Cobayes : Expériences - Tome 1

Chapitre 8 ; partie 3

                                                              * * *

En arrivant devant la porte de la chambre de Ruben, je vis deux colosses le tenir chacun par un bras pour le forcer à avancer mais il se débattait comme un fou pour essayer d'échapper à leurs mains qui devaient certainement lui broyer les bras.

Ashley n'attendit pas une seconde et leur cria dessus depuis le bout du couloir :

« Lâchez-le immédiatement ! Vous n'êtes pas autorisés à l'emmener tant que je n'ai pas donné mon accord !

-Nous avons une lettre du Haut-Ministre, commença l'un d'eux tranquillement en lâchant Ruben pour sortir un papier de sa veste. Il veut que nous l'emmenions à la gare pour le ramener à Paix. »

Ma formatrice lui arracha la feuille des mains et jeta un coup d'œil au message, je pus lire par-dessus son épaule. Cadeig disait dans cette lettre que par des mesures exceptionnelles, il s'autorisait à faire sortir Ruben du Centre Médical pour le ramener chez lui à Paix sans l'accord des Titulaires Médecins d'Espérance.

Je vis les doigts d'Ashley se crisper légèrement sur le papier. C'était tout à fait illégal de faire une chose pareille. Tant que les Médecins ne donnaient pas l'autorisation, personne ne pouvait sortir du Centre. Cette feuille ne devrait même pas exister.

Je ne savais pas si j'ai pensé à voix haute ou si simplement ma formatrice a eu la même idée que moi, mais dans tous les cas, elle déchira la feuille en tous petits morceaux qu'elle rangea dans la poche de sa blouse.

« Ce papier n'a aucune valeur messieurs, dit-elle calmement. Sans l'accord des Médecins, ce jeune homme ne peut pas sortir d'ici. Si le Haut-Ministre n'est pas content, vous n'aurez qu'à lui dire de venir me voir. Kaya, ramène Ruben dans sa chambre, s'il-te-plaît. »

Je n'attendis pas une seule seconde et rejoignis Ruben, complètement paniqué, qui était toujours tenu par le deuxième colosse de Cadeig. Ce dernier ne chercha pas à protester et le lâcha, non sans me fusiller du regard, regard que je lui rendis.

J'eus l'impression que Ruben s'accrocha à mon bras comme à sa vie, il me serrait tellement fort que j'en avais mal mais je ne dis rien. Doucement, on rentra dans sa chambre et je l'aidais à s'asseoir sur le lit. Romain, qui nous suivait toujours, ferma la porte et sans rien dire, il vint s'appuyer contre la table pour nous observer.

Lorsque je tournai de nouveau la tête vers Ruben, je me rendis compte qu'il pleurait silencieusement. Même si Romain allait me tuer, je le pris dans mes bras. Il avait eu une belle frayeur et sa réaction était tout à fait compréhensible.

« Merci, sanglota-t-il. Merci de ne pas les avoir laisser m'emmener.

-Calme-toi Ruben, chuchotai-je. Tu ne crains rien ici. Tu as entendu Ashley, si elle ne donne pas son accord, personne ne pourra t'emmener. Ils n'ont pas le droit. »

La porte de la chambre s'ouvrit brusquement sur ma formatrice, me faisant sursauter jusqu'au plafond.

Ashley referma la porte derrière elle dans un claquement assourdissant, elle semblait plus énervée que jamais. Elle s'approcha de la poubelle, en nous tournant le dos, et jeta tous les morceaux de la lettre de Cadeig.

« C'est vraiment un enfoiré, pesta-t-elle entre ses dents. J'ai réussi à faire partir ses brutes mais ils reviendront bientôt je pense, il va falloir trouver une solution rapidement. »

Elle se retourna, cette fois avec une expression plus calme, et nous interrogea du regard. Elle devait sûrement attendre nos suggestions pour faire face à ce problème mais, personnellement, je n'avais pas trop la tête à réfléchir : Ruben pleurait encore et toujours contre moi, il ne semblait prêt de se calmer en plus.

