ragoût, alors que les toux rauques et asthmatiques des malades nous parvenaient par intermittence.

— Nous avons des médicaments dans ce sac, proposai-je aussitôt, ne supportant pas de voir des gens en détresse sans intervenir. Je peux aider si vous voulez.

— C'est vrai ? C'est vraiment très gentil de votre part, me répondit Josef visiblement sincèrement ému de ma proposition, pourtant sans calcul. Votre aide sera grandement appréciée, bien évidemment mais avant, je voudrais vous montrer quelque chose.

Une appréhension sourde me saisit soudain tandis que nous le suivions de nouveau, slalomant entre les tentes de fortunes et les meubles disparates disséminés ça et là. Nous finîmes par arriver devant une cage de fortune, érigée sur l'autre rive. A l'intérieur un lit et sur ce lit...

— Vous le connaissez ? nous demanda Josef d'une vois désolée. 

Virgin Territory-Isolated System Tome 2 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant