Les Maraudeurs et le Retour du Némésis (tome 5)

Chapitre 155 - LILY EVANS

Durant toute cette matinée, Lily ne put dormir qu'une seule petite heure. Elle était pourtant exténuée mais à chaque fois qu'elle fermait les yeux, elle revoyait toutes ces morts, toutes ces choses horribles auxquelles elle avait assisté et à chaque fois, elle se réveillait en sursaut, couverte de sueur et tremblante comme une feuille, avec l'image en tête d'un Pyrites aux yeux de fou en train de trancher la tête du professeur Trocard avec son horrible lame noire.

Cet après-midi-là, elle abandonna toute idée de dormir et quitta la salle commune de Gryffondor. Poudlard était plongé dans un calme froid, comme si le château entier était dans un état de torpeur posttraumatique. Elle savait que le professeur Trocard étant un vampire, il avait survécu à l'attaque de Pyrites. Mais cette image de décapitation revenait sans cesse la hanter et lui donnait même envie de vomir, parfois. Elle se dit que la meilleure solution pour supprimer ces horribles images de sa tête était d'aller rendre visite au professeur, afin qu'elle puisse voir de ses yeux qu'il était en parfaite santé.

Lorsqu'elle entra dans la salle de cours de Défense contre les forces du mal, la pièce était entièrement vide. Elle la traversa d'une traite, monta les escaliers au fond de la classe et frappa à la porte du bureau. La voix du professeur retentit de l'autre côté de la porte :

- Entrez !

Il était bien là. Toujours aussi pâle, avec son étrange regard qui lui faisait penser, maintenant qu'elle connaissait la vérité, à un prédateur. Tout ce qu'il restait du coup d'épée de Pyrites était une cicatrice autour de son cou qui devait vraisemblablement faire le tour jusque dans sa nuque.

Il semblait affairé autour de son bureau mais il prit le temps de lui adresser un sourire triste.

- Miss Evans, dit-il, vous devriez vous reposer. Vous avez vécu une nuit épouvantable.

- Je sais, je... Je suis venue m'assurer que vous alliez bien.

- Oh... Je suis vraiment touché. Même si je ne suis pas sûr de mériter une telle considération, ajouta-t-il dans sa barbe.

Lily remarqua alors que le professeur Trocard semblait faire sa valise, rassemblant toutes ses affaires éparpillées dans son vaste bureau.

- Vous... Vous nous quittez ?

Elle avait espéré une réponse amusée, du genre : « Je ne compte pas passer toutes mes vacances d'été à Poudlard, Miss Evans. On se reverra à la rentrée prochaine ! ». Mais il eut un sourire triste.

- Après ce qui s'est déroulé cette nuit, vous comprendrez que rester enseignant dans ce château n'est plus possible, laissa-t-il tomber d'un ton un peu résigné, ce fut une expérience très plaisante pour moi. Malheureusement...

- Mais c'est injuste, souffla Lily, vous n'avez rien fait de mal. Vous avez été un excellent professeur de Défense contre les forces du mal.

- Ce qui s'est passé cette nuit...

- Mais il ne s'est rien passé, cette nuit ! Vous n'avez mordu personne, après tout.

Le professeur Trocard pâlit ; s'il était possible d'être encore plus pâle. Lily fut aussitôt moins sûre de ce qu'elle venait d'avancer. Après tout, si un élève s'était fait mordre cette nuit, elle n'aurait sûrement pas été tenue au courant.

- Les choses sont mieux comme ça, reprit-il tout en poursuivant son rangement, le professeur Dumbledore a pris beaucoup de risques pour me permettre d'enseigner. Mais je ne peux pas lui demander ce service. Après tout, il a d'autres chats à fouetter, avec tout ce qui s'est passé cette nuit.

- Ce n'est pas votre faute, professeur, dit Lily, tout le monde sait que lorsqu'un vampire est soumis à un choc aussi terrible que ce que Pyrites vous a fait, il perd tout contrôle de la situation. Ce n'était pas vous, hier soir.

- Je le sais mieux que vous, Miss Evans. Mais le fait est là : cet aspect dangereux de ma personne existe bel et bien. On ne peut le nier. Ne vous inquiétez pas, je suis sûr que votre prochain professeur de Défense contre les forces du mal sera très bien.

Lily n'en était pas si sûre. A part les professeurs McBorough-Douglas et Delaunay, elle n'avait connu que des Mangemorts à ce poste.

- Vous allez me manquer, professeur.

Trocard eut un sourire ému.

- J'ai conscience que ma carrière d'enseignant a été très brève, mais vous êtes de loin la plus brillante des jeunes sorcières que j'ai connues. Vous irez loin, Miss Evans.

- Merci, professeur. Bonne continuation.

Lily ne put se résoudre à retourner dans sa salle commune après avoir fait ses adieux au professeur Trocard. Elle se rendit alors à la salle qui servait de QG pour Les Chroniques de Poudlard. Evidemment, la pièce était vide. Lily ne pouvait pas en vouloir à quiconque de ne pas avoir la tête à écrire des articles pour le journal de l'école. Mais pour elle, écrire devint très vite un moyen très cathartique de s'enlever un poids du cœur. Elle fit alors le récit complet de tout ce qui lui était arrivé cette nuit-là.

Après une heure d'écriture, on toqua à la porte. C'était Jenna qui entra dans la salle.

- Je savais bien que je te trouverai là, dit-elle, je me rends à l'infirmerie pour voir comment va mon frère, mais avant je voulais m'assurer que tu tiennes le coup. Comment tu te sens ?

Lily haussa les épaules.

- Sous le choc, dit-elle, comme tout le monde, je suppose. Comment va ton frère ?

- La dernière fois que je l'ai vu, il dormait profondément mais Pomfresh m'a assurée qu'elle avait soigné son épaule. Il doit s'être réveillé, à présent.

- Oh, tant mieux.

- Je sais qu'écrire doit te faire du bien, poursuivit Jenna en faisant un signe de la tête vers le parchemin sur lequel Lily travaillait, mais tu ne devrais pas rester seule trop longtemps. Mary et Eugénie sont dans la salle commune, tu devrais passer un peu de temps avec elles.

- C'est ce que je vais faire. Dès que j'en aurai fini avec ça.

Jenna hocha la tête, visiblement soucieuse.

- Bien, dit-elle en se retournant pour quitter la pièce, à plus tard, Lily.

- Jenna, attends !

Elle se retourna. Lily hésita.

- Plus rien ne sera comme avant, n'est-ce pas ? demanda-t-elle d'une petite voix.

Jenna acquiesça.

- Non, dit-elle, plus rien ne sera comme avant.