D'ailleurs, quand ma formatrice vit qu'il n'était vraiment pas bien, elle sortit précipitamment de la chambre. Bizarre... Qu'est-ce qu'il lui prenait ? Elle n'allait tout de même pas me laisser seule avec lui le temps qu'il se calme ! Certes, Romain était là mais pour le moment, il n'était pas d'une grande aide.

Heureusement, Ashley revint cinq minutes plus tard avec une plaquette de médicament dans la main. Elle s'assit alors à côté de Ruben, toujours en larmes, et lui montra les comprimés.

« Ça peut t'aider à dormir si tu veux, expliqua-t-elle tranquillement. Comme ça, tu pourras te calmer et te reposer pendant un moment. »

Encore trop secoué, Ruben hocha simplement la tête en signe d'accord. Ashley lui servit alors un verre d'eau, sortit deux cachets de la plaquette et lui tendit le tout. Ruben hésita quelques secondes et finalement, avala tout d'une seule gorgée.

Ma formatrice l'aida ensuite à se coucher pendant qu'elle m'annonçait que je pouvais partir avec Romain. Immédiatement, Ruben protesta : il voulait que je reste jusqu'à ce qu'il s'endorme. Au risque de contrarier encore Romain, j'acceptai mais je pris tout de même le temps de sortir deux minutes de la chambre avec mon amoureux.

Ce dernier ne sembla pas vraiment vexé par la demande de Ruben au final, cependant, j'eus à peine le temps de fermer la porte, qu'il prit mon visage entre ses mains et m'embrassa.

« Je suis désolé, souffla-t-il en posant son front contre le mien et en fermant les yeux. Est-ce que tu veux bien me pardonner? Je me rend vraiment compte maintenant que tu es une sœur pour lui et pas une petite-amie. On dirait presque une mère en fait. Je suis sincèrement désolé, je n'aurais pas dû m'énerver tout à l'heure.

-Romain, chuchotai-je en écartant ses cheveux de devant ses yeux alors qu'il les rouvrait, tu n'as pas t'excuser, ta réaction était normale. Tu n'as rien à te faire pardonner. »

Il sourit discrètement, j'en profitai pour déposer un baiser furtif sur ses lèvres. Cela agrandit un peu plus son sourire et il posa sa tête contre mon épaule. Je fermai les yeux, j'aurais aimé rester avec lui mais j'avais promis à Ruben de retourner le voir.

« Je sors ce soir, murmura Romain toujours appuyé contre moi. Tu veux bien venir chez moi ? On pourra passer un peu de temps ensemble avant que tu ne partes pour Croyance puisque, je suppose, tu n'as pas changé d'avis et que je ne peux pas t'accompagner.

-D'accord, je viendrais, soufflai-je à son oreille. Je n'ai toujours pas changé d'avis, il faut que j'y aille seule, je ne veux pas qu'il t'arrive quoique ce soit. Pendant mon absence fais attention, j'ai peur pour toi. Si jamais il y a un problème, parles-en à Ashley...

-Je croyais que tu ne lui faisais plus confiance, me coupa-t-il en relevant la tête, surpris.

-Il s'est passé beaucoup de choses depuis, expliquai-je, et je pense qu'elle est fiable. Donc, tu en parleras à Ashley s'il se passe quelque chose ? »

Pour toute réponse, j'eus le droit à un baiser et je pris cela pour un oui. Même si je serais bien restée encore un peu, je dus le lâcher pour retourner auprès de Ruben. Je rentrais donc à nouveau dans la chambre de ce dernier tandis que Romain repartait vers la sienne après un ultime baiser.

Ashley me fit immédiatement signe de me taire et me désigna Ruben. Les cachets avaient agi vite, il dormait déjà. Dommage que je ne sois pas arrivée avant, il aurait pu voir que j'avais tenu ma promesse et que j'étais revenue pour lui.